Face au danger, unis mais pas confondus

aeàlatribune-5.2.2011.JPGA l’approche de la présentation en conseil des ministres du texte de loi prévoyant de dénaturer le mariage et la parenté, il n’est pas un jour qui passe qui ne permette d’entendre une opposition qui grandit et qui gronde devant cette subversion du concept de famille. Il faut bien remarquer, et c’est heureux, que cette opposition provient d’horizons divers et prend des formes variées. Mais s’il faut se réjouir de la diversité des opposants à ce projet de loi, il semble nécessaire d’apporter une précision : unis ne veut pas dire confondus !


Lorsque M. Gilles Bernheim, grand rabbin de France, publie sa note d’une vingtaine de pages condamnant ce projet de loi, sa démarche est, sans nul doute, confessionnelle.  Il parle non pas en tant que simple citoyen mais en tant qu’autorité du judaïsme.


Lorsque M. Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, s’est exprimé sur le sujet, il s’agissait également d’une prise de parole marquée par son aspect confessionnel particulier.


Parmi les opposants à ce projet de loi, il fut même possible d’entendre le président d’une association s’exprimer en tant qu’ « homosexuel et athée » tandis que d’autres inscrivaient leur positionnement selon un prisme de gauche revendiqué et affirmé.


Curieusement, il n’est pas rare, par contre, que l’on entende demander aux chrétiens en général, et aux catholiques en particulier, de ne s’engager dans cette mobilisation que sur les seules bases de l’anthropologie. A eux – et à eux-seuls -, les bien-pensants recommandent avec insistance un engagement « a-confessionnel » et anonyme. Dans cette bataille, au nom de l’efficacité et de « l’éthique » ( ?), on pourrait donc se présenter fièrement comme athée, homosexuel, de gauche, parler selon les commandements du judaïsme ou de l’islam, mais il serait malvenu, inopportun, voire incongru de souligner que les enseignements du christianisme et la loi naturelle font bon ménage. Voilà qui non seulement est étrange mais inquiétant.


Au final, de quoi les bien-pensants ont-ils peur ? De laisser apparaître que si l’opposition à ce projet de loi est communément partagée parmi des catégories très variées de la population, ce sera avant tout parmi ceux qui se nourrissent du christianisme que se recruteront ceux qui descendront dans la rue ? Et alors ? Ce ne sera un secret que pour les naïfs !


En tant qu’organisateur de la grande manifestation nationale du 18 novembre « OUI à la Famille – NON au « mariage » homosexuel et à l’adoption d’enfants par des duos homosexuels », je répète avec insistance que celle-ci est ouverte à tous les opposants de ce projet de loi. Je sais qu’il n’est pas besoin d’être catholique, chrétien, croyant pour désapprouver ce bouleversement de société que le gouvernement veut nous imposer.


Mais je dis solennellement aux catholiques qu’ils doivent eux agir en catholiques et qu’il serait indigne qu’ils masquent leur foi en raison d’une illusion relativiste qui ne réconfortera que les partisans rabiques du fondamentalisme laïque.


Il n’est pas permis de suivre une règle de conduite différente dans la vie privée et dans la vie publique, de façon à respecter l’autorité de Dieu comme individu, en la rejetant comme citoyen.


Que chaque catholique médite l’épitaphe de l’écrivain Louis Veuillot :

J’espère en Jésus. Sur la terre

Je n’ai pas rougi de sa loi ;

Au dernier jour, devant son Père,

Il ne rougira pas de moi.


Alain Escada,

Président de CIVITAS

 

Annexe

 Quand la religion s’efface, il ne reste rien


Dans une tribune libre publiée par le Figaro le 20 mai 2012, Chantal Delsol, philosophe, ose un constat que la société moderne prétend nier : « (…)  quand la chrétienté s’efface, c’est comme si on nous retirait le sol sous les pieds – plus rien ne reste. C’est à dessein que je dis «rien». Car l’exigence du mariage ­homosexuel, et de l’adoption des enfants qui va avec, est un dessein nihiliste. Non parce qu’il va contre la «nature». Mais parce que, par principe, il refuse de ­débattre sur la question des limites: tout ce que je veux, et tout de suite, et quelles qu’en soient plus tard les conséquences. Deux facteurs suscitent ce nihilisme.


Le premier est la détestation de la religion, de ses dogmes et de ses interdits: et les adeptes de ces mesures sont clairement prêts à tout, et même à tout casser, pour briser définitivement des croyances ennemies. D’où la haine qui les porte, d’où une telle hargne qui les a portés (contre toute légalité ­démocratique, à force de menaces et de lobbying) à rendre illégale toute opinion contraire à la leur. (…)


Le deuxième facteur, c’est le remplacement des valeurs morales par l’unique critère de la souffrance et du désir individuels: empêcher deux homosexuels de se marier est inhumain, car enfin ils en souffrent.


Pourquoi les en empêcher puisqu’ils s’aiment? Avec ce raisonnement, on justifie n’importe quoi. Des Hollandais ont contracté un mariage à trois. Un jeune Australien s’est marié l’année dernière avec son chien. Des enfants de 10 ans pourraient se marier, s’ils s’aiment. Et aussi un père avec sa fille de 10 ans, s’ils s’aiment.

Lorsque plus rien n’arrête le désir, ni la religion ni la tradition, ni aucune sagesse plus haute, alors les dégâts ne sont pas loin. Nos contemporains, d’ailleurs, le savent bien, puisque dans tous les autres domaines ils militent contre la loi du désir tout-puissant:  face à l’environnement, face à l’économie. Dans ces domaines, ils sont conservateurs au bon sens du terme: au sens où nous devons conserver l’avenir. Pourquoi faudrait-il limiter nos caprices dans le but de protéger l’avenir des forêts ou celui des salariés, et non de protéger l’avenir de la famille et de la filiation? »