Dossier réalisé à destination du site internet Civitas en juin 2003.

Sommaire

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Depuis Bonaparte (qui a créé l’Université d’Etat par une loi impériale du 10 mai 1806) l’Etat s’est non seulement investi de la mission d’enseigner mais aussi s’en est attribué le monopole. Pour preuve, l’aveu même du ministre de l’Education Nationale, Louis Joxe qui disait en 1960 : « Il n’y a pas deux universités mais uniquement l’enseignement public, lequel dépend de l’Etat avec ses traditions et ses structures » 1. Dès 1808 il était déjà d’ailleurs acquis que l’enseignement primaire dispensé par l’Eglise était certes autorisé mais soumis au contrôle et à l’autorité de l’Etat 2.

Le monopole de l’Education, un principe révolutionnaire conquérant depuis 1789

La mainmise totalitaire de l’Etat sur l’instruction scolaire s’est nécessairement étendue à l’éducation elle-même. L’instruction des jeunes est en effet inséparable de leur éducation ; elle dépasse le stade purement spéculatif, car c’est la vie entière et l’ensemble des facultés de l’enfant – affection, volonté – qui sont aussi intéressés par l’enseignement. Il devenait donc logique de changer l’attribution du Ministère de l’Instruction Publique en l’appelant désormais Ministère de l’Education Nationale, ce à l’initiative d’Anatole de Monzie en 1932. (Vous dites : Ecole ? La France répond : Liberté d’Isabelle Mourral aux NEL p.45)

Par le moyen très puissant de l’Ecole Publique, l’Etat peut alors couler les intelligences des jeunes « dans un moule unifié, laïc » 3, exercer son influence sur le comportement des générations futures et ainsi s’emparer de la jeunesse pour « lui ôter son existence absolue, pour lui donner une existence relative et transporter le moi dans l’unité commune. » 4 Jules Ferry pouvait donc promettre que par l’institution de l’Ecole publique il formera les électeurs, tandis que les députés légifèreront. Le fondateur de la Ligue Française de l’enseignement et de l’éducation permanente, Jean Macé déclarait en 1866 : « Nous avons à faire non de la pédagogie mais de la propagande républicaine » 5. C’est dans cette même perspective que de nos jours l’Education Nationale s’efforce de transformer l’Ecole en un « lieu de socialisation »« l’enseignement non cognitif » a la primauté. Ainsi s’impose l’apprentissage à la citoyenneté au moyen de « programmes éducatifs diffusés par les médias pour mieux contribuer à neutraliser la transmission familiale des préjugés », conformément au bon vouloir de l’Unesco 6 ; car « il existe un père de famille qui comprend tous les enfants, c’est l’Etat» 7. Voilà donc que se vérifie le grand principe préconisé par Danton : « Les enfants appartiennent à la République, avant d’appartenir à leurs parents » 8.

L’Etat portera encore davantage atteinte à l’autorité des parents en leur refusant la pleine liberté d’éduquer leur progéniture. En effet le principe selon lequel : « A l’école publique, fonds publics. A l’école privée, fonds privés », fait que les parents sont privés du droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. C’est donc au prix de lourdes dépenses que nombre de parents, généralement peu aisés, inscrivent leurs enfants dans une école de leur choix. Le libre et plein exercice de l’autorité parentale est ainsi pénalisé. Cette injustice est d’autant plus caractérisée que ces parents qui payent déjà au prix fort la scolarité de leurs enfants, doivent encore contribuer par l’impôt à l’entretien et au fonctionnement des écoles publiques.

L’étouffement progressif de l’enseignement catholique

Croirions-nous peut-être que la Loi Debré a restitué aux parents un peu de leur autorité par le soutien financier qu’elle propose aux établissements privés ?

L’aide concédée par l’Etat à ces écoles n’est pas sans contrepartie. Sous contrat d’association avec l’Etat, elles doivent dispenser leur enseignement « selon les règles et programmes de l’enseignement public, soit à des maîtres liés à l’Etat par contrat » 9. Par de telles dispositions l’Etat a passé « des contrats non pas avec une autre autorité, mais avec des établissements et les directeurs responsables » 10. Loin de reconnaître à l’Eglise sa pleine autorité en matière d’éducation et de rendre un peu de liberté aux parents catholiques, la Loi Debré renforce le monopole de l’Etat qui a réussi à imposer toute son autorité aux établissements religieux qui devront désormais donner leur enseignement « dans le respect total des consciences » et accueillir « tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance » 11. Pas étonnant que ceux-ci absorbés par l’Etat, aient peu à peu perdu leur caractère propre d’Ecole Catholique. Bruno Frappat reconnut dans Le Monde du 15 janvier 1977 que « les différences s’estompent aux niveaux pédagogique, culturel, et même idéologique entre les deux enseignements (…). Dans l’enseignement privé, le caractère propre s’estompe peu à peu » 12. En même temps que la République refuse à l’Eglise son autorité en matière d’enseignement, elle persiste à dénier aux parents leur pleine responsabilité. Il va sans dire qu’une telle législation garantit l’établissement du règne de l’Humanitarisme, nouvelle religion universelle « qui doit réunir les consciences supérieures libérées des étroitesses des hypothèses et des dogmes qui divisent » 13.

Et qu’en est-il des établissements qui ont renoncé à s’associer avec l’Etat, pour sauvegarder leur raison d’exister et de vivre ?

N’obtenant aucune aide de l’Etat, l’Ecole privée, hors contrat d’association vit grâce à la participation financière des parents et à la générosité de bénévoles ou de bienfaiteurs. Victime d’une discrimination réelle elle est difficilement accessible, étant ou trop chère ou trop éloignée. D’où l’impossibilité pour beaucoup de parents d’inscrire leurs enfants dans ce genre d’établissements dont les principes éducatifs correspondent pourtant à leur légitime aspiration. Cette impossibilité a été créée par l’ostracisme de l’Etat qui a donc déchu les parents de leurs droits fondamentaux.

Une solution juste : le recours à l’allocation scolaire

Un tel système qui fait peser sur les parents une réelle tyrannie et sur les écoles libres de véritables contraintes, est intolérable. « Notre pays, avouait Olivier Giscard d’Estaing, est d’ailleurs le seul, avec l’U.R.S.S., où l’Etat se soit adjugé un monopole de fait de l’enseignement » 14. Ce système est d’autant plus intolérable qu’il accorde le monopole à une institution dont l’incompétence s’avère de jour en jour. C’est malheureusement à la faveur de la « faiblesse des bons » et du préjugé selon lequel il appartient à l’Etat d’éduquer, que celui-ci exerce son injuste oppression en toute tranquillité et impunité. Pourtant de saines réactions n’ont pas manqué. Souvenons-nous entre autres, des initiatives de pères de famille qui se réunissaient en associations (600 en 1913) pour surveiller l’enseignement donné dans les écoles officielles 15. Mais parmi les dernières en date il y a l’intervention de milliers de maires, conseillers généraux et régionaux (dont Jean-Claude Gaudin, Guy Tessier, Jean Roatta et A. Mattéi) qui ont souscrit, en 1984, à huit propositions dont la sixième que voici :

« Il est essentiel pour l’avenir de nos libertés scolaires d’inventer des systèmes de financement

  • moins coûteux pour la collectivité nationale,

  • satisfaisants pour les enseignants,

  • conformes à la justice pour les familles,

  • souples pour favoriser l’adaptation des enseignements aux besoins professionnels de plus en plus diversifiés.

Le système de l’allocation scolaire couvrant les frais réels de la scolarité attribués aux parents pour chaque enfant, répondrait à ces quatre conditions : liberté serait ainsi donnée aux familles de verser cette allocation aux établissements de leur choix » 16.

Cette initiative qui revendique un régime scolaire plus conforme à l’équité avait déjà été lancée dès 1909-1910 par les évêques de France.

L’allocation scolaire redonnerait aux parents la liberté de choisir l’école qu’ils jugent appropriées aux réels et légitimes besoins de leur progéniture ; replacerait l’Etat dans son juste rôle de suppléance en matière d’éducation ; rendrait enfin toutes les écoles, arbitrées par l’implacable loi du marché responsables de leurs résultats 17.

A notre tour, nous devons tous, en particulier les parents qui avec leurs enfants sont les premiers à pâtir de ce régime totalitaire, donner suite à ces différentes initiatives. A quoi bon discourir si nous ne prenons jamais la peine de concrétiser notre désapprobation ?

« De par la nature, les parents ont le droit de former leurs enfants, mais ils ont en plus le devoir de mettre leur instruction et leur éducation en parfait accord avec la fin pour laquelle ils les ont reçus par un bienfait de Dieu. Les parents doivent donc employer toutes leurs forces et une persévérante énergie à repousser tout genre d’injustice en cet ordre, à faire reconnaître d’une manière absolue le droit qu’ils ont d’élever leurs enfants chrétiennement, comme c’est leur devoir, et le droit surtout de les refuser à ces écoles dans lesquelles il y a péril qu’ils ne boivent le funeste poison de l’impiété » 18.

Abbé Laurent Ramé

1

Le Sel de la terre n°15 p.160

2

Michel Creuzet L’enseignement 7ème cahier, collection Le Cormoran, p.14

3

Professeur Jérôme Lejeune cité dans : L’Ecole que faire ? d’Yves Rousselot et Anne Despaigne, Diffusion Téqui, p.68

4

Jean-Jacques Rousseau cité dans La conjuration antichrétienne de Mgr. Delassus p.555

5

Cité dans Le Sel de la terre n°14 p.148

6

Cf. Le Spectacle du Monde n°471 septembre 2001 p.46

7

Jules Ferry cité dans La conjuration antichrétienne p.554

8

L’Ecole que faire ? p.37

9

Article 4 de la Loi cité dans Le sel de la terre n°15 p.157

10

Louis Joxe ibidem p.160

11

Article 1 de la Loi cité ibidem

12

Le sel de la terre n°15 p.162

13

M. Payot cité dans La conjuration antichrétienne p.826

14

L’Ecole, que faire ? p.20

15

Dictionnaire de la théologie catholique article Instruction de la jeunesse colonne 985

16

L’école, que faire ? p.60

17

Pierre Chanu, professeur à la Sorbonne, cité dans L’Ecole, que faire ? p.65

18

Léon XIII dans l’encyclique Sapientiae Christianae en janvier 1890