Les données du Ministère de l’Agriculture (2007) montrent l’effondrement patent du secteur agricole français depuis les années 50 (nombre d’agriculteurs divisé par 5, nombre de fermes supérieures à 100 hectares multiplié par 10, nombre de domaines cultivés divisé par 4). Ceci est le résultat d’une politique fortement incitative, résolument tournée vers un « modèle d’échelle » en remplacement de l’agriculture traditionnelle, dans le cadre d’une mondialisation des échanges avec une augmentation des quantités produites.

Cette politique s’est appuyée sur de prétendues avancées scientifiques qui, au lendemain de la guerre, ont permis d’augmenter fortement les rendements. Tous auraient dû en bénéficier, les paysans et leurs familles en particulier. Mais que constate-t-on aujourd’hui ? Le panier de la ménagère pèse de moins en moins lourd dans le budget des Français, alors que l’alimentation était encore le principal poste de dépense des foyers en 1960.

L’agriculture intensive, développée sur près de la moitié de la surface agricole utilisée en France, a engendré une terre devenue progressivement infertile, avec moins de paysans et toujours plus de chômage! À force de traitements chimiques et mécaniques répétés depuis 50 ans, le nombre de vers de terre, ramené à la surface cultivée, est passé en différents endroits de 4 tonnes à 100 kg à l’hectare. Or l’humus, fine couche fertile indispensable à l’agriculture, est majoritairement fabriqué par le ver de terre. C’est aussi le résultat de la « révolution verte » entre 1960 et 1980 qui a rendu le paysan dépendant de l’industrie et l’a réduit au statut de simple agent économique.

Nos institutions, tournées vers la finance et soumises à la mondialisation, ont encouragé, voire forcé ces mutations. Ainsi, malgré la séduisante propagande et tout ce qui a été réalisé pour améliorer les rendements (recherche sur la génétique et la chimie), malgré l’augmentation de la taille des « exploitations», le tassement du cours des denrées agricoles a conduit à une perte de revenu du paysan. Tous ses efforts ont été annihilés par le mauvais choix de la course au progrès pour produire plus et gagner plus. L’augmentation simultanée des charges d’exploitation et des dépenses d’investissement a provoqué, en général, un endettement rédhibitoire et une mise sous tutelle financière des fermes, petites ou grandes. C’est une injustice et un drame que le paysan, libre et depuis toujours attaché à sa terre, ne peut parfois plus surmonter : le suicide, 8ème cause de mortalité dans la population française, est la 3ème cause de mortalité chez les paysans. Voilà, en un demi-siècle ce que la France a fait de ses paysans !

Notre vocation paysanne

L’humanité a pour vocation naturelle de transmettre la vie et de travailler à se nourrir. Le travail de la terre est un appel à servir pour nourrir sa famille, son village, sa nation.

La terre est un héritage, une grâce, une charge à assumer par celui qui la reçoit puis la transmet, tel un legs.

Remplir cette vocation exige de rester libre et le paysan est l’incarnation de cette liberté. Il ne possède pas sa terre, il se donne à elle ! Le paysan est l’âme du pays, il est une figure incarnée de ce lien intangible entre terre et ciel ; il crée l’attachement à un terroir. Loin des contraintes administratives, le paysan obéit en conscience à la nature du sol. Il fait de son mieux, sachant s’abandonner humblement. Et la vocation du paysan est aussi de faire avec le temps. Le paysan ne force pas la terre dans un but de productivité et d’enrichissement. En un mot, il est au service de sa terre ; il ne l’exploite pas mais il la cultive.

Analyse politique

Le constat est cruel, les chiffres alarmants. Notre paysannerie a perdu sa vocation.

  • L’endettement, provoqué par la recherche du toujours plus et plus vite, au détriment de l’équilibre de sa ferme, a asservi le paysan au système bancaire. Le remembrement et la spécialisation de l’agriculture ont sans cesse entraîné l’augmentation de la taille des fermes. Les emprunts qui en résultent sont en contradiction avec la vocation profonde de la paysannerie et la plongent dans la détresse. Le travail du paysan n’est plus destiné à nourrir sa famille mais à générer un bénéfice ou bien lui permettre de rembourser sa dette. On assassine nos paysans… À qui profite le crime ?
  • La spéculation sur les denrées alimentaires provoque la ruine des pays dont la vocation première – nourrir ses habitants – est oubliée. Elle implique la production de grandes quantités et contraint le paysan à la spécialisation qui le prive de son autonomie et le rend dépendant du système financier international.
  • Fragilisé de surcroît par les lourdeurs administratives, le paysan est insidieusement enfermé dans un carcan bureaucratique.
  • Le malaise paysan est un empoisonnement lent, tant physique que spirituel, et nous en sommes tous victimes. Pour retrouver notre vocation paysanne, nous sommes tous appelés à réagir. L’ambition de Terre et Famille est de ré-ouvrir la voie pour retrouver l’âme de nos terroirs et la vigueur de notre humanité, intimement liées.

Notre programme

L’objectif de ce programme est à la fois de ramener l’État dans son rôle, de retrouver l’agriculture de terroir en repoussant l’agriculture spécialisée et spéculative par la reprise de nos responsabilités et le retour à la véritable mission paysanne.

Une politique générale : Pour permettre une action politique, il faut que chacun occupe son poste. L’État définit une politique générale, soutenue et mise en œuvre par son administration, et chaque échelon doit retrouver son autorité. La France compte de nombreux terroirs qui doivent défendre leurs caractères propres. Le respect de notre terre dicte de ne pas gaspiller les ressources qu’elle nous offre et dont nous sommes les garants. Il vaut donc mieux produire à proximité du lieu où s’exprime le besoin. Consommer les produits locaux économise les dépenses liées à leur transport et à leur conservation. Une telle stratégie a également l’avantage d’accroître la résistance d’un pays lors de catastrophes ou de conflits car elle permet la survie à une échelle locale. Elle n’exclut pas cependant la possibilité d’organiser l’écoulement d’une production excédentaire à l’échelle d’une région plus ou moins vaste.

Mettre en œuvre cette stratégie implique que l’État prenne un certain nombre de décisions, se donnant d’abord les moyens de redevenir souverain, afin d’être en mesure de laisser agir l’échelon local.

En outre, l’Etat devra :

  • utiliser la PAC pour en sortir (subventionner la reconversion des fermes en polyculture / élevage plutôt que fiancer leur survie) ;
  • rétablir une concurrence loyale par le contrôle de nos frontières nationales ;
  • renoncer aux importations accessoires quand les produits de base sont raisonnablement disponibles sur le marché national ;
  • défendre les produits nationaux et leur diversité ;
  • protéger les produits agricoles de toute spéculation, la paysannerie et le commerce des denrées alimentaires devant être commandés sous la bannière unique d’un Secrétariat d’État au commerce des produits agricoles, auprès du Ministère de l’Agriculture ;
  • travailler à la remise en place des circuits courts, retrouver nos marchés couverts et nos halles et libérer le paysan des pressions exercées par les groupes d’achat et les grossistes ;
  • libérer le commerce des semences fermières ;
  • interdire l’utilisation de semences OGM sur notre sol et refuser l’importation des produits issus de ces semences (semences stériles qui rendent le paysan dépendant des groupes chimiques et semenciers en situation de monopole) ;
  • alléger les tâches administratives du paysan ;
  • favoriser la création de petits abattoirs locaux, respectueux de l’animal et de l’hygiène ;
  • aider à la conservation des biens agricoles au sein des familles ;
  • faciliter l’installation de nouveaux paysans ;
  • donner les moyens d’une vraie politique locale, rendre aux maires et aux communes la maîtrise du plan d’occupation des sols et un vrai pouvoir de préservation des terres agricoles ;
  • réhabiliter une recherche et un enseignement agricole, s’appuyant sur la connaissance des méthodes traditionnelles et sur une étude critique des « progrès » scientifiques et techniques réalisés depuis le 19ème siècle (création d’une chaire universitaire d’agronomie comprenant un enseignement de la microbiologie des sols) ;
  • organiser localement l’accès à une formation continue pour tous, dans tous les domaines agricoles ;
  • revenir à l’heure solaire, qui garantit une vie plus proche du rythme naturel.

Une réforme fiscale : L’État doit entreprendre une profonde réforme fiscale pour redonner du souffle à la paysannerie.

Il est vital de :

  • baisser les charges relatives au travail salarié ou saisonnier pour favoriser les pratiques agricoles traditionnelles, novatrices et respectueuses de la terre ;
  • réduire l’impôt sur le revenu agricole au prorata des charges salariales versées par la ferme (dans l’attente d’une suppression totale de l’impôt sur tous les revenus, programmée par Civitas) ;
  • supprimer les taxes sur les denrées alimentaires produites, transformées et consommées sur le territoire national ;
  • mettre en place des droits de douane pertinents sur les produits agricoles importés ;
  • supprimer la taxe foncière sur les terrains agricoles (non bâtis) ;
  • supprimer les droits de succession sur les propriétés agricoles, à condition que les terres restent destinées à l’activité agricole (dans l’attente d’une suppression totale des droits de succession en ligne directe).

Une réforme juridique : Enfin, l’État ne fera pas l’économie d’une étude approfondie sur le statut juridique des terres agricoles. Elle devra en interdire la vente à des intérêts étrangers, et devra reconsidérer les règles de transmission du patrimoine foncier ainsi que les prérogatives des SAFER. Cette réforme juridique devra par ailleurs :

  • limiter le nombre de normes aux normes françaises pertinentes ;
  • libérer le regroupement en corporations/filières ;
  • permettre une meilleure gestion des crises sanitaires ;
  • supprimer les arrêtés contraires au respect de l’animal et à la sécurité sanitaire ;
  • libérer le travail salarié et journalier, l’apprentissage à la ferme et les activités professionnelles mixtes.

Notre responsabilité

L’État c’est nous. Nous devons réapprendre les bienfaits de la sobriété et retrouver la mesure du temps. Nous devons prendre part à la vie de nos quartiers, villages, communes ou paroisses, œuvrer pour restaurer l’économie familiale et locale, par l’approvisionnement de proximité, le soin apporté à nos potagers et l’enseignement du savoir-faire paysan à nos enfants.

Enfin le paysan doit sortir du cercle vicieux du « toujours plus » pour rester maître chez lui. De l’indépendance du paysan par le retour à la polyculture-élevage dépendent la biodiversité et notre souveraineté alimentaire. Il se fortifiera en développant les filières/corporations, en reconquérant le marché local et en s’appuyant sur l’entraide paysanne.

Pour palier progressivement aux erreurs, il lui faudra re-parcelliser en replantant des haies vives, retrouver l’échelle familiale de la structure agricole, réintégrer la ferme dans l’économie locale. Alors la vie de la ferme redeviendra le poumon, rythmant ainsi la vie (sociale et culturelle) des villages et des villes de France. Nous devons réaliser que nous sommes tous des paysans. Redécouvrons l’histoire de nos terroirs, vivifiés par notre religion catholique, incarnée et enracinée. Renouons avec « les devoirs de l’homme » en exerçant librement toutes nos responsabilités et ainsi retrouvons l’entraide naturelle.