Article tiré du numéro 6 de la revue Civitas (septembre 2002) : La famille.

Sommaire

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Introduction

Le siècle dernier a vu la mise en œuvre systématique d’un plan universel visant à la destruction de la famille chrétienne, et de la vie humaine elle-même, particulièrement de la vie innocente et sans défense de l’enfant à naître. Conspiration gigantesque et stupéfiante dont une immense majorité de nos contemporains, intoxiqués par la grande presse et les moyens audio-visuels d’information aux ordres de la Révolution 1, ne soupçonne pas même l’existence.

On sait que la franc-maçonnerie a joué – et continue de jouer – un rôle prédominant dans cette conspiration. Depuis leur création, les Loges n’ont cessé, comme en avertissait les fidèles Léon XIII dans son Encyclique Humanum genus, d’œuvrer « à dépouiller complètement les nations chrétiennes des bienfaits dont elles sont redevables au Sauveur Jésus-Christ » 2. Or, parmi ces bienfaits, l’ennoblissement de l’institution familiale, le respect de la femme, la sollicitude pour l’enfance, ne sont pas les moindres 3.

Il ne faudrait cependant pas croire que seuls des maçons promeuvent cette conspiration mondiale. Il s’est trouvé, dès le début, nombre de catholiques libéraux, nombre d’hommes politiques, de médecins, d’universitaires, nombre de chefs d’Etat soit-disant catholiques mais gagnés aux idées révolutionnaires, pour seconder très efficacement l’entreprise satanique, dont nous allons nous efforcer d’analyser succintement les étapes et les manifestations les plus notables.

Contre le mariage

L’institution du mariage a été attaquée depuis plusieurs siècles, principalement :

– dans le sacrement de mariage.

Pie XI dénonçait déjà l’erreur de ceux qui « présentent le mariage comme une chose absolument profane et purement civile, et qui ne saurait en aucune façon être confiée à la société religieuse, l’Eglise du Christ, mais à la société civile » 4. Les législateurs révolutionnaires opérèrent en France, dès 1791, la sécularisation de l’institution matrimoniale, qui ne fut plus jamais remise en cause 5. Un grand nombre de pays imitèrent la France, dès le XIXe siècle.

– dans la règle de l’indissolubilité.

Dans l’Encyclique déjà citée, le pape Pie XI condamnait également l’erreur – conséquence logique de la laïcisation du mariage – consistant à soutenir que « le pacte nuptial doit être libéré de tout lien indissoluble, que les séparations d’époux, ou divorces, doivent, en conséquence, être non seulement tolérés mais sanctionnés par la loi » 6. Mais, fidèles aux théories des prétendus « philosophes » des « Lumières » (Montesquieu, Voltaire, Rousseau, etc.), les Révolutionnaires français de la fin du XVIIIe siècle instituèrent dès leur prise du pouvoir le divorce, considéré comme « une conséquence naturelle et nécessaire de la Déclaration des droits de l’homme » 7. La loi de 1792 permet (et tend à rendre extrêmement facile) le divorce par consentement mutuel et pour de multiples causes. Aboli à la Restauration (1816), rétabli en 1884, de plus en plus favorisé par la jurisprudence et par diverses lois, il sera largement « libéralisé » en 1975 sous Giscard, et semble devoir l’être encore dans un futur proche – d’autant qu’après plus d’un siècle d’existence légale, il est clair qu’il est « entré dans les mœurs », les statistiques le prouvent. Au plan international, il est à noter que, longtemps prohibé dans les nations catholiques, le divorce devait être légalisé à la suite du concile Vatican II : en Italie en 1970, au Portugal en 1978, en Espagne en 1981.

Contre l’enfant

Avortement et contraception

Les Soviétiques semblent avoir été les premiers à mettre en œuvre une politique favorisant l’avortement et la contraception. « Après la révolution d’octobre, note Pierre Simon, il se produisit une sorte de dissolution du concept traditionnel de la famille : l’union libre et l’avortement (…) furent à la mode, et les pénalités visant l’avortement criminel furent annulées (…). Dès 1913, Lénine au cours d’un Congrès Médical proclamait que l’opposition du parti au malthusianisme ne l’empêchait pas « d’exiger un changement complet de toutes les lois interdisant l’avortement ou la diffusion d’ouvrages de médecine ayant trait aux moyens anti-conceptionnels… car… ces lois sont des hypocrisies des classes dirigeantes ». L’U.R.S.S. connut alors un grand nombre d’avortements qui fit baisser considérablement son taux de natalité (…) » 8.

Vers la même époque, l’action en faveur de la contraception et de l’avortement s’affirme également dans les pays anglo-saxons. Comme le rappelle un récent rapport présenté au Sénat, « Le premier centre de contrôle des naissances a été ouvert à Brooklyn par Margaret Sanger, le 16 octobre 1916. En France, ce n’est que quarante ans plus tard qu’a commencé à se développer ce mouvement revendicatif : créée en 1956 par le Dr Marie-Andrée Lagroua-Weill-Halé et Evelyne Sullerot, la Maternité heureuse est devenue, à partir de 1960, le Mouvement français pour le planning familial » 9.

Les révolutionnaires obtiennent en premier lieu, sous le règne du général de Gaulle, la légalisation de la contraception avec la loi Neuwirth du 28 décembre 1967. Cette loi, souligne le rapport déjà cité, « a parachevé un processus initié par le mouvement féministe et relayé par des médecins et scientifiques » 10. La contraception ne cessera pas, dès lors, d’être favorisée par diverses mesures législatives, dont une loi de décembre 1974 instituant le remboursement par la sécurité sociale des dispositifs contraceptifs 11.

La légalisation de l’avortement devait être l’étape suivante. Elle fut le terme d’une formidable campagne de propagande orchestrée par toutes les forces subversives 12. L’étude du processus de légalisation de l’ « I.V.G. » en France est en effet extrêmement instructive : il aura fallu la conjonction d’une puissante organisation subversive, disposant de relais nombreux, très organisée ; d’un gouvernement « libéral avancé » ; d’un clergé et d’un épiscopat corrompu par l’ « esprit du Concile » – et l’apathie de la « majorité silencieuse », matraquée par les média. Depuis 1975, l’avortement n’a cessé d’être facilité par les gouvernements successifs, au point d’être considéré aujourd’hui comme un véritable « service public » 13.

Au plan international, il semble que de nos jours plusieurs organismes internationaux, si ce n’est formellement maçonniques, du moins indéniablement animés d’une philosophie maçonnique, aient pris les rènes de ce qu’il n’est pas exagéré d’appeler une « conspiration mondiale contre la vie » 14. Ces institutions disposent de moyens considérables : car il est avéré qu’au plan mondial, des liens étroits, notamment financiers, existent entre les promoteurs du Planning familial et la Haute finance internationale 15.

Contre l’institution familiale

La structure naturelle de la société familiale est l’objet d’attaques incessantes. Le but de la Révolution est, nous l’avons vu, « la modulation du nouveau schéma de la famille » 16. L’autorité du père de famille est systématiquement minée et contrecarrée à travers chacune des réformes du droit de la famille. A cet égard, la loi du 4 juin 1970 apparaît comme une réforme décisive. Depuis cette date, observe Me Wagner, « Il n’y a plus de chef de famille légalement reconnu. Elle supprime complètement toute autorité du père sur les enfants et du mari sur la femme. Elle supprime la puissance paternelle et la remplace par l’autorité parentale. Aujourd’hui, l’autorité parentale est toujours partagée entre les deux parents ». Corrélativement, nous assistons à la promotion par l’Etat de soit-disant « nouveaux modèles familiaux », de l’union libre et de l’homosexualité.

L’institution familiale est délibérément ignorée au plan civique, social et politique. En dépit de pétitions de principes récurrentes (et démagogiques), la représentation des familles auprès des pouvoirs publics est actuellement très insuffisante en France, preuve de la permanence de l’idéologie individualiste et anti-familiale 17.

La promotion du travail de la femme à l’extérieur du foyer, réprouvé par les Souverains Pontifes, participe du même esprit révolutionnaire qui cherche à miner l’unité et l’équilibre de la famille. Il ne faudrait pas non plus passer sous silence le caractère néfaste de la législation (révolutionnaire et napoléonienne) visant à entraver la transmission du patrimoine familial. Mais une analyse détaillée de ce problème dépasse le cadre de cet article.

Enfin, la liberté absolue dont jouissent la propagande anti-familiale et l’immoralité sous toutes ses formes, témoigne également de la volonté du pouvoir politique actuel de corrompre la famille.

Conclusion

Nous empruntons notre conclusion à l’étude de Me Wagner déjà citée : « Si nous voulons sortir du chaos où nous sommes, c’est par la reconstruction de la famille qu’il faut commencer. Mais défaite par des lois, il faudra d’autres lois pour permettre qu’elle se refasse. L’espoir n’est donc concevable qu’à travers une reconstruction politique d’abord ».

Emmanuel François

1

Rappelons que le terme Révolution (avec un grand R) désigne, pour reprendre l’expression d’Albert de Mun, cette « doctrine qui prétend fonder la société sur la volonté de l’homme, au lieu de la fonder sur la volonté de Dieu ». Cf. E. FRANCOIS, La Cité selon l’ordre social chrétien, Ed. Institut Civitas, 2002, pp. 10-11, note 4. Le Pape Pie IX n’hésitait pas à affirmer : « La Révolution est inspirée par Satan lui-même. Son but est de détruire de fond en comble l’édifice du Christianisme et de reconstituer sur ses ruines l’ordre social du paganisme » (Encyclique du 8 décembre 1849, cité par Mgr de SEGUR, Œuvres, tome II, 1867, p. 252).

2

S.S. Léon XIII, Encyclique Humanum genus sur la secte des francs-maçons, 20 avril 1884

3

« C’est depuis la venue de Jésus sur la terre – fait remarquer l’abbé LEFEVRE dans son admirable ouvrage intitulé La Cité nouvelle du Christ (Ed. du Cèdre, Paris, 1969, pp. 20 sq.) – que les femmesnos mères, nos épouses, nos sœurs – ont eu le rang qui leur convient, la garantie de leur vertu, dans une sainte liberté que les siècles durs du passé lui avaient refusés. (…) Partout où Jésus a passé, partout où sa Doctrine a redressé et purifié le cœur, la femme sera respectée. Partout où l’Evangile n’a pas été prêché, partout où il n’a pas encore inspiré les institutions et corrigé les mœurs, la femme est encore regardée comme une misérable, comme un souffre-douleur exposé aux insultes des hommes vieux ou jeunes, et même des enfants. Partout où l’Evangile est oublié, dans nos Cités laïcisées, elle est pour les uns qui ont perdu tout sens social la « lépreuse », pour d’autres un objet, un « bibelot » vivant, cet instrument de choix qu’on se dispute et que l’on flatte pour la jouissance du plaisir .» Aussi l’abbé Lefevre peut-il affirmer que : « L’honneur dû à l’Epouse, l’honneur dû à la Mère et le respect de la femme sont les marques les plus caractéristiques de la civilisation chrétienne authentique ».

4

S.S. Pie XI, Encyclique Casti connubii, 31 décembre 1930.

5

Cf. F. TERRE, Droit civil, la famille, les personnes, les incapacités, Ed. Dalloz, Paris, 1996, p. 266 sq., qui fait observer que la sécularisation du Droit matrimonial avait commencé sous la Monarchie française, à travers diverses mesures royales, à partir du XVIe siècle.

6

S.S. Pie XI, Encyclique préc.

7

Libelle révolutionnaire anonyme de 1789, cité par F. TERRE, op. cit., p. 396.

8

Pierre SIMON, Le contrôle des naissances, Ed. Payot, Paris, 1966, p. 98. Cf. A. de LASSUS, La politique mondiale de planification des naissances, supplément au n° 54 de l’A.F.S.

9

Rapport d’information 200 (2000-2001) de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

10

Rapport préc. « Cet acte fondateur de la libéralisation de la contraception en France, qui abrogeait la loi du 31 juillet 1920 interdisant tout recours à la contraception, comme d’ailleurs à l’avortement, et punissant sévèrement la production, l’importation ou la vente de contraceptifs, ainsi que leur utilisation, a en effet été rendu possible par l’influence d’un comité créé par le Général de Gaulle et chargé de travailler sur ce thème dans la perspective de l’élection présidentielle de 1965. Ce « Comité des 13 sages » élabora un projet, que la presse appela « Feu vert pour la pilule », qui recommandait au ministre de la santé et au président de la République de favoriser le recours à la pilule contraceptive, disponible aux Etats-Unis depuis 1960 sous le nom d’Enovid. C’est fort de cette recommandation que (…) Lucien Neuwirth, alors député, put obtenir, pour modifier la législation de 1920, l’aval du Général de Gaulle, lequel aurait alors considéré que la transmission de la vie étant importante, il fallait qu’elle fût un acte lucide » (Ibid.).

11

« Cette loi, nous rappelle le Rapport précité, a aussi supprimé l’interdiction générale de la vente de contraceptifs aux mineurs sans accord parental et autorisé les centres de planification ou d’éducation familiale à délivrer, à titre gratuit, des médicaments, produits ou objets contraceptifs, sur prescription médicale, aux mineurs désirant garder le secret ». Vingt-cinq ans plus tard, nous en sommes à l’autorisation de délivrance de la « pilule du lendemain » dans les lycées et collèges…

12

Pour une analyse de la stratégie subversive des promoteurs de l’avortement, voir P. VOUTERS, Ces menaces qui pèsent sur la vie, in Permanences, n°316, pp. 18 sq.

13

Significative à cet égard est cette circulaire ministérielle de M. B. Kouchner, alors ministre de la Santé, le 18 mars 1993 (publiée dans le Bulletin officiel du Ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville, n° 18 du 3 juillet 1993) : « Près de vingt ans après la promulgation de la loi (…) du 17 janvier 1975, la prise en charge des I.V.G. est, dans notre pays, globalement satisfaisante. Toutefois, compte tenu du climat dans lequel, à l’époque, l’application de cette loi a été mise en œuvre, les structures assurant la prise en charge de cette activité ont souvent été marginalisées. Il me paraît maintenant nécessaire de franchir un nouveau pas et, les mentalités évoluant, de prendre toutes mesures utiles pour intégrer cette activité dans le fonctionnement normal des services médicaux des établissements publics de santé ». C’est en 2001 que M. Kouchner et Mme Aubry, commanditaires du « rapport » réalisé par le prof. Israël Nisand, firent voter une énième réforme de la loi sur l’avortement, nouvelle étape de la « normalisation hospitalière du meurtre » que prévoyait en 1973 M. de Penfentenyo (cf . Permanences, n°101, juin-juillet 1973, p. 19).

14

Pour des données précises sur les campagnes démographiques de l’ONU et de ses organisations satellites, et sur le Planning familial mondial, on pourra consulter EPIPHANIUS, Maçonnerie et sectes secrètes : le côté caché de l’histoire, Publications du Courrier de Rome, 1999, pp. 331 sq. Voir également l’article de M. BERGER, Famille et mondialisme, dans ce dossier.

15

Dr E. TREMBLAY, L’affaire Rockefeller, l’Europe occidentale en danger, Editions de l’Union Pour Une Politique Nouvelle.

16

P. SIMON, De la vie avant toute chose, Ed. Mazarine, p. 96.

17

Il faudrait aussi remarquer que les prestations familiales en France, ainsi que l’a démontré le professeur Etienne THEVENIN, sont en déclin depuis les années 1960-70, ce qui peut sembler paradoxal à première vue, mais qui s’explique si l’on considère les motivations idéologiques de nos dirigeants.