Article tiré du numéro 4 de la revue Civitas (mars 2002) : L’Etat.

Sommaire

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On ne peut parler du rôle de l’Etat en matière d’éducation sans exposer la politique désastreuse de nos gouvernements républicains. Les lignes qui suivent sont une illustration a contrario des principes évoqués dans les deux articles précédents, elles présentent l’attitude de l’Etat sous l’ancien régime et ce qui arrive quand celui-ci s’éloigne des principes catholiques et leur préfère ceux des « lumières ».

De l’application des principes catholiques aux idées révolutionnaires

Dans une France Chrétienne la question ne se posait pas

Poser le problème de l’Etat et de l’éducation c’est aborder un problème qui ne fut guère posé dans l’ancien régime. De ce point de vue la monarchie chrétienne en France était libérale, non qu’elle fut indifférente à l’éducation (voir, par exemple, celle du dauphin) mais la situation religieuse était telle que l’Etat royal faisait confiance à l’Eglise en ce domaine. Dès l’origine, cependant, l’Etat agit en protecteur, en fondateur même, par les innombrables fondations éducatives.

On prête à Charlemagne d’avoir créé l’école, en réalité ce qu’avait compris l’empereur, c’est que, dans la barbarie des temps, il fallait sauver le trésor de la « Paîdeia » grecque et des humanités héritées de Rome et largement reprises par l’Eglise. En outre, il ne voyait pas comment rétablir la paix sans un réseau serré d’institutions éducatives. Voilà l’intuition de Charlemagne et d’Alcuin, l’école comme condition de la paix civile, cet aspect des choses prenant une singulière acuité douze siècles plus tard.

Avec la révolution, l’éducation devient une affaire d’Etat

Globalement, le modèle éducatif français jusqu’à la Révolution, présente une grande diversité, petites écoles de village, précepteurs, mais aussi collèges de Jésuites, préfiguration des lycées, et les écoles des « frères quatre bras » pour l’apprentissage ( frères des Ecoles Chrétiennes). On se souviendra aussi de la très grande autonomie des universités, bénéficiaires de privilèges, appellation d’ancien régime des libertés.

C’est avec la Révolution et surtout l’empire que l’éducation devient affaire d’Etat, le monopole se constitue à partir de 1806, et, désormais, les Français tiendront peu ou prou, la fonction éducative pour une fonction régalienne même avec le retour de la monarchie qui ne modifiera guère cet état de fait.

L’opposition catholique aux idées révolutionnaires

L’opposition à ce monopole viendra des Catholiques libéraux autour de personnalités comme d‘Alembert et le comte de Falloux dont la Loi demeure en vigueur depuis 1850 permettant le financement public d’ investissements des écoles privées.

Il faut affirmer que le droit des parent préexiste à toute constitution d’Etat, c’est un droit naturel d’ailleurs reconnu par la déclaration universelle des droits de l’homme stipulant très expressément le droit des parents à choisir l’éducation de leurs enfants (1948).

Le tournant fondamental de mai 1968

Il est bien connu que les hommes se grandissent en élevant leurs enfants, or depuis une génération, grosso modo depuis 68, quoique la situation antérieure ne fût pas satisfaisante, cette tâche est complètement délaissée.

L’école reflet de l’idéologie qui mine notre société

Les historiens retiendrons de cette fin du XXe siècle que l’école est en crise profonde à l’instar de la société, plus partiellement il apparaît aussi que si la Ve république a pu croire résolue la querelle scolaire avec les lois Debré, l’école en général semble être un de ses plus grands échecs dont elle pourrait bien mourir. Que vaut en effet un peuple dont 20 % de sa population est réputée illettrée que vaut une école quand les meilleurs s’en détournent (pas un des normaliens de la promotion littéraire de la rue d’Ulm ne veut enseigner) ?

Certes dès 1945 s’est mis en place le plan Langevin Vallon de massification communiste de l’éducation, mais, tout se passe comme si la IVe république hésitait devant ses dangers et freinait son application. En matière sémantique c’est depuis 1932 que le ministère de l’éducation s’est appelé éducation, jusqu’alors il s’était contenté du mot instruction ; désormais il affirme ce que Taine dénonçait déjà comme : « l’insupportable prétention de l’Etat à se faire l’éducateur de la nation ».

Globalement cependant, jusqu’à la décennie 60, la structure générale du savoir, les exigences de l’instruction civique se maintiennent, c’est plutôt au sommet que l’idéologie marxiste triomphe, à l’université, préparant des lendemains qui ne chantent pas.

1968 : Un cataclysme culturel

Il faut toujours prendre au sérieux les mots et ceux qui les commettent, les mots de 68 appartenaient soit au langage marxiste dans l’arsenal duquel les étudiants puisaient par facilité et soumission à la pensée dominante dans l’université, soit au répertoire romantico-anarchiste.

Ces mots, pour grandiloquents ou prétentieux qu’ils pouvaient paraître, sont entrés depuis dans la réalité sociale. Le basculement des valeurs, leur subversion radicale, a constitué leur application tandis que leur ridicule n’en laissait rien paraître. Ainsi en est-il du fameux : « il est interdit d’interdire » qui trente trois ans après, contraint le ministre à s’efforcer en vain de restaurer l’instruction civique. Résultat, 50% de racket et 60% de viols en plus chaque année. Même l’enseignement primaire n’est plus désormais à l’abri de la violence, et la création depuis 1982 des ZEP n’y a rien changé (zones d’éducation prioritaire).

Et si les professeurs, bousculés, injuriés méprisés, semblent au regard de ce qu’ils subissent ne guère vouloir prendre les moyens d’y remédier, c’est qu’en réalité, ils ne sauraient se révolter contre un désordre qu’ils ont appelé de leurs vœux.

Plus grave encore c’est toute une civilisation et sa morale qui ont été ébranlés par ces révoltes, tout ce qui fut rejeté par des siècles de civilisation devint acte bénéfique et bientôt légalisé. L’école devint avec les années 80 le champ d’application de la subversion des mœurs avec les distributeurs de préservatifs et bientôt le Norlevo sans autorisation parentale, alors même que pour l’éducation sexuelle il avait fallu l’autorisation des parents pour les élèves mineurs en 1973 encore.

Sous les pavés le vide culturel et moral

« Sous les pavés la plage » Ce slogan archi connu sera repris par la publicité, elle aussi fille de 68 et, propagande insidieuse, elle dit aujourd’hui le bien et le mal sans que le décalogue y ait sa part. Mais, sur le sable rien ne saurait se construire de durable et il est clair que ces évènements signent la mort non seulement de la morale traditionnelle mais aussi la fin des humanités classiques beaucoup plus d’ailleurs que le capitalisme que les étudiants voulaient abolir et qui s’accommode fort aisément de la subversion des valeurs.

La contestation des humanités classiques repose sur un discours égalitariste toujours vigoureux aujourd’hui. La culture étant l’inversion de la vie » on a ouvert l’école sur la rue avec son cortège de violences prénommées faussement incivilités. Seuls, ont compté longtemps les mathématiques dans un système scolaire qui, après avoir sélectionné sur le latin sélectionne sur les mathématiques.

Du privé mis au pas à la mise en place d’un nouvel ordre éducatif

L’enseignement privé se mit au diapason des nécessités du moment et de façon souvent exagérée mais pour conserver une clientèle. Ce faisant, il désertait le domaine des humanités tellement nécessaires à la culture chrétienne. Aujourd’hui selon un rapport de l’OCDE le niveau mathématique est en baisse en France quant à la culture littéraire elle est à l’agonie.

En 68 c’est un procès en sorcellerie qui commence contre les savoirs et « la culture bourgeoise » supposés facteurs de perpétuation des inégalités sociales. Mais, par une singulière ruse de l’histoire les réformes issues des années 68 ont abouti au résultat inverse de celui qui était recherché.

Tandis que l’accès au savoir avait lentement mais sûrement progressé jusqu’aux années soixante dans un système scolaire encore attaché à la culture classique et, sélectif, à partir des années 80, on n’ose plus exiger aucun niveau minimum de connaissances pour le plus grand dommage de tous les enfants et particulièrement de ceux dont l’origine est la plus modeste ; on y suppléera faussement par des slogans de 80% d’une classe d’âge au Bac, signe manifeste d’une massification qui conduit l’école à l’explosion. Certes il faudra un certain temps à cette logique pour s’imposer, on peut la qualifier de nouvel ordre éducatif mondial.

La stratégie socialiste : pérennisation de l’erreur

Après 1984 et la grande manifestation de l’enseignement privé le socialisme va changer le bois de sa langue il tourne désormais en matière d’éducation vers le discours multiculturel. En effet les socialistes français se rallient à la sociale démocratie de marché, à partir de 84 ils ont accepté de rester en Europe, ils ont dévalué le Franc, dans l’enseignement ce ralliement se traduit par la renonciation à l’annexion de l’enseignement privé.

Les « pédago » au secours des idéologues socialistes

En revanche les socialistes n’ont pas renoncé à la subversion culturelle et, le discours de la pseudo science pédagogique, qui commence à s’imposer, constitue les habits neufs d’une très vieille idéologie.

Ce discours devient d’ailleurs commun à l’enseignement privé et public : projet d’établissement, équipes pédagogiques et toute une pérestroîka linguistique qui traduit ce passage au nouvel ordre éducatif mondial et l’arrivée au pouvoir des héritiers de 68.

A. Besançon, dans la préface de « l’école des barbares » de F THOM (1986) a bien montré que le discours pédagogique n’a pas de fondement scientifique qu’il est, nous dit-il un corps étranger introduit dans la machine pour la subvertir. On apprend, dans cette pédagogie comment faire une enquête, l’art de l’apprentissage en groupe et l’on se perd dans des discussions à l’infini, d’ailleurs institutionnalisées par Allègre, TPE, ECJS, etc.

L’acteur social remplace le maître

C’est, en tout cas dans ce contexte que s’explique la mise en place par Jospin ministre de l’éducation en 1989 des IUFM. Le futur professeur y est baptisé « acteur social » il y apprendra à gérer « les phénomènes relationnels, la vie en société multiculturelle » Le tout accompagné d’un refus systématique d’exercer l’autorité, même à l’école primaire où la mise au coin est sanctionnée par l’inspection.

Mais l’adulte qui renonce à se comporter en adulte qui encense obséquieusement le jeune ne peut donc constituer un modèle d’identification. Cette abdication des adultes est directement responsable du développement de la violence à l’école. Ce processus contre identificatoire est encore décuplé par le phénomène migratoire et là gît, la prolifération des bandes, fléau de nos banlieues et de nos écoles.

Ainsi, la démission de toute une génération porte aux yeux de l’histoire non seulement la ruine culturelle que l’on sait, mais aussi l’émergence d’une barbarie paradoxale, en ce siècle qui exalta hypocritement le progrès, sous les pavés le chaos !

Voilà pourquoi, J. Lang figure emblématique de la subversion culturelle est à la tête du ministère, pour la seconde fois, car ce qu’il en reste est l’œuvre de ses mains et il fallait un marchand d’illusion pour faire croire malgré les 645 milliards de FR qu’elle coûte à la France, qu’il a encore une éducation nationale, alors même qu’on l’aura compris, tout est à reconstruire.

Olivier Pichon