(étude réalisée par un expert en organisation territoriale auprès des conseils régionaux)

(étude réalisée par un expert en organisation territoriale auprès des conseils régionaux)

Ce document a pour objet de faire le point sur la question de la décentralisation dans l’ordre juridique et politique existant, d’en évaluer les principes et les effets, de proposer les voies et moyens d’une politique « nationale » de la décentralisation.

Sommaire

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Introduction

Voici donc à nouveau, dans le champ politique, avec l’actuel gouvernement Chirac-Raffarin, après le rapport Mauroy-Jospin et le « processus de Matignon » sur la Corse, la question de la décentralisation, « une très belle chose sous un très méchant mot », comme l’écrivait Maurras, il y a plus d’un siècle. Jamais, cependant, la République n’a pris (et ne prendra) au sérieux, cette idée : elle s’est accommodée et s’accommode encore des institutions de l’an VIII, celles du Consulat de Bonaparte. Le débat décentralisateur est, depuis toujours, plus verbal que réel. Il sert surtout à camoufler le tripatouillage des modes de scrutin pour permettre aux politiciens du Système de durer…

1982-2002 : Un bilan critique

1982 : décentralisation ou déconcentration ?

L’article 72 de la Constitution dispose : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d’outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi. Ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ». Il faut un acte du législateur – dont les conditions ou les critères ne sont précisés nulle part – pour « créer » une collectivité territoriale. Elles n’existent donc pas indépendamment d’un acte légal, forcément artificiel ou qui, en tout cas, peut l’être.

Quant à la portée du terme « s’administrer », la doctrine souligne que le terme même d’administration contient une restriction implicite. Il ne saurait s’agir de « législation », c’est-à-dire d’édicter des normes par soi-même, pour soi-même. Selon l’analyse du sociologue Pierre Grémion (Le pouvoir périphérique, 1976), l’Etat et les gouvernants qui le dirigent, se considèrent comme seuls capables d’initier les activités de la société, d’arbitrer entre l’intérêt général et l’intérêt particulier, d’orienter l’action de la société civile.

Cela se concrétisa, entre 1800 et 1982 par la tutelle préfectorale qui fut abolie par la loi Defferre du 2 mars 1982. Cela veut-il dire que les collectivités locales sont devenues « libres » à cette date ? Absolument pas. Une preuve évidente : elles n’ont qu’un pouvoir fiscal restreint puisqu’elles ne décident pas de l’assiette des quatre taxes directes et qu’elles n’en perçoivent pas elles-mêmes le produit. De plus, par le biais des lois de finances annuelles, les gouvernements modifient ad libitum les règles de gestion financière locale.

Par ailleurs, le transfert de « blocs de compétences » opéré par les lois de janvier et juillet 1983 laisse à l’Etat, au législateur, au gouvernement, une entière capacité à légiférer et à réglementer dans les domaines transférés. Les collectivités locales ont donc l’apparence des pouvoirs, par exemple, les « murs » des lycées, mais elles n’en ont pas la réalité, par exemple, la détermination des contenus pédagogiques.

La « réforme » des finances locales est l’échec le plus lourd de la « décentralisation » 1982 : il n’y a pas eu de réforme en profondeur, mais un bricolage juridico-financier, qui s’est accompagné d’une explosion de la fiscalité locale, laquelle a cru plus vite en 20 ans que les impôts d’Etat et les cotisations sociales. Le système fiscal local est complètement aberrant : le contribuable est taxé quatre fois sur la même base.

Quant à la non-transparence des budgets et des procédures, elle a rendu possible l’archipel de la corruption des années 80/90. Le flou des définitions légales, la rupture avec le principe de spécialité, la possibilité du conventionnement inter-collectivités ont entraîné les financements croisés et la concurrence entre territoires ou… exécutifs locaux en mal de publicité. Enfin, les collectivités locales n’ont absolument aucune liberté de gestion de leurs personnels.

Recentralisation par le haut

Depuis une dizaine d’années, les gouvernements successifs, violant les rares principes clairs posés en 1982 (pas de compétences sans financement équivalent, p. ex.) ont mis à la charge des collectivités locales des obligations croissantes, de plus en plus lourdes, sans financement correspondant : loi sur la « ville », Plan U 2000, lois sur l’eau, les déchets, le tourisme, les services d’incendie-secours, les « exclusions », la CMU, la prestation autonomie, le logement social… alors même qu’était instaurée la « péréquation fiscale » c’est-à-dire la prime aux mauvais gestionnaires locaux.

Les lois Pasqua, Voynet et Gayssot ont rétabli un dirigisme centralisateur effarant en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de logement, débouchant sur la socialisation du foncier et la négation d’une politique d’urbanisme décidée à l’échelon local. Des modifications de plus en plus fréquentes de la législation financière locale réduisent la part des impôts votés et donnent une part majeure aux dotations de l’Etat dans les budgets locaux : l’Etat central décide donc désormais des politiques locales puisqu’il en assure le financement…

Dénaturation par le bas

Enfin, l’eurorégionalisme déplace progressivement, avec la complicité active des gouvernants successifs, le pouvoir de décision vers l’entité supranationale bruxelloise, faisant des fausses « régions » des interlocuteurs privilégiés des politiques européennes, via des contrats de plan Etat-régions étroitement calqués sur la durée et le réglementation des fonds structurels européens (depuis 1994 et, plus encore, pour la période 2000/2006). Il en va de même pour la coopération décentralisée et la coopération transfrontalière.

La mécanique des traités européens pousse également à la « reconfiguration du territoire français », amplifiée par l’utopie technocratique du territoire administré portée par les projets de la DATAR, «  la France des 7 grandes régions, des 500 « pays », des 4.000 communes ». S’inscrivant expressément dans cette perspective d’éradication de l’identité française, les lois Joxe de 1992, Voynet et Chevènement de juin et juillet 1999, ont mis en place les outils de l’intercommunalité fédérative qui videra entièrement d’ici quelques années de leurs compétences effectives les communes, le tout sur fond du très profond déséquilibre du territoire national – plus « déménagé » qu’aménagé – lequel a été littéralement vidé de sa substance par quarante ans de politique agricole européenne. Cette conception, inspirée du « modèle » territorial soviétique, a abouti à concentrer 80 % de la population sur moins de 20 % du territoire !

Le faux débat décentralisateur

Deux cents ans de jacobinisme

Le débat décentralisateur est récurrent dans notre système politique, parce qu’il renvoie à un des vices de ce système : sa centralisation. Mais cette centralisation, qui fut mise en place dès les lois des 14 et 22 décembre 1789, correspond, en réalité, à une nécessité : la survie électorale des politiciens en place qui tiennent le pays par l’intermédiaire d’une bureaucratie qui secrète le socialisme comme le crapaud secrète la bave. Bonaparte, avec les institutions de l’an VIII, pérennisa en effet la centralisation jacobine, d’autant qu’elle correspond à l’esprit des Lumières : l’individualisme dont le seul interlocuteur ne saurait être que l’Etat-Léviathan.

Le desserrement de ce système, timide d’ailleurs, n’interviendra qu’avec la loi du 10 août 1871 sur le conseil général, votée par l’Assemblée monarchiste de Bordeaux. La loi municipale de 1884, qualifiée à l’époque « d’aboutissement et non de point de départ » est, en réalité, une loi de servitude pour les communes (tutelle, dépenses obligatoires, révocation des maires…). La décentralisation, pendant des décennies, sera seulement un objet de propagande, comme le reconnut Clémenceau dans un article en 1913. Tout resta figé jusqu’en 1959 ; la Vème république poursuivit l’oeuvre de centralisation, SIVOM et communautés urbaines en 1959, fusion communale en 1971, et pérennisa les « circonscriptions d’action régionale » dans la loi de juillet 1972.

Les collectivités locales française ne répondent absolument pas à la définition de la décentralisation faite par Georges Burdeau : « A l’origine de l’idée de décentralisation, il y a ainsi une reconnaissance de la liberté de l’organisme qui en bénéficie, liberté qui s’analyse juridiquement dans la faculté dont il jouit de se donner à soi-même les normes qui le régissent. Une activité normatrice est décentralisée si c’est une multitude d’organes non centraux qui en ont la maîtrise, c’est-à-dire décident en fin de compte quelles normes sont édictées, chacune pour une fraction distincte de la collectivité ».

Ce que confirma le Sénateur Paul Girod, président de la commission des lois du Sénat, lors des débats préparatoires à la loi de 1982 : « Si on veut faire une décentralisation, qu’on veut la faire complètement et la faire bien, il faut savoir ce qu’est l’Etat ». Or tous les gouvernements d’hier et d’aujourd’hui continuent à penser que l’Etat doit garder la faculté d’intervenir en toute matière.

L’administration locale française en 2002

L’administration locale française (en soi, l’appellation est révélatrice) reste centralisée, en dépit de son faux nez électif :

  • découpés de manière aberrante, départements et régions n’ont pas d’identité humaine, géographique, culturelle, économique et aucun gouvernement n’est revenu ni ne veut revenir sur ce découpage,

  • les organes locaux sont élus sur des critères fixés par les gouvernements au travers de la loi électorale, ils peuvent être dissous par l’autorité gouvernementale, leur ressort est arrêté par le préfet dans le cas des EPCI, ils ne représentent pas les véritables intérêts locaux, familiaux ou professionnels mais sont fondés sur la pure loi du nombre, privilégiant les critères partisans, sinon idéologiques,

  • plus grave encore, « libre administration » ne signifie pas « libre gouvernement » comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 février 1982. En clair, aucun pouvoir normatif, aucune liberté de définition du champ et de la portée de ses propres interventions ne sont donnés aux collectivités locales. Elles ne disposent pas, on l’a vu, de l’autonomie fiscale, de l’autonomie budgétaire, de l’autonomie comptable, de l’autonomie opérationnelle, du choix de leurs cocontractants ou de leurs personnels.

De la commission Mauroy au projet Raffarin

Le projet Raffarin est dans la continuité des propositions de la commission Mauroy, dont l’actuel premier ministre fit d’ailleurs partie. C’est la subsidiarité à l’envers : l’Etat concède des responsabilités très encadrées dont il ne veut ou ne peut plus s’occuper, à des collectivités locales demeurées sous tutelle étatique, sinon politique. Lorsque l’on examine les deux projets, la similitude de philosophie, de technique, de vocabulaire même, est d’ailleurs plus que frappante :

  • l’Union européenne actuelle comme référence indépassable,

  • l’intercommunalité fédérative comme panacée au « déménagement » du territoire,

  • le maintien du jacobinisme sous couvert de principe d’égalité devant la loi,

  • le truchement obligatoire de l’Etat législateur,

  • l’échelon régional comme interlocuteur fort de l’Europe de Bruxelles,

  • la péréquation fiscale entre collectivités, constitutionnalisée chez Raffarin, encore plus socialiste sur ce point que Mauroy,

  • la pseudo-réforme de l’Etat, tarte à la crème, impossible dans les faits puisque les politiciens du système ont besoin de l’obèse système bureaucratique pour survivre,

  • la mécanique des transferts de compétences par blocs,

  • l’impasse sur la réforme des finances locales, logique puisque ni l’un ni l’autre ne veulent revoir l’ensemble du système fiscal français, anti-économique et spoliateur,

  • le droit de vote accordé aux ressortissants étrangers non-européens, proposé « à la majorité de la commission Mauroy », repris par le projet d’Yves Jégo (député UMP),

  • les compétences renforcées des régions, équipement sanitaire et hospitalier, universités, aides au logement, transport ferroviaire et ports, formation professionnelle continue…

Décentraliser, c’est refaire la France

Décentralisation et famille de « pensée nationale »

La vraie décentralisation, qui se caractérise par « des règles édictées par des autorités locales, des organes non centraux qui les maîtrisent, des règles données à elles-mêmes » (G. Burdeau) est le patrimoine légitime et exclusif d’une seule famille politique en France, la famille de « pensée nationale ». Toutes les autres forces politiques, libérales comme socialistes, sont centralisatrices, pour la bonne et simple raison qu’elles y ont trouvé le moyen de leur survie sur le dos du Pays depuis plus 120 ans.

On peut même dire que la famille de pensée nationale est née de la revendication authentiquement décentralisatrice, contre tous les centralisateurs : la question de fond fut posée dès 1816, à peine Napoléon déchu, par de Bonald, à propos de la loi sur le lotissement des bois communaux. Dans les années 1880, après la consolidation du régime républicain, c’est un mouvement littéraire provençal, le Félibrige (Mistral…) qui relança la décentralisation dans le champ politique.

La famille de pensée nationale considère, en premier lieu, qu’il existe une nature humaine stable, enracinée dans des réalités sociales héritées de l’expérience. La connaissance de cette nature nous est fournie et démontrée par l’histoire : « Pour connaître la nature de l’homme, le moyen le plus court et le plus simple est incontestablement de savoir ce qu’il a toujours été. Or, si nous demandons à l’histoire, l’histoire nous répond que l’homme est un être social et que toujours on l’a observé en société » (Joseph de Maistre). Il n’y a donc pas, comme l’imaginent les Libéraux, les Démocrates, les Socialistes, un homme abstrait, perpétuel champ d’expérience livré à des lois de circonstances élaborées par les politiciens et les idéologues.

La famille de pensée nationale considère, en second lieu, que la société humaine a des lois, ses lois, qu’on ne peut ignorer, encore moins violer. Ce sont donc les coutumes, les traditions, la nature géographique et physique d’un peuple, son identité et les formes sur lesquelles elles s’appuient et par lesquelles elles se transmettent, qui doivent présider à la forme de ses institutions, et non des décisions nées de l’arbitraire d’une intellectualité qui se refuse à se soumettre à la Réalité : « La forme sociale et politique dans laquelle un peuple doit entrer et rester n’est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son caractère et son passé » (Albert de Mun). Ces lois sont d’autant plus sages et d’autant plus efficaces qu’elles se mettent en accord avec la Loi naturelle qui est le reflet de l’ordre de la Création.

La famille de pensée nationale considère, en troisième lieu, que l’individu ne trouve son épanouissement qu’au sein des communautés naturelles qui préexistent à lui. L’ordre social se doit donc de préserver ces sociétés nées spontanément pour développer la vie du corps et de l’âme de chaque homme. Face à la liberté abstraite qui engendre, au gré des rapports de forces déchaînés, l’anarchie ou le totalitarisme, il existe des sociétés naturelles, qui encadrent l’individu, qui pacifient les rapports sociaux, qui permettent l’éclosion des talents et des compétences : « Sous tous les climats, sur tous les sols, malgré la diversité des époques, des langues, de la religion et de la souveraineté, partout et toujours en un mot, le bonheur des peuples se montre accompagné d’un certain nombre de conditions qui font non moins invariablement défaut chez les peuples souffrants. On se trouve ainsi conduit à rattacher, par le lien de cause à effet, le bonheur à cet ensemble de conditions et de principes qui répondent depuis les premiers âges aux traits permanents de la nature humaine et qu’on peut appeler la constitution essentielle de l’humanité » (Frédéric Le Play).

Aussi bien, pour échapper à l’invidualisme qui engendre l’égoïsme destructeur (le libéralisme) et à son jumeau, l’égalité niveleuse (le socialisme), l’homme, en tant qu’être social, ne retrouvera la véritable liberté que dans les cercles naturels de la famille, de la profession, de la commune et de la province. Et la liberté de la commune et de la province, c’est la vraie décentralisation : « L’homme n’est pas grand-chose dans l’ordre politique ou civil. Il n’y peut rien sans l’assistance de son groupe. De la famille, de la patrie, du métier, de la ville, de la province, des syndicats fédérés et confédérés, lui vient l’essentiel de sa force de résistance. On dit : Oui, mais contre l’Etat. Pourquoi contre l’Etat sinon parce que l’Etat sort sans cesse de son rôle, se mêle de ce qui ne le regarde pas et se désintéresse de son métier. Fortifions l’Etat central dans ses vrais centres qui sont la haute justice, la haute police, les armées, la politique extérieure et laissons les Etats secondaires graviter pacifiquement autour de lui, ressortir à son arbitrage sans pouvoir entrer en conflits d’intérêts avec lui » (Maurras, Action française, 17 février 1909).

Corps intermédiaires, Famille, Décentralisation, Etat

La Décentralisation est en réalité un choix de société et c’est très justement que Thibaut de la Tocnaye a pu dire que « la décentralisation est l’interrogation fondamentale de l’exercice de tout pouvoir politique ». La philosophie politique consiste en effet à se poser des questions essentielles et, finalement, éternelles, l’Homme, la Cité, la Justice. Elles peuvent se résumer en une seule : quelle est la relation entre l’homme et l’autorité, fonction chargée d’assurer l’ordre dans toute société ?

Dans la fausse décentralisation (ou vraie centralisation), la société repose sur deux pôles, l’individu (l’homme) et l’Etat (l’autorité). Les relations entre le pôle individu et le pôle Etat sont censées réglées par une boîte noire, la « volonté générale » chère à Jean-Jacques Rousseau, « les volontés individuelles s’anéantissant dans la volonté générale » pour faire place au bien collectif exprimé par la Loi.

Selon, en réalité, que l’individu ou l’Etat auront plus ou moins de marge d’intervention (de « liberté » c’est-à-dire de pouvoir), la société connaîtra :

  • soit un état d’individualisation de plus en plus prononcé, pouvant aller jusqu’à l’anarchie, si l’individu dispose de tout le pouvoir,

  • soit un état de socialisation de plus en plus prononcé, pouvant aller jusqu’au totalitarisme, si l’Etat dispose de tous les pouvoirs.

La Révolution française illustre, de manière presque pure, ce trajet : elle ira de l’anarchie (destruction de l’ancien ordre social en 1789-1790) au césarisme de Brumaire. Idéologiquement parlant, nous sommes d’ailleurs toujours en Révolution puisque la Déclaration de droits de l’homme constitue la référence intellectuelle intangible de notre ordre juridique positif, comme le rappelle à intervalles réguliers le Conseil constitutionnel. Sans toujours atteindre ce degré d’extrémisme, dans une telle société, le corps social sera souvent ballotté entre les revendications des personnes et l’arbitraire de l’Etat, la lutte permanente des deux pôles ne pouvant trouver d’équilibre entre l’intervention juste de l’autorité et la juste capacité d’initiative des personnes.

Dans la vraie Décentralisation, la société connaît, d’un côté, l’homme, non plus individu isolé, mais être social et, de l’autre côté, l’Etat (l’autorité) ; mais pour éviter la toute puissance de ce dernier – autant que faire se peut évidemment, car jamais rien ne sera parfait en ce monde – s’interposent entre l’homme et l’autorité, les Corps intermédiaires.

Il résulte de cette organisation :

  • que l’individu, être social, sans abdiquer sa propre personnalité, est intégré dans trois corps sociaux qui correspondent aux nécessités de sa vie naturelle et sociale, la Famille, corps intermédiaire par excellence car « l’homme est naturel avant d’être politique » (De Bonald), pour sa vie biologique et morale, la Profession ensuite, pour sa vie de travail et l’épanouissement de ses talents et le bien-être général, le groupement intermédiaire territorial enfin, Commune ou Province, voir le « pays » (ancien sens !), pour sa vie fixée en un lieu donné,

  • que ces Corps intermédiaires fournissent à l’homme la protection et la satisfaction des besoins de sa vie naturelle comme les libertés nécessaires face à l’autorité, ces corps intermédiaires assurant subsidiairement des fonctions sociales dont ils déchargent ainsi l’Etat (ex. l’enseignement, l’assistance, la formation professionnelle, le ramassage des ordures…) ; le Corps intermédiaire local, qui est le troisième en terme de hiérarchie, a des organes composés de représentants des deux premiers puisque la famille et la profession s’exercent, par définition, sur un territoire donné,

  • que l’autorité, l’Etat, a contrario, assure ce pourquoi elle est irremplaçable mais ramenée à ses fonctions régaliennes, l’ordre, la justice, la défense, la représentation de la nation dans le concert des nations, et offre ainsi sa protection générale aux Corps intermédiaires dont elle assure seulement l’arbitrage en cas de violations de leurs propres règles, conformément à sa fonction de Justice car « il ne suffit pas de vouloir persuader aux hommes d’être justes ; il faut, au besoin, les y contraindre » (René de La Tour du Pin).

S’il n’a pas à se substituer à l’initiative normale des agents de la vie sociale et économique, l’Etat doit faire « ce qu’aucun autre ne peut faire, ce qu’il est seul à pouvoir faire », soit parce que le bien à promouvoir est trop vaste pour chacun d’eux, soit parce que les corps sociaux ont besoin d’un juge, d’un coordonnateur incontesté. Frédéric Le Play observait il y a 150 ans : « La famille pour protéger l’homme et la société pour protéger la famille. On n’a pas encore trouvé mieux  ». C’est la raison pour laquelle le but de l’Etat est le Bien commun, entendu comme « l’établissement de conditions publiques normales et stables telles qu’aux individus aussi bien qu’aux familles, il ne soit pas difficile de mener une vie digne, heureuse selon la loi de Dieu ; ce Bien commun est donc la fin de l’Etat et de ses organes ».

Il n’en demeure pas moins que le pouvoir de l’Etat est limité, la justification de sa puissance d’intervention sur la société est subordonnée à sa fonction d’ordre et de justice ; toute autre conception est intrinsèquement totalitaire, même si les moyens employés ne le sont pas forcément : « La puissance étatique demeure soumise aux règles de la morale et du Droit supérieur, elle devient usurpatrice et tyrannique si elle sort de sa sphère de commandement qui est celle de la Politique au sens large et elle n’est légitime que dans la mesure où elle poursuit la réalisation du Bien commun. Hors de là, elle peut se heurter au refus très licite d’obéissance ou même à la révolte des sujets ».

Les libertés locales restaurées

La vraie Décentralisation passe donc par la mise en place de Corps intermédiaires territoriaux authentiques. Pour aller au-delà de la « décentralisation » du Système libéral-socialiste, il faut répondre à trois questions. La question institutionnelle d’abord : où et combien de groupements intermédiaires locaux ? La question financière ensuite : quel système juste pour le contribuable et responsabilisant pour les autorités locales ? La question organisationnelle enfin : jusqu’où va-t-on dans la « législation » autonome des groupements et comment se répartissent-ils les attributions opérationnelles ?

La question institutionnelle et territoriale

Il faut remettre en cause les découpages départementaux et régionaux actuels parce qu’ils sont aberrants (60 départements sur 95 en métropole, la plupart des régions sauf exception). Il faut les remettre en cause, non par esprit de système mais, tout simplement, parce qu’ils entravent la prospérité générale et la « respiration » normale du Pays.

Si nombre de chefs-lieux de départements somnolent, c’est à cause du découpage départemental issu de la centralisation jacobine, encore aggravée par les schémas DATAR des années Soixante-Soixante-dix, privilégiant les grandes métropoles « TGV ». Il n’existe pas de « patriotisme » départemental, notamment parce que l’armature actuelle de la France, essentiellement urbaine, tend à les effacer. Quant aux « régions », elles sont méconnues des Français, sauf des initiés.

Les communes constituent le socle territorial intangible de la France car « la force d’un peuple libre réside essentiellement dans ses communes » (Tocqueville). Elles doivent continuer à exister dans le cadre qui est le leur, hérité de plus de 1.500 ans d’histoire. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que le maillage local français a déjà subi, depuis deux siècles, de nombreuses atteintes, suppression massive de paroisses en 1789-1790, suppression-regroupement au 19ème, fusion autoritaire en 1971.

En fait, la difficulté principale réside dans les communes rurales : 27.794 de moins de 1.000 habitants et 35.691 de moins de 10.000 habitants. Pour ces communes, désarticulées par les effets conjugués de l’exode rural et de la Politique agricole européenne, le remède n’est pas dans la législation locale mais dans la renaissance d’une agriculture française prospère, permettant à ces communes de retrouver une vie économique et sociale digne de ce nom. Leur dynamisme est donc un problème de gouvernement général du Pays et ne trouvera pas sa solution dans des « formules » locales fabriquées par le cabinet du ministre de l’intérieur.

Il faut refuser toute intercommunalité fédérative au profit de l’intercommunalité associative la plus large possible, librement décidée par les conseils municipaux et ouverte à toutes les compétences possibles (hors l’ordre public naturellement). C’est à ce stade que se discute la notion de « pays », évidemment pas sur la base du découpage DATAR-INSEE de 1999/2000 (fondé sur des critères économiques contingents), mais en revenant aux réalités historiques et aux relations locales, celles nées, soit du réseau routier ou de transport, soit des productions agricoles ou industrielles, soit d’un centre d’intérêt particulier (site historique majeur, site portuaire…).

Quoiqu’il en soit, ce sont les populations locales et leur représentation qui doivent en déterminer les limites et les compétences, à la carte, le représentant de l’autorité de l’Etat n’en vérifiant que la cohérence et empêchant les abus (notamment dépensiers).

La notion de pays est intéressante, mais il faut savoir ce qu’on met dedans, certainement pas ce qu’y mettent les lois Voynet-Chevènement de 1999 ! Elle redonne paradoxalement de l’intérêt à l’arrondissement. On sait en effet que les arrondissements, partie des actuels départements, parfois ressort d’une sous-préfecture, sont assez proches des « pays », parties des anciennes provinces. Il est tout à fait envisageable que les communes regroupent, tout ou partie, de leurs interventions et de leurs moyens dans le cadre du « pays-arrondissement » et que l’Etat déconcentré en fasse un échelon essentiel de sa représentation auprès des citoyens.

Cela aurait aussi pour avantage de réutiliser les chefs-lieux des départements supprimés, qui trouveraient là une compensation à la disparition de leur rôle de « capitale départementale ». Dans un double mouvement, les départements supprimés seraient, en quelque sorte, en partie repris par le haut – les provinces – et en partie par le bas – les pays ou ex-arrondissements -, les communes conservant, en tout état de cause, leur existence et leurs prérogatives.

Il est enfin évident que le maillage de la France en « pays », concerne beaucoup plus la partie rurale du Pays que sa partie urbaine, cette dernière étant déjà largement maillée par les grandes et moyennes communes. Telle serait la reconnaissance de la diversité du territoire français qui doit inspirer la forme des institutions locales, tournant ainsi le dos à toute construction technocrato-législative.

On leur redonne ce nom parce qu’elles correspondent encore à des réalités dans la mentalité et le langage de tous les jours : qu’on se rappelle que Bernard Hinault était qualifié par la presse sportive de champion breton d’Yffignac ! Les provinces constituent donc le deuxième échelon courant de l’armature territoriale du pays et l’échelon déconcentré essentiel de l’Etat en matière d’ordre public et de gouvernement militaire.

Incontestablement, le découpage proposé par René de La Tour du Pin, au début du 20è siècle, reste pertinent, comme on va le voir. Le découpage se ferait sur la base des arrondissements des actuels départements. On dégage ainsi un équilibre entre une quinzaine de provinces – environ 3.200.000 habitants, base RGP 1999 -, hors Ile-de-France, le conseil de la province se réunissant alternativement au siège des anciens chefs-lieux départementaux, ces ex-capitales départementales devenant alors les points d’ancrage justifiés de la province.

En termes humains, la répartition ci-dessus proposée est beaucoup plus équilibrée que la régionalisation technocratique de 1956/1972 puisque :

  • Le poids moyen actuel d’une région est actuellement de 2,3 millions d’habitants avec un fossé entre la plus grande, l’Ile-de-France, 11 millions, et la plus petite, le Limousin, 700.000 habitants, coefficient multiplicateur 16 ; (autre comparaison, Rhône-Alpes, 5,64 millions, Corse, 260.000, coefficient multipl. 22),

  • Le poids moyen d’une province dans l’architecture ci-dessus proposée est de 3,2 millions d’habitants, avec la province la plus peuplée Lyonnais-Dauphiné-Savoie, 5,33 millions d’habitants et la moins peuplée, l’Alsace, 1,73 million, soit un coefficient de 3, ou de 5,3 avec les Deux-Savoies érigées en province. Même les écarts extrêmes se resserrent entre Deux-Savoies et Ile-de-France, coefficient 10 seulement.

La question financière

La question est volontairement mal posée par les gouvernements libéraux-socialistes. La question n’est pas en effet, « Quelles finances pour les collectivités locales ? », mais bien celle-ci : « Quelle architecture pour la fiscalité française dans laquelle doit s’intégrer la fiscalité locale ? ». En d’autres termes, il ne peut y avoir de réforme sérieuse des finances locales sans mise à plat du système fiscal français !

Car la question des impôts n’est pas technique mais politique. Deux spécialistes, pourtant politiquement opposés, partagent cette évidence : « La plupart des grandes réformes politiques ou sociales ont eu des causes financières et de très importants problèmes financiers ont été posés et résolus sous l’influence de causes politiques », dit Gaston Jèze, dans son Cours de finances publiques en 1925. A la même époque, Jacques Bainville, au chapitre dernier de son Histoire de France, avertit : « La question des impôts, lorsque l’imposition doit être très lourde, est redoutable parce qu’elle provoque des résistances et favorise la démagogie… D’après l’expérience des siècles passés, on peut se demander si la question d’argent ne sera pas, pendant assez longtemps, à la base de la politique, si au-dedans et au-dehors, notre politique n’en dépendra pas ».

La fiscalité actuelle est le produit d’une vision idéologique de la société. Il faut donc cesser de taxer la détention du patrimoine – nécessaire pour assurer l’équilibre à long terme de la Famille et diminuer l’appel à la « solidarité nationale » par l’impôt – et le revenu, c’est-à-dire passer d’un système fondé la taxation de l’acquisition, au moment où la matière imposable entre dans le patrimoine du redevable, à un système d’imposition générale sur la dépense. La révolution fiscale à opérer, positive celle-là, justifiée par la structure des économies modernes depuis la Renaissance et, depuis deux siècles, plus encore, consistera à taxer l’échange, la transaction lors de la dépense. En clair, selon la vieille distinction française, il faut abandonner l’impôt direct au profit de l’impôt indirect.

Il faut refonder notre système fiscal sur l’impôt échelonné et intégré à la consommation, ainsi que l’a conçu l’économiste Firmin Oulès. Firmin Oulès, cinquante ans avant les Nobels américains d’économie, James Mead et Nicholas Kaldor, préconise la suppression de l’impôt sur le revenu au profit d’un impôt différencié à la dépense progressif, allant de zéro pour cent pour les biens de première nécessité à des taux très élevés pour les biens de grand luxe ostentatoire, en passant par des taux moyens à élevés pour les biens intermédiaires. Cette mesure, parfaitement conforme à l’intérêt général, permettrait de concilier les exigences de l’équité et celles de l’efficacité, tout en libérant totalement nos compatriotes de la névrose fiscale qui les étouffe aujourd’hui.

Un système intermédiaire pourrait consister à rattacher des taxes locales additionnelles à la taxe à la valeur ajoutée (TVA), taxes locales additionnelles votées, de manière encadrée, par les groupements territoriaux intermédiaires. Elles leur permettraient, en particulier, de valoriser leur capacité d’attraction économique, sociale et culturelle car telle ville ou province, sachant mettre en valeur son patrimoine, son réseau routier, ses compétences attireraient préférentiellement les consommateurs et investisseurs.

Il va de soi que toute péréquation est évidemment exclue comme il est mis fin aux dotations permanentes de l’Etat, ce dernier se réservant le droit d’examiner la situation de chaque collectivité locale et de l’aider au coup par coup, pour éviter toute déresponsabilisation des autorités locales. Enfin, la capacité d’emprunt des groupements intermédiaires territoriaux devra, en outre, faire l’objet d’une limitation stricte.

La question organisationnelle

Par définition, les Corps intermédiaires doivent prendre en charge ce que les administrations se sont indûment arrogées dans le système libéral-socialiste. Pour ce qui est de la Commune et de la Province, il est entendu qu’elles n’ont aucune compétence de police et de justice, compétences d’Etat par nature. Les maires gardent leurs compétences réglementaires d’ordre public (au demeurant réduites, état-civil, décès, cimetières…).

Mais tout le reste leur est ouvert ! Oui, ouvert, c’est-à-dire que si la Flandre veut gérer les transports ferroviaires et le Languedoc les hôpitaux, l’Etat n’a pas à s’y opposer. Voilà les légitimes libertés locales : il y aura des provinces et des communes à plusieurs vitesses, parce que c’est conforme au Réel, comme il y a de la différence entre les créatures : on ne court pas tous le 100 m à la même vitesse ! La commune de Beauce de 200 habitants n’a pas les mêmes besoins que la ville de Marseille, ni l’Auvergne les mêmes préoccupations que la Lorraine. Il faut rendre possible la « législation locale » ou, à tout le moins, un pouvoir réglementaire autonome et non dérivé seulement, comme actuellement.

Mais il faut aller encore plus loin : on ne dirige pas, parce que les mentalités y sont différentes, la ville de Metz (« la république messine », ancienne « terre d’empire ») comme la ville d’Argelès-Gazost, parce que les premiers sont lorrains et les seconds gascons. Mais tous font d’excellents Français ! Les groupements locaux doivent donc pouvoir définir de manière propre leurs organes : pourquoi les « consuls » d’Aix-en-Provence seraient-ils en même nombre que les « bourgeois » du beffroi d’Arras ? L’Etat se contentera de prévoir le renouvellement périodique des organes locaux, pas obligatoirement à date fixe.

Dans les conseils provinciaux, il serait plus que souhaitable qu’à côté des conseillers élus au suffrage universel, siègent en nombre égal, des conseillers venus de la représentation familiale et professionnelle, un peu comme si l’on fusionnait conseils régionaux et conseils économiques et sociaux régionaux actuels, mais en veillant à ce que les membres de ces derniers soient authentiquement représentatifs de leurs mandants et non par « la grâce de la loi » ! Les conseils municipaux devraient pouvoir s’adjoindre, avec pouvoir délibératif, comme cela était possible jusqu’en 1882, des représentants des contribuables, des intérêts professionnels et sociaux locaux…

En matière de méthodes, il faut que les comptes locaux soient les plus lisibles possible par les contribuables et les citoyens, c’est-à-dire conformes au Plan comptable général qui est arrêté par décret. La consolidation des budgets et activités locales annexes au Budget local principal sera rendue possible, afin de connaître l’ampleur des engagements des groupements territoriaux, ce qui n’est pas possible actuellement. Les marchés et commandes seront passés selon les modalités du droit commercial commun, la réglementation de la commande publique, bien que rendue sans cesse plus complexe, ayant démontré qu’elle… n’empêchait nullement la corruption !

Les personnels territoriaux – dont les métiers couvrent près de 250 spécialités – devront rejoindre le Code du travail (très directif et réglementarisé !), les personnels de direction faisant l’objet de dispositions particulières spécifiques, eu égard aux prérogatives de puissance publique qu’ils sont amenés à mettre en oeuvre.

Enfin, il va de soi que la démocratie directe doit être mise en place, notamment par le référendum d’initiative populaire, y compris en matière fiscale. C’est la légitime contrepartie à la grande liberté d’action donnée aux autorités locales. L’ensemble de ces principes devra figurer dans une Charte des libertés locales à valeur constitutionnelle.

Conclusion

Après s’être coulée dans le moule des Institutions de l’An VIII qui ont tué des libertés locales vieilles de dix siècles, la démocratie libérale-socialiste française s’est engagée, depuis 30 ans, dans la voie d’une décentralisation purement verbale. En réalité, les gouvernements ont seulement déconcentré des tâches qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient plus exercer, coincés qu’ils sont volontairement entre un mondialisme qui veut éradiquer les identités nationales et un eurorégionalisme qui réduit les collectivités locales européennes à un modèle unique. Le projet Chirac-Raffarin, copie quasi identique aux propositions de la commission Mauroy, s’inscrit dans la continuité de cette politique mortifère.

Il faut rompre avec elle et restaurer de véritables groupements intermédiaires locaux, la commune, le petit pays enraciné, la province, qui détermineront librement leur ressort territorial, leurs compétences, leurs moyens et leurs méthodes d’intervention et gèreront librement leurs personnels. La réforme des finances locales est impensable sans une remise à plat complète du système fiscal français, réforme globale qui doit faire cesser la spoliation des revenus et des patrimoines familiaux et consacrer le passage à l’impôt indirect unique, conforme à la structure d’une économie moderne fondée, pour l’essentiel, sur l’échange.

Cependant, qu’on ne s’y trompe pas : la restauration des libertés locales françaises est impossible si les fondements mêmes de l’Etat libéral-socialiste ne sont pas remis en cause. Des corps intermédiaires naturels doivent s’interposer entre l’Etat et l’individu, prendre en charge les compétences indûment confisquées par les administrations et les organismes sociaux étatisés. La Famille et la Profession doivent redevenir le lieu de la protection et des libertés réelles des Français, l’Etat se recentrer sur ses compétences irremplaçables, la Justice, l’Ordre, la Défense. La France et les Français ne retrouveront le sens de leur destin que si la Nation socialement organisée se développe de manière souveraine sous un Etat garant et non gérant.

Il s’agit là d’un défi de civilisation. C’est la raison pour laquelle la Décentralisation est bien la question centrale de toute responsabilité politique. Elle implique que l’on quitte la Cité des nuées pour la Cité réelle, que l’on fasse le choix de l’Identité contre l’Utopie, que l’on tienne pour l’Esprit contre la Matière. C’est donc vers le vieil héritage, comme l’a dit l’écrivain anglais Lawrence Durrell, qu’il faut nous tourner, puisque nous sommes fondamentalement des héritiers. Pour notre honneur et notre fierté, il nous faut retrouver la vocation de la France, qui enseigne à tous les Français, au-delà des petites patries qui conduisent à la grande, cet Ordre d’une cité terrestre dont la beauté ne saurait être complète sans s’ajuster aux desseins de Dieu.