Article tiré du quotidien Présent n°5490 du 9 janvier 2004.

Article tiré du quotidien Présent n°5490 du 9 janvier 2004.

 

Le garde des Sceaux a présenté mercredi devant le Sénat, qui en a eu la primeur, son projet de réforme du divorce. Une réforme qui sera menée, tambour battant, selon la procédure de l’ « urgence » : celle-ci permet d’éviter les navettes parlementaires en limitant l’examen du texte à une seule lecture devant chacune des assemblées. Dominique Perben a justifié cette précipitation en évoquant « l’attente » de la société et l’encombrement du calendrier parlementaire : il veut à tout prix éviter le renvoi de l’adoption définitive de sa réforme à la fin de l’année.

Pour être socialiste, le député Michel Dreyfus-Schmidt n’en a pas moins raison de s’élever contre le recours à cette procédure alors qu’il s’agit « d’écrire le Code civil ». Et donc, ajouterons-nous, de façonner la société, de peser (dans le mauvais sens) sur ses cellules constitutives que sont les familles.

Le ministre dit l’inverse : il vent « adapter » le droit aux conditions actuelles (la « montée de l’individualisme », le « développement du travail féminin », les « nouvelles formes de vie conjugale ») dans la tradition révolutionnaire des juristes partisans du droit qui suit le fait. Ce refus du pouvoir – et du devoir – normatif du droit va se retrouver dans la réforme annoncée.

Urgence il y aurait donc, selon Dominique Perben, à « Pacifier », à « dédramatiser » le divorce comme le veut un consensus qui englobe la « droite » et la gauche – le texte est assez largement inspiré, affirme le PS, par la réforme mise en chantier sous le gouvernement Jospin.

« Pacifier », voilà le mot qui trompe. On nous parle de la nécessité de réduire le traumatisme du divorce, surtout pour le bien des enfants, alors qu’en banalisant, encore un peu plus, la rupture du lien conjugal, on le facilite nécessairement. On lève des obstacles, on prétend adoucir les conséquences : c’est une façon d’absoudre d’avance la conscience des époux qui envisagent de se séparer, et de les encourager dans cette voie, persuadés qu’ils sont que tout sera fait pour qu’il y ait le moins de dégâts possible.

Pourtant, selon Isabelle Jues, médiatrice familiale à Paris, « on dit qu’un divorce ou une séparation, c’est le deuxième traumatisme le plus grave après la perte d’un enfant ». Comment « dédramatiser » cela ?

Pour Dominique Perben, un tout petit peu plus ferme que certains de ses prédécesseurs socialistes qui avaient imaginé le divorce « à la mairie », la solution consiste à réduire le nombre des audiences judiciaires à une seule en cas de divorce par consentement mutuel, le rôle du juge étant alors légalement réduit « au strict contrôle de la liberté des consentements et de l’équilibre, tant pour les époux que pour les enfants, des conventions relatives aux conséquences de la séparation ». Bref, le rôle social du mariage est là purement et simplement nié, le mariage et sa rupture ne s’appréciant que du point de vue des individus qui s’engagent, puis se désengagent.

Si le gouvernement veut maintenir une procédure de divorce pour faute, on ne retiendrait que les fautes les plus graves comme les violences.

Et le divorce constaté par le juge au bout de six ans de rupture de la vie commune, même contre la volonté de l’un des époux, serait remplacé par un « divorce pour altération définitive du lien conjugal », constaté après deux ans de séparation seulement. Ce n’est pas encore la répudiation mais cela y ressemble de plus en plus.

On comprend mieux l’esprit destructeur du texte à travers cette réflexion du garde des Sceaux : « La loi doit (…) offrir des voies plus apaisées pour rompre cette union lorsque celle-ci ne trouve plus de justification dans une réelle communauté de sentiments et de projets. » Autrement dit, ce n’est plus le consentement, ni l’engagement des époux qui fait la réalité et la force du lien, mais des éléments subjectifs et instables : les sentiments et les projets. (Tout comme le désir des parents dans les lois « bioéthiques », donne seul son humanité à l’embryon.) Prétendre dès lors « préserver la nature institutionnelle du mariage », comme le fait le ministre, relève de l’illusionnisme.

On compte actuellement environ 110 000 divorces par an, affectant quelques 200 000 enfants, et un peu plus de 300 000 mariages.

Cet article est tiré du quotidien « Présent » n°5490 du vendredi 9 janvier 2004.

L’Institut Civitas remercie Présent pour son aimable autorisation. Vous pouvez vous abonner au quotidien Présent à l’adresse suivante :

Présent

5, rue d’Amboise

75 002 PARIS

ou sur le site www.présent.fr

Jeanne Smits