Article tiré du numéro 6 de la revue Civitas (septembre 2002) : La famille.

Sommaire

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La proclamation par l’ONU de 1994 comme Année internationale de la Famille était plus inquiétante que rassurante dés lors que son Secrétaire général, M. Boutros Boutros Galli, en fixait le thème autour de cette proposition : « il s’agit d’édifier la plus petite démocratie au cœur de la société ». Et c’est bien dans cet esprit « démocratique », au sens moderne du terme, qu’une conception individualiste, égalitariste de la famille était évoquée ; c’est également dans ce même esprit que le même Secrétaire général affirmait : « il n’y a pas une définition unique de la famille ni un seul modèle. Nous célébrons la famille sous toutes ses formes sociales et culturelles ». Le document initial de présentation de la conférence du Caire présentait alors pour objectifs : « Adopter des politiques et des lois reconnaissant et appuyant la pluralité des structures familiales en tenant compte notamment du grand nombre de ménages dirigés par des femmes. Eliminer toute forme de coercition et discrimination des politiques et pratiques relatives au mariage et à la procréation ».

De telles déclarations ne traduisent pas un simple souci de prise en compte d’une réalité que, par ailleurs, on déplorerait. Les véritables motivations des campagnes mondialistes sont idéologiques et s’articulent autour de trois thèmes principaux, avec des implications politiques, philosophiques, et religieuses : la modification de la conception de l’homme, la soumission totale de l’individu à l’Etat et le contrôle complet de la société. A la conception naturelle et chrétienne centrée sur la personne, les courants mondialistes substituent une vision centrée sur l’Humanité, dans laquelle se retrouvent les deux idéologies libérale (malthusienne, utilitariste et hédoniste) et socialiste (matérialiste et planificatrice), issues de la révolution. De cette alliance naît une véritable mafia voulant régenter la vie politique, économique, les media, la recherche scientifique, la technologie et finalement la morale et la religion.

Toutes ces motivations sont masquées par des prétextes ou des mythes. Ce fut, il y a quelques années, le mythe de la surpopulation, c’est aujourd’hui le prétexte de la santé ou de l’égalité hommes-femmes : la notion de « santé reproductive » et la philosophie égalitariste du « gender » servent à tout moment de références dans les déclarations onusiennes. Elles introduisent, en fait, une nouvelle morale qui dissocie la sexualité de la procréation et la procréation de la paternité. « C’est tout le concept de famille qui est en train de basculer ici : le père n’est plus le géniteur mais celui qui élève l’enfant » affirme péremptoirement le docteur Pierre Simon. 1

L’expression « santé reproductive » est constamment utilisée depuis la conférence internationale du Caire en 1994, apparaissant comme un thème central et prioritaire du nouveau « paradigme » de l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.). Partant du principe que chacun est capable d’avoir une vie sexuelle responsable, on affirme que celle-ci doit être satisfaisante et sûre, que tous doivent avoir la liberté d’engendrer, d’en fixer le moment et de choisir les moyens à cet effet. A ce thème se trouve alors rattachés la « maternité sans risques », la planification familiale, la régulation de la fécondité par tous les moyens disponibles (y compris la stérilisation et l’avortement), la lutte contre l’avortement à risque, le droit des adolescents à l’information et à des services médicaux sans qu’interfèrent leurs parents… ainsi que tout ce qui relève de la protection infantile et maternelle et de la prévention du sida.

La philosophie du « gender » 2 vise à la disparition des sexes. La relation homme femme est considérée comme la première forme de la lutte des classes. Dans cette nouvelle dialectique, les femmes prennent en quelque sorte le relais des prolétaires, se « réappropriant » leur corps, utilisant les nouvelles techniques pour contrôler leur fécondité et se « libérer ». Les rôles respectifs du père et de la mère sont considérés comme issus de l’éducation et non de la nature, comme fabriqués par la société. Il ne s’agit donc pas de définir de nouveaux droits de la femme mais d’instaurer une culture ne laissant aucune place au mariage, à la maternité, à la famille enracinée… Poussant plus loin encore cette abstraction malfaisante, on a cherché, à Pékin notamment, à redéfinir le genre humain sans recourir aux catégories masculin-féminin trop liées à la notion de fécondité et donc à un moment dépassé de l’histoire. On a banni le terme de sexe pour le remplacer par celui de « genre ». L’individu n’est plus caractérisé par son sexe mais par l’usage qu’il en fait; tous les cas de figure de pratique sexuelle sont autorisés. Au cours de débats houleux, certains ont proposé cinq genres (homme, femme, homosexuel, homosexuelle, transsexuel). Le retour au bon sens dans la déclaration finale ne doit pas masquer cet aspect particulièrement grave de l’offensive féministe, toujours prête à reprendre ce combat démentiel. L’idéologie du genre ne trouve-t-elle pas une application dans le sens donné au mot « famille ». Les gender-feministes avaient tenté de remplacer « family » qui impose des rôles et des traditions par « household » (maisonnée), la mère de famille devenait « housecare » (gestionnaire de la maison). Si, là encore, ils n’ont pas abouti, ils ont cependant obtenu que « familles » ne s’écrive qu’au pluriel, afin de pouvoir désigner toutes les diverses « unions », hétérosexuelles, homosexuelles, monoparentales.

Le mondialisme a besoin de déraciner les hommes, d’en faire des apatrides manipulables ; pour cela il vise à détruire le sens de la patrie, de la nation. La corruption morale est le moyen le plus efficace pour détruire l’attachement aux valeurs traditionnelles qui font ce que l’homme est, et pour le transformer en un bien matériel. Il s’agit, en quelque sorte, de changer la nature humaine et, dans ce but, de détruire ce qui lui est le plus essentiel : la famille et le don de la vie. « La famille doit disparaître, car elle n’est pas un lieu de complémentarité, mais d’opposition. Avec elle disparaîtront les relations de parenté, de maternité, de paternité. L’homme sera réduit à la condition d’individu, moment éphémère soit de l’Etat soit du marché » 3.

Nous sommes engagés dans un processus de mainmise sur le monde par un système en comparaison duquel le communisme pourrait bien n’avoir été qu’un épiphénomène. « C’est la plus grande entreprise d’aliénation de l’histoire… projet sans précédent de colonisation mentale généralisée d’un impérialisme délirant », écrit Mgr Schooyans. On comprend pourquoi le pape s’exprime sur ces thèmes avec tant de gravité. Ses propos ne sont pas de simples rappels de morale : il défend l’homme dans sa nature même.

L’ONU et ses agences se sont attribué la compétence philosophique et morale, ainsi que l’autorité politique pour établir progressivement une véritable dictature idéologique. Le premier directeur de l’UNESCO 4 déclarait, en 1948 : « L’UNESCO devra se débarrasser de toute vision exclusivement ou principalement ultra terrestre (en se fondant) sur un humanisme mondial qui devra aussi être scientifique… Il n’y a rien d’irrévocable et d’éternel en éthique » 5.

A l’origine, le mouvement a été conduit, principalement, par l’intermédiaire de l’OMS, de l’UNESCO et de l’UNICEF 6. Dès le début des années 50, le Population council 7 est devenu le cerveau de ces activités onusiennes et l’I.P.P.F. 8 la cheville ouvrière, l’ensemble étant soutenu financièrement par des dizaines de fondations (Ford, Rockefeller, Edmond de Rotschild, Kettering, Agnelli…) et par des multinationales américaines. Jusqu’en 1965, le rôle de l’ONU a consisté essentiellement en l’établissement de prévisions et de projets politiques. En 1967, elle se dotait d’un organisme chargé de gérer les fonds nécessaires à la réalisation des projets, le FNUAP 9, et en 1969 d’une Commission pour la population, financée par la Banque mondiale.

Les conférences internationales organisées par l’ONU et puissamment médiatisées – tout particulièrement celles de ces quinze dernières années – ont constitué des temps forts de la pression exercée pour une culture de mort.

Enfin, toutes ces manœuvres et tout le dispositif sont aujourd’hui largement soutenus et relayés par de nombreuses Organisations Non Gouvernementales (ONG).

L’UNICEF est la plus populaire des « filiales » de l’ONU. Créée en 1946, présente aujourd’hui dans plus de 130 pays, elle disposait en 1997 d’un budget annuel de plus d’un milliard de dollars. Elle sollicite chaque année la générosité des familles (cartes de vœux…) mais elle n’est pas ce que beaucoup croient ; une part importante de ses programmes financiers est consacrée à des politiques pro-abortives, stérilisatrices, anti-vie et anti-familiales. Refusant de servir de caution à cette organisation, le Vatican a annoncé en novembre 1996 qu’il suspendait sa contribution symbolique. Il a récemment renouvelé sa mise en garde.

La banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), dite Banque mondiale, est le plus important donateur pour le développement sanitaire, auquel est inclus le contrôle des naissances, pour les pays de faibles ou moyens revenus. On pourrait multiplier les exemples de ses interventions. En Inde elle a recommandé et soutenu la stérilisation masculine ; en Thaïlande, elle a développé un programme de planning familial, en joignant l’humour à l’audace, selon ses propres termes : « il fallait briser les tabous qui entourent la régulation des naissances, concours de gonflage de préservatifs, loteries, kermesses ont servi d’occasion pour promouvoir dans la joie la cause du planning familial. Des marathons de vasectomies ont lieu le jour de la fête du travail et de la fête du roi… Les ménages qui déclarent pratiquer le planning familial peuvent louer des buffles à moitié prix ».

Le FNUAP 10 collecte des contributions volontaires des gouvernements (95 donateurs en 1996). Le Japon finance à lui seul près du cinquième des ressources, puis viennent les Pays-Bas, le Danemark et la Suède. La contribution de la France est modeste (au quinzième rang, avec 1,2 millions de dollars en 1998). On peut lire dans un de ses rapports : « la multiplication des services de planification familiale est… devenue un objectif prioritaire des programmes internationaux de développement, aussi bien comme une fin en soi que pour promouvoir d’autres finalités de développement » Pour ce faire, il « offre un large choix de méthodes contraceptives ».

L’O.M.S. s’estime investie d’un véritable pouvoir en matière de santé reproductive, thème qui dépasse le strict cadre de la santé. Elle a créé en 1995 une Division pour la famille, chargée d’intégrer programmes et services répondant aux besoins des femmes. Son partenariat avec la Banque mondiale est très étroit. Un de ses buts a été de profiter du 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme pour y faire figurer la santé reproductive (avec le droit à l’avortement), le droit à divers modèles de famille, la reconnaissance d’un statut pour les homosexuels… Ce projet, qui n’a pas abouti, était fermement soutenu par l’Union Européenne.

Nous ne pouvons, ici, montrer l’influence des conférences internationales ni mettre en évidence le rôle qu’ont joué à ces occasions les ONG. Chacun a notamment à l’esprit celles du Caire (1994) et de Pékin (1995). On a pu caractériser ces gigantesques réunions par trois mots : confusion, manipulation, mascarade. Certes, les déclarations finales ont pu éviter de reproduire les aspects les plus pervers des débats. Mais on aurait tort de ne voir dans ces kermesses que des gesticulations stériles. Les acteurs, utilisant les relais complaisants des media savent qu’ils sèment des idées qui demain germeront, si on les laisse faire. Un des objectifs est de marteler l’opinion publique de postulats ravageurs.

Nous emprunterons à Mgr Schooyans les éléments d’une conclusion relative à ces institutions de l’ONU 11. Il souligne la volonté d’efficacité impitoyable et la détermination implacable manifestée dans les divers rapports de ces organismes. Faisant croire que la sécurité des individus comme des nations est menacée, ils s’emploient à justifier une stratégie de la peur. La concertation est bien réglée. Au PNUD échoit la responsabilité de préciser des buts (liés au marché mondial), au FNUAP, de définir la méthode (planification familiale). L’OMS met au point les produits devant servir la santé reproductive et l’UNICEF se charge du volet éducatif des politiques retenues.

Il ne faudrait pas cependant surestimer les forces de la subversion. On doit, par exemple, relever l’influence exercée par le Saint Siège lors des conférences. Ses interventions ont évité le pire et à New York 12 ont même amorcé un recul de la culture de mort : rapportant que le Vatican avait négocié avec succès chaque virgule, un journaliste du Monde concluait, dépité : « on a frôlé la catastrophe ».

Pour en savoir plus

Mgr Schooyans :

  • La face cachée de l’ONU (Ed. Le Sarment, 2000)

  • L’Evangile face au désordre mondial (Fayard, 1997)

  • La dérive totalitaire du libéralisme (Editions universitaires, 1991)

Epiphanius :

  • Maçonnerie et sectes secrètes, le côté caché de l’histoire (Publications du Courrier de Rome, 1999)

François Marie Algoud :

  • Histoire de la perversion de l’intelligence et des moeurs, du XVIème siècle à nos jours (Editions de Chiré, 1996)

Dr E. Tremblay :

  • L’affaire Rockefeller, l’Europe occidentale en danger (Editions de l’Union Pour Une Politique Nouvelle)

Centre de formation à l’action civique et culturelle selon le droit naturel et chrétien.

Michel Berger

1

Dans son livre De la vie avant toute chose (p.222). Le Dr. Simon a été à deux reprises grand maître de la Grande Loge de France.

2

Genre est une traduction approximative de gender.

3

Mgr Schooyans, L’Evangile face au désordre mondial p.44.

4

United Nations Educational Scientific and Cultural Organisation.

5

Extrait de UNESCO : son but et sa philosophie. Cité par Epiphanius p.310.

6

United Nations International Children’s Emergency Fund.

7

Organisme des Etats Unis, fondé par John D. Rockefeller III, en 1952. Il est devenu très vite un centre propulseur de la contraception et de l’avortement ainsi que le collecteur de fonds pour ces activités.

8

International Planned Parenthood Federation (Fédération internationale de planification familiale). Le mouvement français pour le planning familial y est affilié depuis 1958.

9

Fonds des Nations Unies pour les Activités relatives à la Population.

10

Placé sous la surveillance du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

11

In La dérive totalitaire du libéralisme. Il serait nécessaire pour compléter cet article de montrer le rôle essentiel joué par les Etats Unis dans les instances que nous avons présentées, ainsi que celui des sociétés maçonniques.

12

Conférence « Pékin 5 » réunie sur le thème Femmes 2000, en juin 2000.