Jésus-Christ, Maître et Roi !

Jésus-Christ, Maître et Roi !

Sommaire

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Introduction

La Semaine Catholique, du début de 1926, organisée par la « Ligue Apostolique », nous a confié un désir : celui de posséder un Catéchisme exposant le fait et la nature de la Royauté de Jésus-Christ. C’est pour répondre à ce désir que paraissent les pages que nous livrons au public, sous le titre de Catéchisme des Droits Divins dans l’Ordre Social. – Jésus-Christ, Maître et Roi !

Nous disons : Catéchisme des Droits Divins dans l’Ordre Social. Sous prétexte de suivre les seules lumières de la conscience, on a pris l’habitude d’abandonner à la libre disposition de celle-ci l’accomplissement de tous les devoirs.

Les droits de la vérité, et spécialement ceux de la Vérité Suprême sont foulés aux pieds. Notre Catéchisme demande un grand acte de Foi : l’acte de Foi en Dieu et en Jésus-Christ, intervenant par l’autorité, comme ils interviennent par leur action créatrice, dans toute Société. Les Peuples doivent savoir que dans tous les rapports d’homme à homme, de Société à Société, de pays à pays, et dans tout ce qui constitue l’intime d’une nation, ils dépendent de Dieu et de Jésus-Christ. Sur ce point, comme sur celui de l’existence même de Dieu, il faut que chacun s’incline, en redisant de toute son âme : « Credo », je crois !

Dieu a béni notre travail : en moins de six mois, grâce à la propagande que se sont imposée nos zélateurs, nous avons pû écouler notre première édition et nous voici parvenus au tirage de notre vingtième mille.

Première leçon – Le souverain domaine de Dieu sur toute société

Première question – Récitez les premiers articles du Symbole des Apôtres ?

Réponse – Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la terre, et en Jésus-Christ son Fils unique, Notre Seigneur.

Deuxième question – Comment s’exprime la Sainte Église sur ce point, dans le Credo de la Messe ?

Réponse – Je crois en un seul Dieu, Père tout-puissant, qui a créé le Ciel et la terre, les choses visibles et invisibles. Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique du Père.

Troisième question – Qu’entendez-vous par ces paroles : Créateur du Ciel et de la Terre, des choses visibles et invisibles ?

Réponse – J’entends par là que tout ce qui existe en dehors de Dieu, a été fait par Dieu, que toutes les choses visibles et invisibles ont été créées par Lui.

Quatrième question – Quelle différence mettez-vous entre les choses visibles et invisibles ?

Réponse – Il y a des choses qui tombent sous le sens de la vue, de l’ouïe ou sous les autres sens, que l’on peut palper en quelque sorte : ce sont les choses visibles. A côté de cela, il y a des choses qui existent réellement, dont on peut s’apercevoir, mais qui ne sont pas perceptibles aux sens.

Cinquième question – Énumérez quelques exemples des choses invisibles ?

Réponse – Par exemple, sont invisibles : les anges, l’âme humaine, la pensée humaine, le vouloir humain, la puissance et l’autorité humaines.

Sixième question – La Société des hommes, n’ est-elle pas une chose invisible ?

Réponse – Elle n’est pas visible en ce sens qu’on ne peut pas la toucher du doigt, mais elle est parfaitement perceptible, en ce sens qu’on peut percevoir son existence. Ainsi l’on voit très bien et l’on se rend compte que telle nation est distincte d’une autre nation, que telle Société publique ou privée est distincte de toute autre Société.

Septième question – La Société considérée dans ce qu’elle a de visible et dans ce qu’elle a d’invisible, est-elle une créature ?

Réponse – Oui, et lorsque dans mon « Credo » je dis je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles, je professe solennellement que toute Société, tout aussi bien que l’homme, a été créée par Dieu, et, par conséquent, dépend de Lui, d’une dépendance absolue. Cette doctrine s’applique à toute Société, qu’il s’agisse d’une société naturelle, c’est-à-dire imposée par la nature de l’homme, ou d’une société libre, c’est-à-dire fondée par la volonté humaine.

Huitième question – Pourriez-vous donner quelques preuves de la condition créée de la Société ?

Réponse – Outre le témoignage de Dieu et du Saint Esprit dans les Écritures, outre le témoignage de la Sainte Église, nous pouvons apporter des preuves de raison. Toute Société est composée d’hommes. Tout homme est une créature. Dès lors, les rapports des hommes entre eux sont chose créée. Bien plus, toute Société, comme toute Nation, constitue une réalité vraiment existante. Cette réalité est un tout moral, qui existe véritablement en dehors de Dieu. Dès lors qu’elle n’est pas Dieu, elle a été créée par Dieu, dont elle ne peut pas ne pas dépendre d’une manière souveraine, comme toute créature dépend du Créateur.

Il est une autre vérité fondamentale. Non seulement l’homme dépend de Dieu parce qu’il est créature ; il dépend encore de Lui parce que Dieu est sa fin suprême et dernière. Il est de toute évidence que le but final de toute chose créée c’est Dieu. Plus particulièrement, Dieu est le but final, suprême et infini de toute créature intelligente. L’homme est fait pour aboutir à Dieu. Il doit comprendre qu’il est créé dans ce but et il doit vouloir l’atteindre. Or, Dieu a placé l’homme dans des conditions telles, qu’il ne peut pas ne pas vivre en Société. Donc, en tant qu’être social, l’homme doit avoir comme but final et suprême Dieu. Soutenir le contraire serait affirmer que l’homme trouve la fin de la Société dans la Société elle-même, ce qui constituerait une idolâtrie. Mais, les sociétés comme telles, ne passent pas à l’Eternité. II est manifeste qu’elles trouvent leur fin dernière dans le fait que l’intelligence et la volonté des individus vont à Dieu dans et par les sociétés.

Deuxième leçon – Conséquences nécessaires de la condition de créature qui est essentielle à toute société

Première question – Quelle est la conséquence immédiate de la condition créée de toute Société ?

Réponse – La première conséquence est la dépendance nécessaire, absolue, complète, de toute société et de tout ordre social établi, comme de tout ordre social possible, à l’égard de Dieu.

Deuxième question – Je ne comprends pas la dépendance d’un organisme social à l’égard de Dieu. L’organisme social n’est pas doué de conscience. A l’individu seul il appartient de comprendre son devoir moral et de l’accomplir.

Réponse – Dans les considérations que vous venez de faire il y a une regrettable confusion. D’abord la création et la dépendance qui en découle pour toute société, ne résultent pas du fait que l’homme est doué de conscience, mais du fait que l’homme a reçu de Dieu l’être et l’existence. Etre créé ne dépend pas de lui ; qu’il le veuille ou non il est créature. Ainsi en est-il de toute société. II ne dépend pas d’elle d’être ou de ne pas être créée ; la condition de créature appartient à son essence même. Qui plus est, toute société représente une collectivité intelligente. Cette collectivité a comme obligation première de comprendre ce qui lui est essentiel. Elle doit connaître les devoirs primordiaux attachés à sa condition d’être. Or, la première vérité dont dépendent toutes les autres, et qui dicte à la créature ses obligations, est celle du Souverain Domaine de Dieu sur toute créature et la dépendance absolue de toute créature vis-à-vis de Lui. Une collectivité qui, comme telle, ne serait pas convaincue de cette vérité, manquerait à la plus stricte de ses obligations ; elle s’égarerait infailliblement. II est donc strictement nécessaire que tout Etat, toute Nation, en un mot, toute Société, soit vis-à-vis de Dieu absolument soumise. Ainsi se trouve affirmée cette obligation d’Ordre Social, autant par la conscience collective, que par la conscience individuelle.

Troisième question – N’y a-t-il pas d’autres conséquences de la condition de créature qui est le propre de toute Société ?

Réponse – Une autre conséquence c’est que toute Société dépend de Dieu dans sa constitution intime. Nous voulons dire par là, que tout ce qui contribue à former une société doit être imprégné de Dieu. Nous nous expliquons. Dans toute société se trouvent l’union des volontés, des moyens adaptés, un but à atteindre. Dans chacun de ces éléments la Société dépend de Dieu, parce que créature. La conséquence strictement logique est tout indiquée. Quand une société se constitue, elle doit envisager son but sous l’angle de la fin suprême et dernière : Dieu. L’union des volontés doit être faite sous la dépendance pratique de Dieu. Les moyens adaptés doivent être conformes aux exigences de la Loi Eternelle. Ainsi, quand un Etat se constitue, il a comme premier devoir de mettre à la base de sa Charte fondamentale, de sa législation et du reste, la dépendance la plus absolue à l’égard de Dieu et sa conformité la plus entière à la Loi Eternelle. Affirmer le contraire serait établir le désordre et aboutir à l’idolâtrie.

Quatrième question – Mais, par là, vous semblez dire que les Etats sont tenus à rendre à Dieu un culte.

Réponse – Le raisonnement que nous avons tenu ci-dessus est applicable à toute collectivité composée d’êtres intelligents. Le premier devoir de tout Etat, de toute Nation et même de la Société des Nations, c’est d’être convaincus de leurs obligations primordiales. Les raisons sont fondamentales : Dieu est le Dieu des Sociétés, comme Il est le Dieu des individus. Mais comme le propre des Sociétés est d’être sociales : c’est en tant que sociales, qu’elles doivent à Dieu dépendance absolue, reconnaissance et profession de cette dépendance et culte.

Cinquième question – Comment les Etats peuvent-ils être astreints à rendre à Dieu un culte ? En fait, Dieu leur est inconnu.

Réponse – A cette question je réponds par les paroles de l’apôtre saint Paul. Au premier chapitre de l’Epître aux Romains, voici comme il parle : « La colère de Dieu éclate, du haut du Ciel, contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui, par leur injustice, retiennent la vérité captive ; car ce qui est connu de Dieu est manifeste pour eux : Dieu le leur a fait connaître. Car ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du Monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses oeuvres. Ils sont donc inexcusables puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces. » (Rom. 1. 18, etc.)

L’Esprit Saint, par la bouche du Docteur des Nations, proclame que les païens plongés dans toutes les horreurs de l’impiété, sont inexcusables de n’avoir pas connu et glorifié Dieu. Il les accuse d’avoir renié la lumière ; il ne peut les excuser en rien. Tout aussi bien que les païens, dont parle saint Paul, les Etats modernes, quels qu’ils soient, sont inexcusables. On ne peut admettre que leur attitude soit conforme aux exigences de la raison. Aux gouvernants et aux dirigeants, comme à n’importe qui, Dieu se manifeste par ses aeuvres. S’il en est qui refusent d’exiger que soit rendu à Dieu par les Etats un culte social et officiel, pour les raisons que donne saint Paul, ils sont inexcusables. Du point de vue simplement rationnel, les Gouvernements, les Parlements, les Législateurs, etc., doivent pratiquer à l’égard de Dieu un culte dont ils ne peuvent se dispenser et dont ils ne peuvent dispenser aucun Etat, ni aucune Société.

De ces données, il faut conclure que même si un Etat pouvait s’excuser de ne pas se soumettre aux directives de l’Église, qu’il n’a pas connues, rien ne pourrait l’excuser de ne pas se vouer à Dieu et de ne pas se soumettre, aux préceptes divins de la Loi Éternelle.

Sixième question – De sorte que vous considérez comme inexcusables tous les hommes publics, qui, par raison politique et de prudence, n’osent pas affirmer le souverain domaine de Dieu sur toute créature et spécialement sur les organismes sociaux.

Réponse – Affirmativement. L’apôtre saint Paul va plus loin. Il déclare que la sévérité de Dieu se manifestera contre les peuples qui désobéissent à cette loi primordiale. Ceux qui ne veulent pas accepter Dieu comme Créateur, Chef et Souverain Dominateur de toute Société, vont à l’encontre de la loi naturelle et des lumières de leur raison. Nous ne pouvons accepter leurs théories ; nous devons les combattre avec la dernière énergie.

Septième question – Dans ces conditions toute politique est et doit être soumise à Dieu.

Réponse – Vous l’avez dit : toute politique doit être soumise à Dieu. Quel que soit le sens attribué au terme « politique », il faut reconnaître dans ce qu’il exprime une réalité dépendant de Dieu. Bien plus, c’est surtout ici qu’il faut appliquer la théorie de la fin dernière que nous avons exposée plus haut. Nous ne pouvons jamais perdre de vue que l’homme est sur la terre pour se préparer à l’éternelle béatitude. Toutes les institutions divines ou humaines ont comme but final : la gloire de Dieu et le salut des âmes. Dès lors, toutes les institutions sociales, toutes les actions et directives politiques doivent tenir compte de cette vérité fondamentale que l’homme n’est pas fait pour ce monde, mais pour l’Éternité. Les Constitutions des Peuples, leur législation, les dispositions juridiques, administratives ou autres doivent envisager d’abord et avant tout le but final de toute existence humaine. Toute politique comme le reste doit, en raison de ce but final, être conforme à la Loi Éternelle de Dieu, au Credo et au Décalogue.

Huitième question – Mais vous semblez dire que l’État doit être totalement soumis à Dieu ; l’Église ne doit-elle pas l’être ?

Réponse – Incontestablement. L’Église comme toute Société doit à Dieu obéissance et soumission complètes. Il y a dans le monde diverses et de très nombreuses sociétés. Deux sociétés dominent toutes les autres : l’Église et l’État. Si nous insistons sur la dépendance de l’État àl’égard de Dieu, c’est à cause des erreurs qui règnent àce sujet. L’Église doit à Dieu une soumission d’autant plus grande qu’elle est chargée de diriger les hommes vers leur éternelle destinée. Elle dépend de Dieu dans son existence, dans les moyens que Dieu met à sa disposition pour sanctifier les âmes ; elle dépend de Dieu par l’obligation où elle se trouve de montrer et aux particuliers et aux hommes publics, aux Sociétés privées et aux États, la voie à suivre pour aboutir au salut. Bref, toute société dépend de Dieu. L’État est une Société : il dépend de Dieu. L’Église est une Société : elle dépend de Dieu et sa dépendance offre un caractère plus intime.

Neuvième question – Ces données semblent établir qu’il y a obligation pour l’Église et l’État d’être d’accord dans le Gouvernement des hommes ?

Réponse – Affirmativement. Les Papes ont toujours enseigné qu’il doit y avoir entente parfaite entre l’Église et l’État. La raison en est bien simple : l’Église et l’État sont deux institutions établies par Dieu. L’Église a comme mission de conduire les hommes à leur béatitude finale. L’État a comme mission de procurer le bien matériel et temporel de ses sujets. Ce bien doit être procuré par l’État pour que ceux-ci puissent aboutir sans de trop grandes difficultés à leur fin dernière. Comme la fin dernière est le but suprême de l’homme, il est évident que tout doit lui être subordonné. Comme l’Église est chargée de la mission de conduire certainement les hommes à leur fin suprême, il appartient aux volontés de Dieu qu’on Lui obéisse. Son pouvoir, sans s’étendre aux choses d’ordre matériel, s’étend à la manière de faire usage des biens temporels et passagers en vue du but à atteindre. Pie IX, Léon XIII ont condamné d’une façon formelle la doctrine de la Séparation de l’Église et de l’État.

Dixième question – Ces enseignements sont particulièrement graves ; il semble que, pour être conforme à la vérité et à la loi divine, aucune intelligence humaine ne pourrait jamais avoir la pensée consentie de l’indépendance d’un Etat, d’une Société ou simplement de la politique à l’égard de Dieu.

Réponse – Vous l’avez dit, toute pensée consentie de ce genre, comporte une déclaration formelle d’indépendance de la créature contre le Créateur. C’est là une révolte de l’esprit contre Dieu et cette révolte constitue un péché exceptionnellement grave.

Troisième leçon – Le souverain domaine de Jésus-Christ sur toute société et toute nation

Première question – Voudriez-vous répéter le deuxième article du Credo ?

Réponse – Je crois en Jésus-Christ, Notre Seigneur.

Et au Credo de la Messe, il est dit : « Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, Dieu de Dieu, qui s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie, et s’est fait homme pour nous. »

Deuxième question – Y a-t-il une relation spéciale entre la très Sainte Humanité de Jésus-Christ et l’Ordre Social établi dans le monde ?

Réponse – Indubitablement. L’homme est créé de façon à être fait pour la Société. De par sa nature et ses conditions d’existence il est appelé à vivre en Société. Jésus-Christ s’est fait Homme pour conduire l’homme à sa Béatitude Éternelle. Le Divin Rédempteur doit donc avoir une influence effective sur toutes les conditions au milieu desquelles il doit conduire l’homme à sa fin. Mais, l’homme étant fait pour, la Société, il faut qu’il tende à sa fin, en tant qu’être social, c’est-à-dire par le moyen de la Société pour laquelle il est fait. Celle-ci ne peut être une fin suprême, elle ne peut être qu’un moyen. Pour être un moyen, il faut qu’elle soit sanctifiée et sanctifiante. Cela ne s’obtient que par la Sainte Humanité du Christ et dans le Christ. Donc, il est évident qu’il doit exister une relation spéciale entre la Sainte Humanité du Christ et l’Ordre Social établi dans le monde.

Troisième question – Mais pourquoi parlez-vous spécialement de Jésus-Christ ? N’est-il pas Dieu ? Tout ce qui est dit de Dieu, ne lui est-il pas applicable ?

Réponse – Certainement. Tout ce qui est dit de Dieu est applicable au Verbe Éternel, fait homme pour nous. Jésus-Christ est Dieu ; donc toute Société dépend de Lui d’une dépendance souveraine et absolue. Toutefois, il faut nous souvenir qu’en Jésus-Christ il n’y a qu’une personne et deux natures : la Personne du Verbe, la Nature divine et la Nature humaine.

La Personne du Verbe a assumé et s’est unie hypostatiquement la nature humaine. De cette façon, la nature humaine du Christ ne subsiste que dans le Verbe ; elle revêt en Jésus-Christ des conditions tout à fait spéciales.

Quatrième question – Quelles sont les conditions spéciales faites à la Sainte Humanité de Jésus-Christ en raison de la dignité que Lui crée l’Union hypostatique ?

Réponse – Les actions du Christ sont théandriques. Cette conséquence résulte du fait que les actes sont attribués â la personne. Comme en Jésus-Christ il n’y a qu’une seule personne, non pas deux personnes, tous les actes de la nature humaine de Jésus-Christ sont imputés à la personne divine.

Cinquième question – Mais Jésus-Christ n’est-Il pas en même temps Rédempteur ?

Réponse – Jésus-Christ est Rédempteur. II a racheté le genre humain par sa nature humaine. C’est dans cette nature qu’Il est Médiateur entre la Trinité et l’homme. Pour combattre les pouvoirs spéciaux et la mission dont est divinement revêtu Jésus-Christ-Homme, il faut ne pas perdre de vue les conditions faites au Divin Maître par sa qualité d’Homme-Médiateur. Il est vraiment Homme ; Il est vraiment Dieu. En tant que Dieu, Il ne dépend de personne, II n’a rien à recevoir de personne et tout dépend de Lui. En tant qu’Homme, Il a tout à recevoir de Dieu, de même que toute créature, mais dans des conditions spéciales.

Quatrième leçon – Conditions et sens précis de la royauté de Jésus-Christ

Première question – Quelle est la condition fondamentale de la Royauté Sociale de Jésus-Christ… ?

Réponse – Cette condition consiste dans la volonté formelle de la Trinité Sainte, d’accorder à Jésus-ChristHomme un vrai et absolu pouvoir royal. Il ne s’agit pas des Droits du Verbe de Dieu qui sont infinis, mais des Droits et des Pouvoirs que Dieu donne à la Sainte Humanité assumée par le Verbe.

Deuxième question – Dieu nous a-t-il fait connaître sa Volonté à ce sujet ?

Réponse – Indubitablement. Dans l’Encyclique Quas Primas le Pape Pie XI apporte deux preuves indiquant la Volonté divine à ce sujet.

Troisième question – Pourriez-vous m’exposer les deux preuves apportées par le Pape ?

Réponse – Voici comment Pie XI expose la première preuve : « Le fondement sur lequel reposent cette dignité et cette puissance de Notre-Seigneur, saint Cyrille d’Alexandrie eé désigne exactement : « Il possède, en un mot, la puissance « sur toutes les créatures, non pour l’avoir prise par violence ou par un autre moyen, mais par essence et par « nature » ; son pouvoir dérive de l’admirable union que les théologiens appellent hypostatique. Par suite, le Christ ne doit pas seulement être adoré comme Dieu -par les anges et les hommes, mais encore les anges et les hommes doivent obéir avec soumission à la puissance de cet Homme ; ainsi, au seul titre de l’union hypostatique, le Christ a puissance sur toutes les créatures, bien que, durant sa vie terrestre, il n’ait pas voulu user de ce pouvoir royal »

Voici la pensée du Pape à ce sujet : l’union hypostatique de la nature humaine à la personne du Verbe ; confère à la nature humaine assumée en Jésus-Christ une dignité transcendante. Celle-ci doit comporter toute autre dignité dont puisse être revêtue une nature humaine. II ne serait pas admissible, ni acceptable qu’on pût placer à côté de la nature humaine, assumée par le Verbe, une dignité qui, en droit, puisse se réclamer d’une supériorité quelconque sur le Christ-Homme. Il ne serait pas admissible qu’un Prince, une Chambre législative puissent se déclarer effectivement, et juridiquement supérieurs à Celui que Dieu a revêtu de la prérogative transcendante de l’Union hypostatique. Tel est le premier et l’essentiel fondement du pouvoir royal attribué à Jésus-Christ.

Quatrième question – Exposez le second fondement doctrinal de la Vérité enseignée par Pie XI.

Réponse – Pie XI continue comme suit : « Mais quelle pensée plus agréable et plus douce que celle-ci : le Christ nous commande non seulement par droit de nature, mais par un droit acquis, le droit de Rédempteur ? Que les hommes oublieux, se rappellent tous, combien nous avons coûté à notre Sauveur : Vous n’avez pas été rachetés au prix de matières périssables, comme l’or et l’argent ; mais par le sang précieux du Christ offert comme un Agneau sans tache et sans défaut. Nous ne nous appartenons plus puisque le Christ donna pour nous une rançon précieuse ; nos corps eux-mêmes sont les membres du Christ. »

Et voici encore la pensée du Pape. Toute créature appartient à Dieu. L’homme était perdu par le péché. Il n’avait pas de quoi se racheter. Jésus-Christ, Verbe de Dieu fait Homme, prit sur Lui de payer cette dette par son Sang divin. En retour la Trinité Sainte Lui fit don du genre humain tout entier et de toute créature. II attribua spécialement à Jésus-Christ le privilège de faire un même corps et un même tout avec les hommes qui lui seraient unis parla grâce.

Cinquième question – Jésus-Christ fit-il connaître les intentions de la Trinité au sujet de son pouvoir royal ?

Réponse – Jésus-Christ, avec une majesté toute divine, devant le monde entier et devant tous les siècles, déclara : « Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la terre. » Remarquez que le pouvoir dont Il parle Lui a été donné ; donc il a obtenu ce pouvoir. Remarquez en second lieu que tout pouvoir lui a été donné, il n’existe donc plus. sur la terre d’autre pouvoir que celui du Christ. Le pouvoir Lui a été donné par la Trinité ; par conséquent, le pouvoir des Rois, des Princes, de toute autorité constituée est le Pouvoir du Christ. C’est ce qu’explique la parole de saint Paul : « Non est potestas nisi a Deo. » Voici la genèse du pouvoir. Tout pouvoir vient de Dieu et ne peut venir que de Lui. Tout pouvoir a été confié au Christ ; donc tout pouvoir passe par le Christ et vient du Christ.

Sixième question – Pouvez-vous déduire de là que Jésus-Christ exerce un pouvoir vrai sur tarte Société ?

Réponse – La réponse à cette question est nettement affirmative. D’abord, comme le dit Léon XIII, l’autorité appartient essentiellement en propre à toute société. Sans. autorité, pas de société. Toute Société est régie par l’autorité. Établissez un rapprochement entre ces vérités et vous aboutirez à la conclusion suivante : l’autorité qui se rencontre dans une société ou dans un pays est donnée par Jésus-Christ ; elle relève et dépend de Jésus-Christ. Donc cette autorité est nécessairement de telle nature qu’elle devra être soumise au Christ. Par le fait même, Jésus-Christ est le vrai Roi des Sociétés, dont l’autorité Lui appartient.

Septième question – Pie XI parle aussi d’un pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Jésus-Christ serait-Il revêtu de ce triple pouvoir ?

Réponse – Affirmativement. En effet, on ne comprendrait pas un pouvoir qui ne jouirait pas. de la prérogative de légiférer, de juger, d’absoudre et de condamner. Ce triple pouvoir est la conséquence nécessaire de l’autorité dont Dieu a revêtu Jésus-Christ.

Huitième question – Vous me parliez encore d’un autre raison qui justifie la Royauté Sociale de Jésus-Christ…?

Réponse – Dans la nature même de toute Société, et spécialement .dans sa finalité et son but, nous rencontrons une nouvelle preuve de la Royauté de Jésus-Christ sur tout l’Ordre Social.

Neuvième question – Le but de toute Société n’est-il pas établi par l’autorité ?

Réponse – Affirmativement. Reconnaître que l’autorité existe dans une société c’est affirmer que cette autorité doit amener la société â sa fin. Cette fin est déterminé par l’union des volontés qui tendent à la réaliser. Le but d’une société peut être envisagé sous son angle spécial et propre. Cet angle spécial ne peut jamais permettre, qu’on perde de vue la fin suprême et dernière. 4r, si l’autorité a comme mission de faire parvenir à son but la Société qu’elle régit, il est évident que l’autorité qui procède du Christ – et, redisons-le, toute autorité procède de Lui – doit avoir comme but suprême celui de la vie et de la mort de Jésus-Christ. Il est impossible que Jésus-Christ accepte de déléguer à qui que ce soit une autorité sur laquelle Il ne conserverait pas son autorité propre en vue du but final de sa Rédemption. Pareillement, il doit Lui être impossible de renoncer à la moindre parcelle d’autorité sur les moyens à employer par la Société pour atteindre son but, ou sur les volontés qui se sont unies en Société.

Cinquième leçon – Caractère spirituel de la royauté de Jésus-Christ

Première question – Vous parlez d’une caractéristique encore de la Royauté Sociale du Christ, voudriez-vous bien la déterminer ?

Réponse – Elle est déterminée par Pie XI en ces termes : « Toutefois, cette royauté est surtout spirituelle et concerne principalement les choses spirituelles ; les textes allégués de la Bible le montrent nettement et le Christ Notre-Seigneur le confirme par sa manière d’agir. A plusieurs reprises, comme les juifs et les apôtres eux-mêmes croient par erreur que le Messie revendiquera les libertés nationales et rétablira lé royaume d’Israël, jésus prend soin de combattre cette opinion et renverse cette espérance; sur le point d’être proclamé roi par la multitude en admiration qui l’entoure, Jésus s’enfuit et se cache pour rejeter ce nom et cet honneur ; devant le proconsul romain, il affirme que son royaume n’est pas de ce monde. D’après les descriptions que les Bvangiles donnent de ce royaume, les hommes se préparent à y entrer par la pénitence, ils n’y pénètrent que par la foi et par le baptême qui, tout erg, étant un rite extérieur, signifie pourtant et produit une régénération intérieure. Ce royaume s’oppose uniquement à celui de Satan, à la puissance des ténèbres, et il demande à ses sujets, non seulement de renoncer aux richesses pet aux biens terrestres, de manifester une grande douceur et d’avoir faim. et soif de justice, mais encore de renoncer àeux-mêmes et de porter leur croix.

« Puisque le Christ comme Rédempteur s’est acquis l’Église par son sang et comme Prêtre s’est offert et s’offre perpétuellement comme victime pour le péché, comment ne pas voir que sa dignité royale s’adapte et participe à la nature de ce double office ? Toutefois, ce serait une erreur honteuse de dénier au Christ-Homme la puissance sur les choses civiles quelles qu’elles soient ; il a, en effet, reçu du Père un droit si absolu sur les créatures que tout ;est soumis à son bon vouloir. Néanmoins, durant sa vie terrestre, il s’est complètement abstenu d’exercer cette autorité, et, comme autrefois il a dédaigné la possession et la direction des choses humaines, il les abandonna alors et les abandonne encore à leurs possesseurs. Vérïté magnifiquement exprimée par ces vers : « Non eripit mortalia qui regna dat coelestia. » II ne ravit pas des trônes sur terre, lui qui en donne au ciel. »

Deuxième question – Exposez ce caractère spirituel de la Royauté de Jésus-Christ.

Réponse – Rappelez-vous ce qui a été dit jusqu’à présent. En vertu de l’union hypostatique et de son action rédemptrice, Jésus-Christ possède toute autorité sur toute créature. L’homme doit aboutir à sa fin dernière par Jésus-Christ. Jésus-Christ est la Voie à suivre pour obtenir le salut, la Vérité destinée à éclairer tout homme venant en ce monde, la Vie qui a la mission de vivifier les âmes par la grâce.

En vertu de son pouvoir souverain, Jésus-Christ doit agir sur tout homme, de façon à être en toute réalité pour chacun : Voie, Vérité et Vie. En vertu de ce même pouvoir souverain qui Lui donne toute autorité sur toute Société et sur toute Autorité, Il devra nécessairement agir de manière que, d’une part, aucune autorité terrestre n’empêche et ne puisse empêcher Jésus-Christ d’être pour chacun Voie, Vérité et Vie ; et, d’autre part, que toute autorité, que toute société concourent effectivement à constituer Jésus-Christ pour chacun : Voie, Vérité et Vie.

Le caractère socialet spirituel de la Royauté du Christ, ressort avec une clarté parfaite des considérations que nous venons d’émettre. Jésus-Christ est Roi. Tout pouvoir Lui a été donné, même sur les choses temporelles. Ce pouvoir de droit peut s’exercer tout aussi bien dans l’ordre temporel que dans l’ordre spirituel. De fait, il se borne à une intervention spirituelle.

Troisième question – Dans quelle mesure le Christ intervient-II spirituellement dans les organisations sociales ?

Réponse – Il n’y a pas de limites à sa puissance d’intervention. En droit et en fait le Christ-Roi doit intervenir par Lui-même et par son Église, c’est-à-dire par son enseignement, dans les constitutions fondamentales des peuples et des pays, dans toutes les organisations sociales et jusque dans la Société des Nations. II doit en être ainsi, parce que c’est le seul moyen pour le Divin Roi d’accomplir la mission divino-terrestre qu’Il s’est imposée et que la Divine Trinité Lui a confiée.

Quatrième question – Dans ces conditions Jésus-Christ est le Roi de toutes les Nations.

Réponse – Il l’est effectivement. Selon la parole du prophète : Toutes les Nations Lui ont été données en héritage et son empire ou plus exactement sa propriété s’étend jusqu’aux confins du Monde.

Cinquième question – Les hommages publics qui doivent être rendus â Jésus-Christ Dieu et Homme ne procèdent-ils pas du caractère spirituel dont est revêtu la Royauté de Jésus-Christ.

Réponse – Effectivement, les hommages publics d’adoration et d’amour, de reconnaissance et de réparation, de prières et d’impétration sont dûs à Jésus-Christ, Dieu. Ils sont imposés à jésus-Homme et à tous les hommes par jésus-Roi. Jésus-Roi exerce une Royauté spirituelle parce qu’Il est Voie, Vérité et Vie. Il l’exerce encore parce qu’à Lui seul appartient le moyen d’adorer dignement et de rendre dignement tous ses devoirs à la Trinité Sainte. L’accomplissement de ces devoirs par l’homme est un des buts du pélerinage terrestre du Christ. Il appartient donc à sa Royauté d’imposer ces hommages spirituels à l’homme et à toute société : seul moyen pour l’un et pour l’autre d’atteindre leur fin dernière.

Sixième leçon – Puissance de l’Eglise dans l’ordre social établi par Dieu

Première question – Quelles sont les volontés du Christ, Roi des Sociétés à l’égard de l’Église ?

Réponse – Sa Volonté porte sur un double objet. D’abord, nous l’avons dit, l’Église doit à Dieu et à Jésus-Christ la soumission la plus complète. II ne lui est pas loisible d’ajouter une vérité à celles qui ont été enseignées par Jésus-Christ. Pareillement, il ne lui est pas loisible d’en retrancher une. Elle dépend de Dieu jusque dans les moindres détails, d’une dépendance absolue. Ensuite, de par la volonté de Jésus-Christ elle est chargée d’une mission à accomplir. C’est en vertu de son autorité sur toute autorité que Jésus-Christ lui confie cette mission. Celle-ci comporte nécessairement une participation à son autorité sur toute autorité.

Deuxième question – Voudriez-vous expliquer quelque peu cette mission de l’Église ?

Réponse – Voici la situation faite par Jésus-Christ à son Église. Il a dit à celle-ci : « Allez, enseignez tous les Peuples, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles. » Ces paroles expliquent les intentions de Jésus-Christ. Le Divin Maître veut que son Église soit dans le monde l’instrument du salut des âmes ; Il le veut, au point qu’à l’Église seule, à l’exclusion de tout autre organisme, il a confié le soin de conduire les âmes à leur. Béatitude finale. II veut certainement que son Église accomplisse dans le monde, pour le salut du monde, le rôle d’un organisme nécessaire.

Troisième question – Dans ces conditions, l’Église serait aussi nécessaire que le Christ Lui-même ; or cela n’est pas admissible.

Réponse – Il est parfaitement admissible que l’Eglise soit aussi nécessaire que le Christ, si le Christ veut qu’il en soit ainsi. Or, Jésus-Christ impose à son Église d’enseigner les Peuples et de conférer les sacrements. Pour mieux dire, Jésus-Christ impose que par l’intermédiaire de la Sainte Église, Il soit Lui-même, pour tout homme et pour toute société : Voie, Vérité et Vie.

Dans sa vie entière, l’homme a comme Roi Jésus-Christ; il a comme ordre précis et formel d’obéir à l’Église, dès que celle-ci parle au nom de Jésus, Voie, Vérité et Vie. Or, Jésus-Christ s’offre tel, non seulement à l’individu, mais à toute Société. Il faut que toute Société obéisse à l’Église comme au Christ Lui-même, dont l’Église a mission d’interpréter les pensées et les volontés, tant dans l’ordre social que dans l’ordre individuel.

Quatrième question – Mais, dans ces conditions, il revient à l’Église le titre de Reine et au Pape le titre de Roi.

Réponse – Incontestablement. L’Église n’a au-dessus d’Elle, ni à côté d’Elle, personne qui puisse l’éclairer, l’enseigner, la diriger, sinon Dieu, l’Esprit de Dieu et Jésus-Christ. Si Jésus-Christ est vraiment Roi, parce qu’Il exerce une autorité sur les individus, sur les Sociétés et sur toute Autorité, pareillement la Sainte Église, est Reine, parce qu’Elle doit enseigner aux hommes, chargés de l’autorité, leurs devoirs. Elle régit véritablement, donc Elle est Reine.

Au même titre et pour les mêmes raisons le Pape est vraiment Roi.

Cinquième question – Quelles sont les conséquences immédiates de ces vérités ?

Réponse – La première de toutes les conséquences c’est que Jésus-Christ et son Église ont l’obligation d’intervenir dans tout l’Orde Social. Dans toute obligation sociale, quelle qu’elle soit, ils ont comme mission divinement imposée, d’éclairer tes Peuples et les Sociétés sur leurs devoirs. C’est ce qu’enseigne le Saint-Siège, dans une lettre adressée par lui à l’Archevêque de Tours.

« Au milieu des bouleversements actuels, il importe de redire aux hommes que l’Église est, de par son institution divine, la seule arche de salut pour l’humanité. Établie par le Fils de Dieu sur Pierre et ses successeurs, elle est noir seulement la gardienne des vérités révélées, mais encore la sauvegarde nécessaire de la loi naturelle. Aussi est-il plus opportun que, jamais d’enseigner comme vous le faites, Monseigneur, que la vérité libératrice pour les individus comme pour les sociétés est la vérité surnaturelle dans toute sa plénitude et dans sa pureté, sans atténuation ni diminution et sans compromission, telle, en un mot, que Notre Seigneur Jésus-Christ est venu l’apporter au monde, telle qu’il en a confié la garde et l’enseignement à Pierre et à l’Église. » (Lettre du 16 mars 1917)

La seconde conséquence, conforme en tout à la première, c’est que Jésus-Christ et l’Église sont pour l’Ordre Social une nécessité. S’ils n’étaient pas nécessaires, Dieu ne les eut pas imposés au Monde comme moyen de salut. S’ils ont auprès des Peuples une mission obligatoire, tes Peuples ont une obligation réciproque de recourir, à eux.

Sixième question – Mais alors, l’Église a une mission à accomplir, non seulement auprès des âmes, mais encore auprès des Sociétés. Ne serait-ce pas là, un abus ?

Réponse – Oui, l’Église et le Pape ont à accomplir un rôle divinement imposé, non seulement auprès des âmes, mais encore auprès des Sociétés. D’abord, à l’Église seule, sur la terre est confié le dépôt, non seulement des vérités révélées, mais encore des vérités morales d’ordre naturel. Sans l’existence et la mise en pratique de cette loi morale, aucune Société ne peut subsister. A l’Église donc, il appartient d’enseigner les vérités primordiales, qui seules peuvent sauver le monde et chaque pays en particulier. A l’Eglise et à l’Eglise seule, il appartient d’interpréter avec autorité les lois de justice naturelle qui doivent présider aux rapports des Peuples entre eux. II est tout indiqué qu’il en soit ainsi. L’Eglise doit conduire les Peuples à leur fin dernière. Ceux-ci ne vivent normalement en ce monde que dans l’état de Société. A l’Église donc, il revient de les conduire à leur fin, par la Société dans laquelle Dieu veut quia vivent. C’est la vérité primordiale de la fin dernière voulue par Dieu et qui doit être voulue par l’homme qui éclaire taures ces grandes questions. Il n’est pas étonnant que :e mépris de cette vérité et de cette loi entraîne après lui ‘es châtiments divins. N’est-ce pas un châtiment réel que l’impuissance dans laquelle se débattent les Gouvernements pour procurer la Paix aux Nations. Dieu, l’Église et le Pape sont mis de côté. On veut se passer d’eux. La conséquence de cet oubli criminel est fatale : on veut faire sans Dieu ; Dieu laisse faire sans Lui. On ne fait rien de bon.

Septième question – Dans ces conditions il faudrait donc, malgré tout, inculquer aux hommes la dépendance de toute Société à l’égard de Dieu, de son Christ et de la Mission de l’Église ?

Réponse – Indubitablement. On dit communément « Entre deux maux il faut choisir le moindre. » Or, il est certain que le mal résultant du silence de ceux qui ont la mission d’enseigner est tout â la fois plus grand et plus pernicieux que tout autre mal. Pour de pareilles circonstances Jésus-Christ à parlé clair et net : pour établir sa Vérité dans le monde, s’il faut passer par la souffrance et la persécution, il faut y passer. Mieux vaut le martyre que le sacrifice et le reniement des vérités nécessaires au salut.

Septième leçon – Erreur fondamentale qui règne aujourd’hui

Première question – Quel est, au sujet des matières que nous venons de traiter, l’erreur la plus pernicieuse et la plus néfaste ?

Réponse – Incontestablement, l’erreur à la fois la plus pernicieuse et la plus irréductible est celle en vertu de laquelle il n’y a, et il ne peut y avoir, ni pour l’individu, ni pour les Sociétés, de vérité imposée c’est-à-dire existante. Donc, en droit et en fait, il n’y a et il ne peut y avoir ni vérité, ni erreur. La conséquence strictement logique c’est qu’il n’y a ni bien, ni mal, ni droit, ni justice. Tons les droits sont accordés et au même titre à l’erreur et à la vérité, au bien et au mal.

Deuxième question – Expliquez-vous. Qu’entendez-vous par ces droits accordés à l’erreur ?

Réponse – II est assez aisé de s’expliquer sur ces points. Tous les organismes sociaux officiels et particulièrement les constitutions des Peuples ont adopté comme fondement pratique La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Les droits du l’Homme sont absolus ; il est le maître. Tout, même la Vérité dépend de lui et est faite par lui.

Troisième question – Quel sens attribuez-vous à la Déclaration des Droits de l’homme si vous la considérez du point de vue social moderne ?t

Réponse – C’est extrêmement simple. Jadis, Dieu était le centre, le principe et le terme de tout dans l’organisation sociale et chez l’individu. A la base des constitutions des Peuples se trouvaient Dieu, Jésus-Christ, la mission de l’Eglise, selon les exigences des Droits divins. D’un coup, on a supprimé les droits de Dieu. De la sorte, partout où Dieu était Maître et régnait comme tel, Il est remplacé par l’homme, dont les pensées et les volontés prennent la place de la pensée de Dieu, de la Vérité divine, des volontés et de la loi de Dieu.

Quatrième question – Sous quelle forme ces théories sont-elles présentées au public ?

Réponse – Cet état de choses est consacré par la théorie des grandes libertés modernes qui servent de base aux constitutions de tous les pays. Il y a la liberté de conscience, la liberté d’enseignement, la liberté de la presse, la liberté d’association et la liberté des cultes. Ces libertés sont modérées par la loi. La loi est l’expression de la volonté générale.

Cinquième question – Quel est le sens précis de ces libertés ? Ne signifient-elles pas que l’homme doit jouir d’une liberté entière pour enseigner et pratiquer le bien?

Réponse – C’est un sens selon lequel on pourrait les entendre. Malheureusement, ce n’est pas le sens qui répond à la réalité. Le libéralisme moderne a compris et appliqué tout autrement ces grandes libertés. Celles-ci consistent dans le fait que chacun est libre, en droit, de vivre comme il l’entend et d’enseigner ce qu’il veut ; d’écrire et de publier selon ses caprices ; de s’associer dans un but, bon ou mauvais. Chacun enfin est libre de rendre un culte à qui il veut, à Dieu, à Jésus-Christ, à Mahomet et même à Satan, si cela lui plait.

Sixième question – Quel rapport y a-t-il entre ces théories des libertés modernes et l’erreur fondamentale que vous signaliez tout à l’heure ?

Réponse – Ces rapports sont tout indiqués. Pour les Sociétés et les Nations contemporaines et pour l’homme formés selon les Principes de 89, il n’existe plus de vérité ; il existe purement et simplement l’homme, c’est-à-dire la pensée et la volonté de l’homme. Chacun a le droit strict de concevoir et de nourrir les pensées qu’il veut et de les donner comme directives à sa vie. C’est la preuve manifeste que pour l’homme existe simplement comme réalité, dont il doit tenir compte, sa propre pensée connue et forgée par lui. En dehors de lui la vérité est non existante. Conséquemment à cette doctrine, chacun a le droit strict d’enseigner ce qu’il veut par la parole et par la plume. Toujours pour la même raison, la loi elle-même qui dirige les pays vaut dans la mesure, non pas où elle exprime la Vérité et la Volonté divine, mais dans la mesure où elle est l’expression de la volonté générale connue par l’élection et par le vote. Bref, le Droit moderne ne reconnaît et ne professe aucune vérité ; il s’incline uniquement devant la pensée humaine.

Septième question – Vous attribuez donc à « la Déclaration des Droits de l’homme » une influence prépondérante sur la mentalité moderne et sur les erreurs régnantes ?

Réponse – Indubitablement. Si en vertu d’un droit, l’homme peut penser ce qu’il veut, il peut du coup, en vertu du même droit – et ceci est particulièrement grave – vouloir ce qu’il veut et agir comme il l’entend, pour lui, il n’existe que lui-même et les droits de l’homme déifié, indépendant de toute autorité et de toute vérité. Cette doctrine autorise toutes les erreurs dans tous les ordres de choses. En philosophie, en théologie, en politique, dans les matières économiques et sociales, doivent prédominer et servir de guide, la pensée et les caprices de l’homme. Mais ce qui donne à cette doctrine son importance et son exceptionnelle gravité, c’est que tous les droits, dont se réclame la Déclaration de 89, sont dus à l’homme en droit strict, officiellement reconnus et professés. Toute pensée, toute parole, toute action qui sont basées sur ces droits sont nécessairement légitimes.

Huitième question – Mais, « la Déclaration des Droits de l’homme » ne trace-t-elle pas une limite au dévergondage de l’action de l’homme ?

Réponse – En effet, d’après les Principes de 89, les Droits de l’homme sont limités par les Droits de son semblable. Ainsi, mon droit de m’emparer du bien d’autrui est limité par le droit de mon semblable à la propriété. Mon droit de tuer est limité par le droit de mon semblable à la vie. Toutes ces limites obtiennent leur consécration et leur valeur dans la loi.

Mais, qui ne voit qu’elles sont illogiques. Si par principe, mes droits sont absolus, personne ne peut y opposer une limite quelle qu’elle soit. Malgré toutes les restrictions qui seront posées par la loi, toujours prédominera contre la loi, le dogme fondamental de la liberté sans frein et des droits sans restriction de l’homme. Qui ne voit la licence accordée à toute doctrine et à tout enseignement. Sous le couvert des Droits de l’homme, les erreurs les plus pernicieuses et les plus monstrueuses peuvent s’introduire dans tous les organismes sociaux et en droit se réclamer de la protection des autorités qui ont la mission de protéger non pas la Vérité mais la pensée de l’homme.

Neuvième question – Vous allez à l’encontre de toutes les idées admises et vous sapez à sa base le droit moderne.

Réponse – Effectivement, nous battons en prêche tous les principes dits modernes.

Dixième question – Ne pourriez-vous pas me donner une notion exacte du Droit moderne ?

Réponse – Je vous répondrai par la notion qu’en donne le Pape Léon XIII, dans sa superbe encyclique Immortale Dei : « Tous les hommes, dès lors qu’ils sont de même race et de même nature, sont semblables, et, par le fait, égaux entre eux dans la pratique de la vie. Chacun relève si bien de lui seul, qu’il n’est d’aucune façon soumis à l’autorité d’autrui ; il peut, en toute liberté, penser sur toutes choses ce qu’il veut, faire ce qui lui plaît ; personne n’a le droit de commander aux autres. Dans une société fondée sur ces principes, l’autorité publique n’est que la volonté du peuple, lequel, ne dépendant que de lui-même, est aussi le seul à se commander. Il choisit ses mandataires, mais de telle sorte qu’il leur délègue moins le droit que la fonction du pouvoir pour l’exercer en son nom.

La souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n’existait pas, ou ne s’occupait en rien de la Société du genre humain ; ou bien comme si les hommes, soit en particulier, soit en société, ne devaient rien à Dieu, ou qu’on pût imaginer une puissance quelconque, dont la cause, la force, l’autorité ne résidât pas tout entière en Dieu même. s De cette sorte, on le voit, l’Etat n’est autre chose que la multitude maîtresse et se gouvernant elle-même ; et dés lors que le peuple est censé la source de tout droit et de tout pouvoir, il s’ensuit que l’État ne se croit lié à aucune obligation envers Dieu, ne professe officiellement aucune religion, n’est pas tenu de rechercher quelle est la seule vraie entre toutes, ni d’en préférer une aux autres, ni d’en favoriser une principalement, mais qu’il, doit attribuer à toutes l’égalité en droit, à cette fin seulement de les empêcher de troubler l’ordre public.

Par conséquent, chacun sera libre de se faire juge de toute question religieuse, chacun sera libre d’embrasser la religion qu’il préfère ou de n’en suivre aucune, si aucune ne lui agrée. De là découlent nécessairement la liberté sans frein de toute conscience, la liberté absolue d’adorer ou de ne pas adorer Dieu, la licence sans bornes et de penser et de publier ses pensées. »

Bref, d’après Léon XIII, les principes du Droit moderne sont les suivants :

  1. Tout pouvoir et toute autorité émanent de l’homme ; c’est la première conséquence de la Déclaration des Droits de l’Homme ;

  2. Ce pouvoir se traduit par l’acceptation et la mise en pratique de la liberté la plus absolue. Si l’homme a tous les droits, il ne peut subir une contrainte ni une obligation ;

  3. Comme le droit d’un homme peut s’opposer au droit d’un autre, le Droit moderne établit une restriction dans l’usage de la liberté absolue : mon droit est limité par le droit d’autrui. Quoique illogique, cette disposition est nécessaire pour éviter les conflits et les abus qui seraient inévitables. Dans toute société organisée il faut une législation. Cette législation prendra son mot d’ordre, non en Dieu ou en Jésus-Christ ou dans la Loi Eternelle, mais dans la volonté générale des hommes appartenant à telle Société. Les individus envoient aux Parlements leurs mandataires chargés d’exprimer leur volonté.

La Législation n’est autre chose que l’expression des volontés de la multitude. Elle est donc la résultante des droits de l’homme.

Insistons sur ce point capital : la volonté générale, ne devant tenir compte que d’elle-même, peut imposer des lois néfastes et contraires à tout droit. Cependant, ces lois deviennent le Droit, par le fait qu’elles sont la loi, c’est-à-dire l’expression de la volonté générale.

Onzième question – Y a-t-il une différence profonde entre le Droit Moderne et le Droit Catholique, basé sur les Droits Divins ?

Réponse – La différence est complète. Le Droit Moderne est basé sur l’homme. Le Droit Catholique est basé sur Dieu. Le Droit Catholique se place au point de vue de la fin suprême et dernière de l’homme. Le Droit Moderne se place au point de vue de l’homme, sa fin suprême à lui-même. Le Droit Catholique commence par tenir compte de la dépendance absolue de toute créature à l’égard de Dieu et spécialement de la dépendance, à son égard, de toute Société et de tous les Etats. Le Droit Moderne constitue l’union des volontés qui fonde la Société sur la volonté de chacun des associés, indépendamment de toute volonté divine. Le Droit Catholique, c’est l’établissement, en vertu du droit, du règne de Dieu dans l’individu et les Sociétés. Le Droit Moderne c’est la négation pratique de la Vérité Catholique et de toute Vérité divine. C’est l’établissement officiel, et consacré par le droit, du laïcisme, de l’athéisme et même de toute autre erreur. Bref, le Droit Catholique c’est le Droit, c’est l’autorité et la puissance qui résultent du Droit, mis au service de la Vérité, qui seule doit sauver les individus et les Peuples.

Le Droit Moderne c’est le droit, c’est l’autorité et la puissance du Droit, mis au service de l’homme pour ravaler juridiquement – donc légitimement – les intelligences et les volontés, les Sociétés et les Etats, au niveau de l’homme déifié, c’est-à-dire principe et fin de toutes choses. Comparez les Constitutions des Peuples qui procèdent des Principes modernes à celles qui procèdent des Principes catholiques et vous aurez une faible idée des désastres produits par le Droit Moderne

(Dans son Encyclique Libertas praestantissimum, Léon XIII expose la nature du libéralisme en ces termes : Oui, on peut distinguer plusieurs espèces de libéralisme ; car il y a pour la volonté plus d’une forme et plus d’un degré dans le refus de l’obéissance due à Dieu, ou à ceux qui participent à son autorité divine. ‘

  1. S’insurger complètement contre l’empire suprême de Dieu et lui refuser absolument toute obéissance, soit dans la vie publique, soit dans la vie privée et domestique. C’est à la fois, sans nul doute, la plus grande dépravation de la liberté et la pire espèce de libéralisme. C’est sur elle que doivent tomber, sans restriction, tous les blâmes que nous avons formulés.

  2. Immédiatement après vient le système de ceux qui, tout en concédant qu’on doit dépendre de Dieu, Auteur et Maître de l’univers, puisque toute la nature est réglée par sa Providence, osent répudier les règles de foi et de morale qui, dépassant l’ordre de la nature, nous viennent de l’autorité même de Dieu, ou prétendent, du moins, qu’il n’y a pas à en tenir compte surtout dans les affaires publiques de l’État. Quelle est la gravité de leur erreur et combien peu ils sont d’accord/avec eux-mêmes. Nous l’avons vu plus haut. C’est de cette doctrine que découle, comme de sa source et de son principe, cette pernicieuse erreur de la séparation de l’Église et de l’État, quand au contraire, il est manifeste que ces deux pouvoirs, quoique différents dans leur mission et leur dignité, doivent néanmoins s’entendre dans la concorde de leur action et l’échange de leurs bons offices.

  3. A cette erreur, comme à un genre, se rattache une double opinion. Plusieurs, en effet, veulent entre l’Église et l’État une séparation radicale et totale ; ils estiment que, dans tout ce qui concerne le gouvernement de la société humaine, dans les institutions, les mœurs, les lois, les fonctions publiques, l’instruction de la jeunesse, on ne doit pas plus faire attention à l’Église que si elle n’existait pas ; tout au plus laissent-ils aux membres individuels de la société la faculté de vaquer en particulier, si cela leur plait, aux devoirs de la religion. Contre eux gardent toute leur force les arguments par lesquels nous avons réfuté l’opinion de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; avec cette aggravation qu’il est complètement absurde que l’Eglise soit, en même temps, respectée du citoyen et méprisée par l’État.

Les autres ne mettent pas en doute l’existence de l’Église, ce qui leur serait d’ailleurs impossible, mais ils lui enlèvent le caractère et les droits propres d’une société parfaite et veulent que son pouvoir, privé de toute autorité législative, judiciaire, coercitive, se borne à diriger par l’exhortation, la persuasion, ceux qui se soumettent à elle de leur plein gré et de leur propre volonté. C’est ainsi que le caractère de cette divine société est, dans cette théorie, complètement dénaturé, que son autorité, son magistère, en un mot, toute son action se trouve diminuée et restreinte, tandis que l’action et l’autorité du pouvoir civil, sont par eux, exagérés, jusqu’à vouloir que l’Église de Dieu, comme toute autre association libre, soit mise sous la dépendance et la domination de l’État.

Pour les convaincre d’erreur, les apologistes ont employé de puissants arguments que Nous n’avons pas négligés Nous-mêmes, particulièrement dans Notre Encyclique Immortale Dei ; et il en ressort que, par la volonté de Dieu, l’Église possède toutes les qualités et tous les droits qui caractérisent une société légitime supérieure et de tous points parfaite.

Beaucoup enfin n’approuvent point cette séparation de l’Église et de l’État ; mais ils estiment qu’il faut amener l’Église à céder aux circonstances, obtenir qu’elle se prête et s’accommode à ce que réclame la prudence du jour dans le gouvernement des sociétés.

Opinion honnête si l’on entend d’une certaine manière équitable d’agir, qui soit conforme à la vérité et à la justice, à savoir : que l’Église en vue d’un grand bien à espérer, se montre indulgente, et concède aux circonstances de temps ce qu’elle peut concéder sans violer la sainteté de sa mission. Mais il en va tout autrement des pratiques et des doctrines que l’affaissement des mœurs et les erreurs courantes ont introduites contre le droit. Aucune époque ne peut se passer de religion, de vérité, de justice : grandes et saintes choses que Dieu a mises sous la garde de l’Église, à qui il serait dès lors étrange de demander la dissimulation à l’égard de ce qui est faux ou injuste, ou la connivence avec ce qui peut nuire à la religion. (E. Libertas praestantissimum)

Douzième question – N’y a-t-il pas un libéralisme qui, dans ces matières, établit une distinction parfaitement admissible ?

Réponse – II y a différentes espèces de libéralisme. Ce n’est pas ici le lieu d’en parler longuement. Nous nous bornons à la substance de la doctrine, qui se manifeste sous deux aspects différents. Il y a d’abord le libéralisme fui attribue les droits à l’Erreur et au Mal, au même titre qu’à la Vérité et au Bien. C’est, nous l’avons dit, le principe de tous les dévergondages. Léon XIII, dans les paroles que nous rapportons, stigmatise à juste titre ce libéralisme comme hérétique et impie. Il y a le libéralisme plus mitigé. Celui-ci, par une étrange aberration, prend le titre de libéralisme catholique. Dans ses conséquences, il n’est pas moins pernicieux que l’autre. Sans affirmer que l’Erreur et le Mal ont des Droits, ce libéralisme n’affirme pas qu’ils n’en ont pas. II trouve, au contraire, conforme à l’esprit de tolérance et à la charité chrétienne, que l’on vive en face des erreurs modernes et de ceux qui les professent, comme si ces erreurs avaient des Droits. Il déclare que chacun a ses opinions et a le droit de les avoir, qu’il ne faut molester personne en raison de ses opinions et de ses idées. C’est mettre pratiquement sur le même pied l’Erreur et la Vérité, le Bien et le Mal. Les résultats de cet enseignement sont néfastes au plus haut point ; il y est professé qu’il faut traiter avec respect, non pas ceux qui professent telle doctrine, mais la doctrine elle-même que Dieu condamne.

Treizième question – N’est-il pas préférable, malgré tout, d’en agir ainsi ?

Réponse – Certainement non. II y a deux raisons de ne pas se conformer aux données du libéralisme dit catholique. La première, c’est que par ce libéralisme Dieu et Jésus-Christ sont privés de leur Gloire dans l’Ordre Social. Celui-ci doit être imprégné de Dieu et de son Christ. A cause de l’attitude du Libéralisme dit catholique, Dieu ne sera jamais connu, aimé et glorifié comme II doit l’être. La deuxième raison est le danger de se perdre que courent les âmes dans une Société formée selon les principes du Libéralisme dit catholique. Le Catholicisme est essentiellement envahissant et éducateur. S’il n’envahit pas, il n’éduque pas selon l’Esprit du Christ. Il forme des milieux dont l’atmosphère devient fatalement acatholique et même athée. De cette manière le libéralisme, dit catholique, contribue à la perte d’un nombre incalculable d’âmes.

Quatorzième question – Mais le Pape parle surtout des ravages causés par le laïcisme. Pourquoi dès lors traiter la question de libéralisme ?

Réponse – II est de toute évidence que le laïcisme a obtenu droit de cité dans l’ordre social en vertu des principes du libéralisme. Quel que soit le sens précis attribué au mot : « laïcisme » – il faut admettre que la doctrine qui s’offre au public sous cette dénomination met l’homme à la place de Dieu. L’Homme doit régner là où Dieu seul possède l’autorité. Or, toutes les théories de ce genre se rattachent à la déclaration des Droits de l’homme et à la liberté dont celui-ci doit jouir envers et contre tout, surtout envers et contre Dieu.

Le laïcisme procède en voie directe du libéralisme. Le libéralisme est son plus fort appui, il porte en lui sa justification de toute révolte contre l’Etre suprême.

Huitième leçon – Droits intangibles de la Vérité et du Bien

Première question – La Vérité et le Bien sont-ils seuls à avoir des droits ?

Réponse – Affirmativement.

Deuxième question – Sur quelle base repose votre affirmation ?

Réponse – Sur des données théologiques et philosophiques.

Troisième question – Quelles sont ces données philosophiques ?

Réponse – Les voici : Le néant n’a aucun droit puisqu’il n’existe pas. Il est impossible à ce qui n’existe pas d’avoir des droits. Attribuer des droits au néant est donc une injustice. Or, que fait-on quand on attribue des droits à l’erreur ? On attribue un droit au néant. Il suffit de se rendre compte de ce que sont la Vérité et l’Erreur pour le comprendre. La Vérité se trouve dans l’intelligence, dans la mesure où l’intelligence reproduit exactement une réalité existante. Quand l’intelligence produit intellectuellement en elle-même une chose qui n’est pas, alors il y a erreur. Or, que se passe-t-il en pareil cas ? J’ai dans mon esprit l’idée d’une chose comme si elle était. Je lui attribue le droit d’être dans mon esprit comme si elle était. En réalité elle n’est pas. Dès lors qu’elle n’est pas,’elle est une création de mon esprit propre, qui n’a aucun fondement. Comment puis-je donner comme base à ma vie, à mon action, une réalité qui n’est pas ? Que doit-il résulter d’une semblable aberration ? Ce qui résulte nécessairement dans tout édifice qu’on élève sans fondement. Je donne comme base à ma vie et à mon action mon idée qui ne répond à rien d’objectif et de réel, nécessairement tout l’édifice intellectuel et social que j’élève sur cette idée est destiné à crouler. A une action et à une vie il ne peut y avoir d’autre fondement qu’une réalité vraie. C’est pourquoi, seule la Vérité a, dans l’ordre individuel et social, le droit à l’existence. A aucun point de vue l’erreur ne peut revendiquer ce droit. Quand elle s’installe, dans une intelligence ou dans les masses, elle usurpe des droits qui ne lui reviennent pas, elle est injuste.

Quatrième question – Sur quelles données théologiques basez-vous votre affirmation ?

Réponse – Je la base sur la Révélation faite au monde par Jésus-Christ. Notre Seigneur est venu ici-bas pour sauver l’univers et chaque homme en particulier. Dans ce but, Il a révélé au monde la Vérité. Cette Vérité Lui appartient en vertu de son droit divin et aussi en vertu de son ouvre Rédemptrice. Si cette Vérité Lui appartient et si elle est donnée au monde par Lui, dans un sens et dans un but très précis, la ruiner, l’amoindrir est une injustice. C’est sacrifier le droit de Jésus-Christ.

Cinquième question – Mais, dans ces conditions, il n’y aura de place que pour la Vérité ? N’y a-t-il pas la fameuse distinction entre la thèse et l’hypothèse.

Réponse – Effectivement, il ne peut y avoir de place que pour la Vérité et le Bien. Quant à la distinction entre la thèse et l’hypothèse, il faut la bien comprendre. Ce qui est un fait, c’est que le recours à cette distinction a été cause de la perte de beaucoup d’âmes.

Sixième question – Mais cette distinction n’est-elle pas approuvée par l’Église ?

Réponse – Nullement. Elle est une subtilité inventée par certains théologiens. On s’en sert pour se former la conscience et comme on dit communément pour se tirer d’affaire.

Septième question – Ne pourriez-vous pas m’exposer la raison d’être de cette distinction et comment on y a recours ?

Réponse – Par thèse, on entend la situation faite à la Vérité et au Bien, selon tous leurs droits. Ainsi, dans l’état de thèse, la Trinité, Jésus-Christ et l’Église occupent dans les Pays et parmi les Nations la place qui, de droit, leur revient. Dans ce cas, pratiquement, nous vivons sous le Règne de Jésus-Christ et de son Église. A côté de cette situation de droit, il y a une situation de fait. De fait, Jésus-Christ n’exerce pas son empire, sur les sociétés ; de fait, la Vérité et le Bien ne jouissent pas des prérogatives qui de droit leur reviennent. Bien plus, le Monde et les Etats sont corrompus. Leur corruption est telle qu’il est impossible de songer pratiquement en ce moment à rendre à la Vérité et au Bien ce qui n’est qu’un droit strict. C’est l’état d’hypothèse, c’est-à-dire l’état dans lequel nous nous trouvons en face de la puissance et souvent de la puissance organisée des ennemis de Jésus-Christ et de l’Eglise. Que faire en pareil cas ? Personne ne peut trahir la Vérité et le Bien, personne ne peut renier Dieu ni l’Eglise, mais dans les conditions actuelles il faut tolérer certaines situations qu’on ne peut améliorer immédiatement. Toutefois, il est à remarquer que cette tolérance est une simple tolérance et non une approbation. Èn pareil cas, chacun doit conserver dans son âme la volonté arrêtée de rendre à la Vérité et au Bien leurs droits. En outre, il faut qu’on use de la liberté accordée à chacun pour faire le bien et spécialement pour diffuser partout les principes de Vérité et ainsi insensiblement en revenir à l’état de la thèse.

Huitième question – N’avez-vous pas dit qu’en recourant à cette distinction on avait fait beaucoup de mal?

Réponse – Effectivement, beaucoup de catholiques ont accepté cette distinction comme un moyen d’échapper à leurs devoirs d’apostolat. On déclare simplement : « nous sommes dans l’état d’hypothèse » et on ne fait rien pour en revenir à l’état de thèse. C’est un premier effet funeste produit par cette distinction. Il en est un autre qui dérive du précédent : cette distinction, en tranquillisant et en mettant au repos les consciences des militants, crée une atmosphère d’inaction et parfois de découragement au point de vue social. On s’habitue tellement à la respirer qu’on ne s’aperçoit pas du venin qu’elle comporte et qu’inconsciemment on absorbe. II n’y a pas à dire, il faut qu’on en revienne à la mise en pratique des paroles de Jésus-Christ : « Est, est ; non, non. » Ces paroles du Divin Maître ne peuvent être réalisées que dans une adhésion franche, loyale et complète aux seuls principes de Vérité qui doivent diriger l’Ordre Social vers Dieu. II faut répéter ici ce que nous avons dit ci-dessus. Dés que la distinction entre la thèse et l’hypothèse amoindrit pratiquement l’action envahissante et éducatrice de l’Eglise parmi les Peuples, elle lui fait manquer partiellement sa mission. Non seulement les âmes ne se sanctifient pas, elles s’engourdissent et finissent dans l’indifférence pratique.

Neuvième question – Permettez-moi de vous exposer une difficulté. Quand nous sommes dans l’état d’hypothèse, vous tolérez l’existence de l’erreur ; quand nous sommes dans l’état de thèse vous ne la tolérez plus ; nous sommes exposés à voir surgir partout, sous la protection du Souverain Domaine de Dieu et de la Royauté du Christ, un état de tyrannie.

Réponse – C’est une difficulté que nous opposent les incroyants. On semble nous dire : quand vous êtes les maîtres, vous êtes d’une exigence exorbitante et nous pouvons nous attendre à tout de votre part. Quand vous n’êtes pas les maîtres, il vous faut la liberté que vous refusez aux autres. Pour porter un jugement sain sur cette question, il faut se placer en face des réalités vraies. Ces réalités sont que l’homme est sur la terre pour sauver son âme, qu’il s’y trouve devant la redoutable alternative d’être, ou éternellement béatifié, ou éternellement damné. Il n’y a pas de milieu. Or, nous savons quelles sont les exigences divines. Pour être sauvé, l’homme doit mourir se trouvant en état de grâce. On ne peut être plus cruel à son endroit qu’en lui facilitant le moyen de se perdre. On ne peut lui témoigner une plus grande et plus réelle charité qu’en contribuant à lui procurer l’Éternelle Béatitude. Or, les Constitutions modernes des Peuples, en permettant et en consacrant toutes les perversions de l’esprit et du coeur donnent toute facilité aux âmes de se damner. Cela dit, voici en deux mots ma réponse à la difficulté proposée : 1° Incontestablement, si nous étions les maîtres, nous ferions l’impossible pour que pas une âme ne se damne ; 2° Nous nous souviendrions que, il y a une différence entre l’Ordre Social et l’Ordre Individuel. Dans l’ordre strictement individuel nous ne violenterions pas les consciences. Si malgré nous et malgré tout, quelqu’un veut se perdre, c’est au fond -son affaire. Par conséquent, si quelqu’un s’obstinait à refuser obéissance au Christ et à l’Église, nous le laisserions à sa conscience, pourvu qu’il ne cause pas de scandale. Nous disons : pourvu qu’il ne cause pas de scandale. Évidemment, nous ne pourrions tolérer que l’incroyance d’un individu nuise au bien général d’une Société ou d’un Pays ou même au bien particulier d’une âme. C’est pourquoi 3° Nous interdirions à toute erreur et à tout mal la possibilité de se propager. C’est le sens dans lequel nous supprimerions des Codes et des Constitutions des Pays les grandes libertés modernes.

Neuvième leçon – Le péché du libéralisme : péché de l’Europe et du Monde

Première question – Le libéralisme est-il un péché ?

Réponse – Incontestablement. II faut tenir compte des bonnes intentions, du défaut de lumières et de l’ambiance qui diminuent les responsabilités, mais à considérer les choses en elles-mêmes, le libéralisme est un péché de l’esprit.

Deuxième question – Expliquez-vous. Comment faut-il comprendre ce péché de l’esprit.

Réponse – Rappelez-vous ce qui a été dit, en réponse à la deuxième leçon, question dixième. Le péché que nous avons signalé à cet endroit, est un péché de l’esprit. Ce péché, qui est celui du Libéralisme, comporte à l’égard de Dieu une injustice et une suprême injure. En effet, dans la Déclaration des Droits de l’homme et dans les libertés qui en découlent, l’homme s’est substitué à Dieu.

Voici comment les, choses se sont passées. De par les principes et le droit modernes, seul l’homme doit et peut se trouver là où Dieu, précisément parce qu’il est Dieu, doit être. Créateur et Maître absolu, de par la nature même des choses, Il est le Dieu de la conscience individuelle, le Dieu ‘de la Société, des Nations et de l’Univers. On le supprime et, en sa place, l’esprit humain établit l’homme et la pensée de l’homme, en tant que substitué à Dieu, c’est-à-dire déifié, maître absolu et arbitre de ses destinées personnelles, familiales et sociales, nationales, internationales et mondiales.

L’homme est, et s’est déclaré le maître. Si, dans sa sagesse, il juge opportun de se soumettre à ce que dans sa pensée il estime « Dieu », « le Christ », « l’Église », il ne sera pas molesté parce qu’il est maître de sa conscience. II en doit être tout autrement de l’introduction de ce Dieu et de son Église dans la Société et les États.

L’homme étant officiellement substitué à Dieu, quiconque veut rendre à Dieu sa place devient ennemi de l’homme qui est maître de l’Univers et de l’Ordre Social.

Dieu est nécessairement usurpateur. L’Église est usurpatrice. Tout effort de la part de l’Église pour accomplir sa mission dans l’Ordre Social est inévitablement une mainmise cléricale sur la Société. La laïcisation générale et universelle est une nécessité. L’individu est laïcisé. On ne veut connaître en lui qu’une grandeur humaine, faite des principes naturels d’humanité, de justice, de bonté, etc. Toute institution sociale doit être laïcisée : les États, les Constitutions des Peuples et leur législation, les Gouvernements, les Parlements, les Sénats, tout organisme officiel, toute institution publique et même les institutions privées, dès qu’elles entrent en rapport avec un organisme officiel, doivent porter le caractère de l’homme seul.

L’empreinte surnaturelle est effacée de partout. L’Ordre surnaturel doit être non-existant. L’Église, si elle survit en raison de volontés individuelles, sera, tout au plus, une société privée sans aucun droit public. Elle ne peut jouir au point de vue social, que des droits et privilèges que l’homme estime pouvoir lui accorder. Un gouvernement composé d’individualités catholiques pourra lui être favorable, mais cette faveur relèvera nécessairement de l’homme, qui, de droit, la refusera ou l’octroiera à son gré.

C’est l’injustice suprême, puisqu’on prive l’Etre Suprême de son droit absolu ; c’est l’injure souveraine puisque, après l’avoir dépouillé injustement, on le déclare usurpateur.

Troisième question – Comment les libertés modernes aboutissent-elles à cette conclusion fatale ?

Réponse – Nous l’avons dit, pour l’homme moderne fa seule vérité existante c’est la pensée de l’homme. Par le fait, toute Société et tout Etat, qui sont bâtis sur les Principes de 89 se sont établis dans l’impossibilité de reconnaître ou de professer aucune vérité ; de reconnaître ou de professer aucun culte. C’est la conséquence logique des grandes libertés modernes. Je m’explique : prenons comme exemple la liberté d’enseignement. Tel maître enseigne les propositions que voici : « Dieu existe » – « Jésus-Christ est Dieu » – « L’Église catholique est une oeuvre divine.» En vertu de ses principes, l’État doit te laisser faire. Tel autre maître enseigne les doctrines contradictoires des premières : « Dieu n’est pas. » – « Jésus-Christ n’a pas existé, ou n’est qu’un halluciné. » – « L’Église est une vaste conspiration » En vertu des mêmes principes, l’État doit laisser faire. C’est dire que l’État n’adhère à aucun de ces enseignements et doit n’en reconnaître aucun comme vrai.Il doit les protéger tous deux au même titre constitutionnel et au même degré.

La seule vérité pour lui, c’est que chacun est libre d’enseigner. Au point de vue strictement logique, l’État moderne est donc nécessairement athée et libre-penseur, parce que les Constitutions des États sont libres-penseuses, athées ou plus exactement a vraies, « sans vérité », c’est-à-dire pratiquement : contre la vérité, contre Dieu.

En effet, quand l’État moderne se trouve en face d’une vérité réellement existante, telle la vérité première : Dieu, – Quelle doit donc être son attitude sous peine de renier ses principes? Il faut qu’il ne sache pas que dans la proposition « Dieu est » se trouve la vérité. Il faut qu’il n’adhère pas à cette proposition. S’il y adhérait, il exprimerait sa connaissance de la vérité et sa volonté de lui être attaché. Il ne peut faire ni l’un, ni l’autre. Son attitude doit être semblable devant chacun de ces deux enseignements « Dieu est », « Dieu n’est pas ». Socialement, l’État moderne doit ne pas savoir s’il y a vérité. Il doit s’opposer à ce qu’un enseignement pénètre chez lui au titre de vérité. Cette introduction de la vérité serait une supériorité de celle-ci sur.l’Etat et la Constitution des pays. Ce qui ne peut être.

Les États et les Constitutions des Peuples doivent s’opposer à l’action de la Vérité afin qu’ils restent ce qu’ils sont, c’est-à-dire, a-vrais, athées, opposés à tout principe qui ne les laisse pas maîtres et arbitres de leurs destinée, et pratiquement contre Dieu, contre le Christ et contre l’Église.

Au contraire, toute pensée, en tant que pensée de l’homme, est de droit enseignable. Elle obtient le suffrage de l’Etat. Le motif est péremptoire. L’État ne connaît que l’homme. La pensée humaine et toute idée sont un produit de l’esprit humain. En les enseignant, rien de supérieur à l’homme n’est introduit dans la Soçiété.

Les pensées : « Dieu est », « L’Église catholique est divine » peuvent être enseignées de droit, non parce qu’elles sont l’expression de la vérité objective, mais parce que des sujets de l’État estiment ces pensées bonnes et d’utilité privée ou publique. Les pensées : « Dieu n’est pas », « l’Église catholique est une fourberie » peuvent être enseignées au même titre.

Ainsi en doit-il être logiquement de l’enseignement du vol, du meurtre, de l’immoralité et de l’assassinat. Une législation en contradiction avec les principes de l’État, condamne et exécute le malheureux qui en vient aux voies de fait, mais n’interdit pas un enseignement qui conduit à ces voies. Bref, l’État enseigne, par ses sujets, la pensée de ses sujets. II en doit être ainsi, parce qu’il ne connaît que l’homme et ce qui est de l’homme (Voir : A Dieu et à son Christ la Société et les Nations).

Voilà comment les Principes et le Droit Modernes aboutissent fatalement à une injustice souveraine à l’égard de Dieu et à une injure suprême à son adresse.

Voici en quels termes s’exprime Léon XIII dans sa lettre à l’Archevêque de Bogota : « Lorsqu’il s’agit de la façon de se comporter vis-à-vis de la chose publique, les catholiques sont sollicités par des intérêts contraires et s’exaspèrent en de violentes discordes qui proviennent le plus souvent de divergences dans l’interprétation de la doctrine catholique au sujet du libéralisme. …Le Souverain Pontife enseigne que le principe et le fondement du libéralisme est le rejet de la loi divine. Ce que veulent en philosophie les partisans du naturalisme ou du rationalisme, les fauteurs du libéralisme le veulent dans l’ordre moral et civil, puisqu’ils introduisent dans les meurs et la pratique de la vie, les principes posés par le naturalisme. Or, le point de départ de tout rationalisme, c’est la souveraineté de la raison humaine qui, refusant l’obéissance due à la raison divine et éternelle et prétendant ne relever que d’elle-même, se considère elle-même et elle seule, comme étant le principe suprême, la source et le juge de la vérité. Telle est la prétention de ceux que nous avons appelés sectateurs du libéralisme ; selon eux, il n’y a aucune puissance divine à laquelle on soit tenu d’obéie dans la pratique de la vie, mais chacun est à soi-même sa propre loi; De là procède cette morale que l’on appelle indépendante et qui, sous l’apparence de la liberté, détournant la volonté de l’observation des divins préceptes, accorde à l’homme une licence illimitée. Tel est le premier et le plus pernicieux degré- du libéralisme ; tandis- que, d’une part, il rejette, bien plus, détruit complètement toute autorité et toute loi divine soit naturelle, soit surnaturelle ; d’autre part, il affirme que la constitution de la Société dépend de la volonté de chacun et que le pouvoir souverain découle de la multitude comme de sa source première. »

Quatrième question – N’y a-t-il pas dans ce procédé du libéralisme une injustice à l’égard de l’homme ?

Réponse – Pour être complet dans ma réponse, il me faudrait développer le dogme de la Rédemption, montrer à nouveau les droits de Jésus-Christ sur toute intelligence et sûr toute volonté et manifester comment, en usurpant les droits divins incontestables, le libéralisme commet un péché à l’égard de Jésus-Christ. Mais cette injustice existe et se manifeste d’une autre manière. Jésus-Christ ayant par sa Rédemption racheté l’homme et acquis des droits incontestables sur l’homme, ces droits dans le Christ deviennent les droits de l’homme. Je m’explique : une chose est nécessaire à mon salut et à ma sanctification ; par exemple, il est nécessaire à ma sanctification que Jésus-Christ soit théoriquement et pratiquement proclamé Roi de l’Univers et Roi des âmes. J’ai le droit, parce que Jésus-Christ me l’a acquis, que la Société soit placée sous sa direction. J’ai le droit en Jésus-Christ et par Jésus-Christ que la Société soit chrétienne et catholique, que les Etats soient catholiques. Comme l’a dit Louis Veuillot dans une phrase célèbre : « Les peuples ont droit à Jésus-Christ. » Ce droit est d’autant plus digne de respect qu’il n’appartient pas à l’homme, sinon dans la mesure où Jésus-Christ lui-même le lui a donné.

Cinquième question – Quelle attitude les principes libéraux créent-ils pratiquement dans les esprits ?

Réponse – La résultante directe du libéralisme est l’anarchie ou la tyrannie. Que l’anarchie résulte du libéralisme comme une conséquence dérive de son principe, c’est évident. Redisons-le pour la centième fois : d’après les Constitutions modernes, chacun a le droit de penser comme il veut, de vivre comme il pense. Or, si la pensée sert de ligne de conduite à chacun, sans le frein de la vérité objective, il est manifeste que nous allons au dévergondage le plus complet de l’esprit et de l’action. En outre, l’aboutissant fatal du libéralisme est la tyrannie. Nous l’avons fait ressortir plus d’une fois : pour mettre un frein à toutes les débauches de l’esprit, du coeur et de la passion, on a eu recours à la volonté générale et on s’est vu obligé de créer des lois. Seule la loi fait le droit, mais si la loi représente la volonté générale du peuple et si ce peuple est dirigé par une volonté mauvaise, athée, impie, immorale, que pourrons-nous attendre sinon la tyrannie. On gouverne au nom du Peuple ; et au nom de ce même Peuple on imposera. les injustices les plus criantes et souvent les plus fantasques. Telles sont les conséquences du libéralisme. L’anarchie et le soviétisme descendent de lui en ligne directe. Le libéralisme sape à sa base tout ordre dans n’importe quelle Société.

Sixième question – Les Principes Modernes exercent-ils une influence sur le salut des âmes ?

Réponse – II est une conséquence du libéralisme exprimée par Léon XIII en ces termes : « Il est incalculable le nombre d’âmes qui se perdent à cause des conditions faites aux Peuples par les principes du Droit Moderne ». Examinez, par exemple, le mal produit par la seule liberté de la presse. Combien d’âmes sont corrompues par la lecture des mauvais journaux, les productions immorales et impies qui foisonnent dans tous les pays. Combien d’âmes sont perdues à jamais à cause de la protection dont s’entourent, de droit, toutes les productions littéraires, scientifiques et autres. Combien d’âmes qui sont damnées en ce moment, ne le seraient pas si cette maudite liberté de la presse n’existait pas. II en est de même de la liberté d’enseignement. Qu’est-ce qui permet aux fauteurs de désordres d’enseigner leurs doctrines et de corrompre les esprits, sinon cette liberté absolue qui leur est bénévolement accordée.

Septième question – N’y a-t-il pas dans les théories que vous venez d’énoncer une nouvelle condamnation de la distinction entre la thèse et l’hypothèse ?

Réponse – Précisément. Pour se rendre compte du mal causé par le soi-disant libéralisme catholique, il faut se placer au point de vue que nous venons d’exposer. En tranquillisant et en endormant les consciences, il n’empêche pas le mal d’être, mais il empêche le bien de se produire.

Dixième leçon – Les châtiments infligés par Dieu aux pays et aux nations qui abandonnent le Seigneur

Première question – Dieu inflige-t-il des châtiments en ce monde aux Nations coupables ?

Réponse – Il est assez malaisé de répondre d’une façon claire et complète à cette question. Parmi les catholiques, teintés de libéralisme, on n’accepte pas la théorie du châtiment infligé aux pays coupables.

Deuxième question – Sur quelle base s’appuient les catholiques qui affirment que l’expiation s’accomplit par les Sociétés en ce monde ?

Réponse – La théorie sur laquelle on se base est la suivante : les individus qui ont commis des fautes peuvent les expier en ce monde. S’ils ne les expient pas ici-bas, ils les expieront dans l’éternité. Les individus seront donc châtiés, en proportion des péchés qu’ils auront commis, soit dans le Purgatoire, en y réparant, soit en enfer, en y subissant les tourments éternels. Les Sociétés, comme telles, n’entrent pas dans l’éternité. Si elles se sont rendues coupables, elles ne peuvent être châtiées qu’en ce monde. Or,leur péché est un péché contre la justice qui demande une réparation. Dès lors, les pays qui ont abandonné le Seigneur doivent expier et réparer ici-bas et il appartient à la Sagesse de Dieu d’infliger aux Peuples des châtiments conformes à ses desseins éternels.

Troisième question – Qu’entendez-vous par ces châtiments conformes aux desseins éternels ?

Réponse – Par là, j’entends que les pays et les peuples et toute Société doivent à Dieu, en stricte justice, s’ils sont coupables, une réparation et une expiation. La mesure de cette expiation, surtout quand celle-ci doit s’accomplir par la voie des châtiments divins, est laissée à la sagesse et aux décrets divins. Dieu n’est pas obligé d’infliger un châtiment social, parce que ce châtiment a été mérité. Très souvent, on peut dire même toujours, Dieu se conduit à l’égard des Peuples, selon les desseins de sa miséricorde et de son amour, guidés par son désir de sauver les âmes. Dans un châtiment social, préparé, voulu et accompli par Lui, nous trouvons toujours la volonté salvifique de Dieu. Par le châtiment social, Dieu veut atteindre les âmes et les ramener à Lui. C’est pourquoi il n’est pas aisé de sonder les desseins éternels dans le châtiment dont . Dieu frappe les pays. Ce que nous devons considérer, c’est que Dieu peut châtier, qu’Il châtie effectivement, et que pour éviter ses châtiments, il faut que l’Ordre Social tout entier se soumette à Lui.

Quatrième question – Vos remarques me semblent très justes. Ne pourriez-vous pas confirmer vos enseignements par des paroles et des doctrines formulées par les Autorités qui gouvernent l’Église ?

Réponse – Les Papes et les Évêques ont parlé très clairement et se sont prononcés sans hésitation. Dans sa première encyclique le Pape Pie XI écrit : « Bien avant que la guerre mit l’Europe en feu, la cause principale de si grands malheurs agissait déjà avec une force croissante par la faute des particuliers comme des nations, cause que l’horreur même de la guerre n’aurait pas manqué d’écarter et de supprimer, si tous avaient saisi la portée de ces formidables événements. C’est pour s’être misérablement séparés de Dieu et de Jésus-Christ que de leur bonheur d’autrefois les hommes sont tombés dans cet abîme de maux; c’est pour la même raison que sont frappés d’une stérilité à peu près complète, tous les programmes qu’ils échafaudent en vue de réparer les pertes et de sauver ce qui teste de tant de ruines. Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, les lois ont perdu la garantie de sanctions réelles et efficaces… »

Dans son allocution consistoriale du 24 décembre 1917 Benoît XV déclare solennellement : « Comme le dérèglement des sens précipita un jour des cités célèbres dans uni mer de feu, ainsi de nos jours l’impiété de la vie publique, !athéisme érigé en système de prétendue civilisation ont précipité le monde dans une mer de sang… »

Le même Pape dans la même allocution affirme que : « les calamités présentes ne prendront point fin tant que le genre humain ne sera pas retourné à Dieu. »

Léon XIII et Pie X, ne parlent pas autrement. Parmi les Évêques le Cardinal Mercier a fait entendre sa voix dans une lettre pastorale restée célèbre : la leçon des événements. Il y est dit : « Les crimes publics seront tôt ou tard punis… » et dans la même pastorale : « La violation du jour du Seigneur, les abus du mariage offensent Dieu assurément, mes Frères, et justifient son courroux. Mais il n’en faut point douter, le principal crime que le monde expie en ce moment, c’est l’apostasie officielle des Etats et de l’opinion publique. »

…Et encore : « Aujourd’hui les hommes investis de la mission de gouverner les peuples sont ou se montrent, à bien peu d’exceptions près, officiellement indifférents à Dieu et à son Christ. Je n’incrimine pas les personnalités respectables qui, pour ne pas provoquer un mal plus ,grave se soumettent loyalement à la situation amoindrie qui leur est faite ; c’est cette situation même que j’envisage et au nom de l’évangile, à la lumière des encycliques des quatre derniers Papes, Grégoire XVI, Pie IX, Léon Xlll, Pie X ; je n’hésite pas à déclarer que cette indifférence religieuse qui met sur le même pied la religion d’origine divine et les religions d’invention humaine, pour les envelopper toutes dans le même scepticisme, est le blasphème qui, plus encore que les fautes des individus et des familles, appelle sur la Société le châtiment de Dieu. »

Cinquième question – Quels sont les châtiments dont Dieu frappe les Nations coupables ?

Réponse – Toutes les calamités qui peuvent amener les Peuples à la réflexion servent à l’accomplissement des desseins de Dieu. La guerre, les maladies, les catastrophes de tout genre et par dessus tout les calamités d’ordre intellectuel et moral peuvent les atteindre et les amener à résipiscence.

Notre Seigneur Jésus-Christ nous parle de tous ces fléaux, II parle surtout du grand malheur de l’aveuglement. S’adressant aux juifs : « Ce peuple ne comprendra pas, dit-Il, parce qu’il ne peut comprendre, et il ne peut comprendre parce qu’il veut ne pas comprendre. »

C’est dans le sens d’un châtiment social, qu’il faut entendre ces paroles. Rien n’est affreux comme d’être soi-même la cause de son malheur par suite d’incompréhension.

Les juifs – et Jésus-Christ leur en fait le reproche – ne comprennent pas qu’Il est le Messie, Fils de Dieu. Or, il n’y a pour la Nation juive qu’un moyen de salut : la reconnaissance et la profession de la Messianité et de la Divinité de Jésus-Christ. Cependant, le peuple juif s’obstine dans une volonté arrêtée de ne pas comprendre qu’il en est ainsi et Dieu lui parle de la sorte : « O peuple qui êtes mon Peuple, il n’y a pour vous qu’un moyen de Salut : Jésus-Christ. Acceptez-le et vous êtes sauvé. » Et le Peuple répond : « Je ne veux pas comprendre qu’il puisse en être ainsi. » Et Dieu de répliquer : « Puisque vous voulez ne pas comprendre : j’accepte votre volonté, vous ne comprendrez pas. C’est là le châtiment que je vous inflige. » Ainsi en est-il de la Société Catholique de nos jours. Pour sauver l’Ordre Social et les Peuples, ceux-ci doivent commencer par comprendre que Jésus-Christ seul est leur Salut. Or, ils ne veulent pas comprendre qu’il en est ainsi. Dieu se conforme à leur volonté obstinée. Ils ne comprennent pas, ils ne voient pas et ils ne peuvent plus voir en Jésus-Christ, seul, leur Salut : c’est leur châtiment.

A ce point de vue général, s’en ajoutent bien d’autres, d’ordre plus spécial. On ne comprend pas qu’il faille supprimer dans l’Ordre Social les principes du Droit Moderne, tes grandes libertés modernes. On ne comprend pas qu’il faille refuser à chacun sa liberté d’opinion. On ne comprend pas qu’il faille, malgré tout, s’opposer à l’invasion des principes pervers et qu’il faille favoriser la seule vérité catholique. On ne comprend pas une foule de choses. Tout cela porte le caractère et la marque du châtiment qui frappe les Pays et les conduit à leur perte.

Léon XIII écrit en 1881 : « Par une conséquence fatale de la guerre faite à l’Église, la Société civile se trouve actuellement exposée aux dangers les plus sérieux, car les bases de l’Ordre public étant ébranlées, les peuples et leurs chefs ne voient plus devant eux que des menaces et des calamités. » Le même Pape écrit encore : « De tous tes attentats commis contre la religion catholique ont découlé et découleront sur les Nations des maux graves et nombreux. »

En voilà bien assez sur la grave question du châtiment social.

Sixième question – De cette façon vous acceptez que Dieu se sert des événements, des désorganisations et des désordres sociaux pour punir les pays ?

Réponse – Évidemment, Dieu a recours à tous ces moyens pour faire sertir à l’homme que Lui, l’Infini et le Créateur n’a besoin de personne et que par contre l’homme a besoin de Dieu.

Ainsi, les affaires d’ordre économique peuvent contribuer grandement à faire comprendre que si des désastres frappent un pays, c’est pour détacher ses habitants des biens de ce monde et leur apprendre que toutes les richesses dépendent de Dieu et ne doivent servir qu’à son amour. Les richesses doivent contribuer à maintenir Dieu et Jésus-Christ dans toute société et, par conséquent, doivent servir à établir et à développer la Royauté sociale de Jésus-Christ dans l’univers entier.

Onzième leçon – Remède aux maux actuels

Première question – Quels sont les remèdes aux grands maux qui désolent le monde entier et chaque pays en particulier ?

Réponse – A cette question Léon XIII répond d’une façon péremptoire. Voici en quels termes il s’explique : « Tel est le secret du problème : quand un être organique dépérit et se corrompt, c’est qu’il a cessé d’être sous Faction des causes qui lui avaient donné sa forme et sa constitution. Pour le refaire sain et florissant, pas de doute qu’il ne faille le soumettre de nouveau à l’action vivifiante .de ces mêmes causes. Or, la Société actuelle, dans la folle tentative qu’elle a faite pour échapper à son Dieu, a rejeté l’ordre surnaturel et la révélation divine ; elle est soustraite .ainsi à la salutaire efficacité du Christianisme, qui est manifestement la garantie la plus solide de l’ordre, le bien le plus fort de la fraternité et l’inépuisable source. des vertus privées et publiques… »

« De cet abandon est né le trouble qui la travaille actuellement. C’est donc dans le giron du Christianisme que cette société dévoyée doit rentrer, si son bien-être, son repos et son salut lui tiennent au coeur. »

Ailleurs, le même Pape dit encore : « Retourner aux principes chrétiens et y conformer en tout la vie, les moeurs et les institutions des Peuples, est une nécessité qui de jour en jour devient plus évidente. Du mépris où ces règles sont tombées, sont résultés de si grands maux, que seul l’homme déraisonnable ne saurait considérer, sans une douloureuse anxiété, les épreuves du présent, ni envisager sans crainte les perspectives de l’avenir. »

Deuxième question – Pour appliquer ces remèdes a-t-il des moyens efficaces ?

Réponse – Jésus-Christ en venant sur la terre et. Dieu .en lui confiant sa mission, ont eu en vue le salut des Peuples et cela dans tous les siècles. Le Divin Maître l’a dit : « Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. » Or, qu’était le monde à la naissance de Jésus-Christ ? Toutes les Nations et tous les Peuples, sauf le Peuple juif, étaient livrés à l’erreur, à l’impiété, à l’immoralité du paganisme. En un mot, le genre humain était livré au péché et par lui était perdu. L’homme qui devait à Dieu adoration, amour, réparation et reconnaissance, action de grâce et prière; ne pouvait plus s’attendre qu’à subir les coups de la justice divine. Que fait Jésus-Christ ? Il veut constituer l’homme capable de rendre dignement à Dieu ses devoirs. Cette capacité et cette puissance, seul parmi les créatures,. Jésus-Homme la possède en Lui. Il prend en Lui la totalité du péché du genre humain qu’il répare et Il donne à l’homme sa capacité d’adorer dignement, de réparer. dignement, de rendre grâce et de prier dignement. Dieu frappe jésus. La justice est satisfaite et le Monde est sauvé. Les Peuples se prosternent devant le Crucifix. Avec Constantin, la Croix monte sur les Trônes et Jésus-Christ, Roi des Peuples, préside aux destinées des Nations. Par son Immolation et son Sacrifice Jésus-Christ a sauvé le Monde. Qui pourra arracher l’Univers aux grands maux actuels ? Seul, Jésus-Christ, par l’application des mérites de sa Passion et de sa Mort, aux Nations comme aux individus.

Troisième question – Comment Dieu entend-Il rendre ce moyen efficace ?

Réponse – C’est ici qu’il faut entendre et mettre en pratique les paroles de l’apôtre saint Paul : « Adimpleo ea quae desunt Passionum Christi incarne mea, pro corpore suo quod est Ecclesia. » (« J’accomplis ce qui manque à la Passion de Jésus-Christ, dans ma chair, en faveur de son Corps mystique qui est l’Eglise. ») Les paroles du Grand Apôtre sont significatives.

Quatrième question – Oui, ces paroles sont significatives mais encore faudrait-il en pénétrer le sens. Pourrions-nous dire qu’il manque quelque chose à la Passion de Jésus-Christ ?

Réponse – Ce serait là une déplorable erreur. Jésus-Christ a satisfait pleinement pour tous les hommes passés, présents et futurs. Il ne s’est pas contenté de prendre sur Lui les péchés individuels des hommes, II ne s’est pas contenté de se charger du grand péché social qui consiste dans l’injustice et l’injure faites à Dieu, que nous avons exposées. Il a pris vraiment sur Lui le péché de l’humanité, la totalité de son péché. Selon la doctrine de l’Apôtre saint Paul, Dieu a constitué Jésus, péché. « Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit » Dieu l’a réellement constitué péché à la place de l’humanité coupable. Il l’a frappé parce qu’Il a vu en Lui le péché assumé par Lui. Par son Immolation et son Sacrifice Jésus-Christ a achevé l’oeuvre Rédemptrice, mais à son action Il veut unir l’action des âmes qui avec Lui veulent racheter le monde. C’est ainsi-que s’explique la parole du grand Apôtre.

Cinquième question – Vous semblez vouloir dire que certaines âmes s’unissent plus particulièrement à l’œuvre rédemptrice du Christ ?

Réponse – C’est l’Apôtre saint Paul qui dévoile ce mystère. Il nous dit qu’il accomplit pour l’Eglise une oeuvre qui est en rapport avec la Passion de Jésus-Christ. Or, la Passion de Jésus-Christ a converti l’Univers. Si Jésus-Christ me demande de faire siennes mes souffrances, ou qui plus est, s’Il m’inspire de prendre sur moi, en partie, le péché de l’humanité, qu’Il a pris totalement sur Lui, puis-je refuser d’accepter ce fardeau et de contribuer par là au salut des Nations.

Sixième question – Dans ces conditions, vous considereriez comme nécessaire à l’œuvre du Christ, l’intervention de sa créature, c’est-à-dire de l’âme fidèle ?

Réponse – N’exagérons pas les choses. Je constate qu’il y a une doctrine prêchée par l’Apôtre sous l’inspiration du Saint-Esprit. Cette doctrine me dit : « Par amour pour Dieu et pour les hommes, Jésus-Christ s’est constitué péché à la place de l’humanité. Dieu au lieu de frapper les hommes frappa Jésus-Christ. » L’Apôtre saint Paul intervient ; il déclare que Jésus-Christ demande d’avoir des associés dans son oeuvre Rédemptrice, c’est-à-dire des âmes qui, par amour pour Dieu, pour Jésus-Christ et pour les hommes, acceptent d’être péché avec Jésus-Christ, se soumettent comme Jésus-Christ et avec Jésus-Christ aux souffrances de sa Passion. La Passion de Jésus-Christ passe en quelque façon par eux, pour être appliquée au monde coupable.

Septième question – Cette immolation avec le Christ suppose une grande intensité de vie spirituelle ?

Réponse – Il est évident que pour réparer une faute commise par l’homme coupable, il faut se présenter devant Dieu comme une âme qui Lui est unie par la grâce et l’amour divin. Comme et avec Jésus-Christ souffrant et mourant, elle doit s’unir étroitement aux trois Personnes divines. C’est pourquoi, les âmes qui veulent pratiquer la corédemption doivent s’appliquer, dans une mesure, à la pratique de la vie spirituelle et surnaturelle. Elles doivent vivre d’union divine et d’immolation.

Huitième question – De sorte que vous exigez autre chose que l’action pour atteindre votre but ?

Réponse – Evidemment. L’action est de toute nécessité, mais l’œuvre de l’âme qui s’unit à Dieu et s’immole en Jésus-Christ est tout aussi nécessaire. Nous allons en parler.

Douzième leçon – De l’action

Première question – L’action est-elle nécessaire à la restauration de l’Ordre Social ?

Réponse – Incontestablement. Nous devons appliquer ici les paroles de Jésus-Christ à ses apôtres : « Allez par le monde entier ; enseignez tous les Peuples. » Jésus-Christ ne dit pas : Restez sur place, faites pénitence. II dit : « Allez ; enseignez. » Donc, agissez par la parole et par tous les moyens qui peuvent faire pénétrer dans les âmes la vérité.

Deuxième question – Y a-t-il d’autres moyens que la parole pour inculquer la vérité ?

Réponse – Évidemment. D’ailleurs, nous constatons que les ennemis du Christ recourent à d’autres procédés. Tout leur est bon, pourvu qu’ils aboutissent. Pour s’emparer de la classe ouvrière, ils ont recouru à des oeuvres adaptées : les coopératives, les syndicats, la création de conseils d’usines, les rayons et les cellules communistes, et autres oeuvres de tout genre, les journaux, les conférences, les cours, les affiches, les papillons, les tracts, etc., etc.

Troisième question – A qui appartient-il de mettre en pratique ces moyens d’action ? Ou, en d’autres termes, qui est chargé de recourir à ces moyens d’action ?

Réponse – Évidemment, d’abord et avant tout, les Autorités ecclésiastiques. Depuis Pie VI, les Papes se sont évertués à inculquer au Clergé et au peuple les seuls principes de Salut Social. Ils n’ont pas été entendus. Parmi les Évêques, ils sont plutôt rares ceux qui ont appliqué dans leur diocèse des principes qui, de par leur nature, s’adressent au monde entier. C’est ce qui explique, que, s’attachant à des besoins d’ordre local, ils n’ont pas contribué, dans la mesure où on aurait pu l’attendre d’eux, à développer et à appliquer les directives lancées dans le monde entier par les Souverains Pontifes. A plus forte raison, le simple Clergé n’a-t-il pas pu se livrer à une action vivante et efficace pour instaurer le Christ dans toute Société et dans tous les pays. Évidemment, au Pape, aux Évêques, au Clergé, revient la mission d’instruire et d’enseigner.

Quatrième question – Cette mission ne revient-elle pas aussi aux laïcs ?

Réponse – II est évident que les laïcs sont appelés, par un urgent besoin de charité, à éclairer leur prochain et à faire le bien, tant dans l’Ordre Social qu’individuel. Léon XIII l’a déclaré en ces termes : « La coopération privée a été jugée par les Pères du Concile du Vatican tellement opportune et féconde, qu’ils n’ont pas hésité à la réclamer. « Tous les fidèles, disent-ils, surtout ceux qui président et qui enseignent, nous les supplions, par les entrailles de Jésus-Christ, et nous leur ordonnons, en vertu de l’autorité de ce même Dieu Sauveur, d’unir leur zèle et leurs efforts pour éloigner ces horreurs et les éliminer de la Sainte Église » (Const. Dei Filius, sub. fine). Que chacun donc se souvienne qu’il peut et qu’il doit répandre la foi catholique par l’autorité de l’exemple, et la prêcher par la profession publique et constante des obligations qu’elle impose. Ainsi, dans les devoirs qui nous liant à Dieu et à l’Église, une grande place revient au zèle avec lequel chacun doit travailler, dans la mesure du possible, à propager la foi chrétienne et à repousser les erreurs. » (Sapientiae Christianae)

Pie XI aussi s’adresse au dévouement des laïcs. Dans l’Encyclique Ubi Arcano Dei, le Pape, après avoir fait appel à toutes les Oeuvres, écrit aux Évêques : « Rappelez, par ailleurs, à l’attention des fidèles, que c’est en travaillant, dans les oeuvres d’apostolat privé et public, sous votre direction et celle de votre clergé, à développer la connaissance de Jésus-Christ et à faire régner son amour, qu’ils mériteront le titre magnifique de race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté ; c’est en s’unissant très étroitement à nous et au Christ pour étendre et fortifier par leur zèle industrieux et actif le règne du Christ, qu’ils travailleront avec plus d’efficacité à rétablir la paix générale entre les hommes. »

Les Papes ne peuvent exposer plus clairement la doctrine, ni affirmer plus énergiquement leur volonté.

Pour une oeuvre, qui les touche d’aussi près que la restauration de l’Ordre Social dans le Christ, il est tout indiqué que les laïcs se constituent le bras droit des Évêques. Jadis, pour accomplir sa mission, l’Église avait le secours du bras séculier, c’est-à-dire de l’Autorité civile et de l’État. L’Autorité civile s’est retirée d’elle ; il faut, en attendant que les États soient rendus à Jésus-Christ, que les laïcs catholiques aident la Sainte Église, leur Mère, et spécialement contribuent à lui rendre à Elle, à Jésus-Christ et à Dieu, la place qui leur revient dans le monde.

Cinquième question – Quel doit être le but immédiat de l’action ?

Réponse – Le but immédiat de l’action doit être la réforme des esprits. D’après la mentalité actuelle, il n’y a, et il ne peut y avoir ni vérité, ni erreur. Dans des esprits infectés à ce point, il faudra nécessairement introduire les notions fondamentales de l’existence réelle de la Vérité, de ses droits ainsi que celles de l’injustice de l’erreur.

Sixième question – Dans ce cas, il faudrait engager une lutte à mort contre les théories modernes, sur la liberté et la législation, théories admises par certains théologiens eux-mêmes.

Réponse – Effectivement, nous l’avons déjà fait remarquer, certains catholiques, qui, par courtoisie, qui, par ignorance, marchent en plein à la lumière des principes modernes. Pour sauver la foi catholique, ils établissent que, pratiquement, chaque opinion a droit à l’existence. C’est leur façon de faire de l’apologétique ; ils semblent dire aux incroyants : « Nous respectons votre foi, respectez la nôtre. »

Ces catholiques oublient, outre les condamnations de raison exposées ci-dessus, les condamnations d’autorité portées par les Souverains Pontifes contre les principes modernes.

Dans sa lettre à l’Évêque de Troyes, Pie VII blâme formellement l’introduction des libertés modernes dans la Constitution française. C’est en ces termes pleins d’angoisse qu’il exprime sa douleur : « Un nouveau sujet de peine, dont notre coeur est encore plus vilement affligé et qui, nous l’avouons, nous cause un tourment, un accablement et une angoisse extrêmes, c’est le vingt-deuxième article de la Constitution. Non seulemént on y permet la liberté des cultes et de conscience, pour nous servir des termes mêmes de l’article, mais on promet appui et protection à cette liberté, et, en outre, aux ministres de ce qu’on appelle les cultes. Il n’est certes pas besoin de longs discours, nous adressant à un évêque tel que vous, pour vous faire reconnaître clairement de quelle mortelle blessure la religion catholique en France se trouve frappée par cet article. Par cela même qu’on établit la liberté de tous les cultes sans distinction, on confond la vérité avec l’erreur, et on met au rang des sectes hérétiques et même de la perfidie judaïque, l’Épouse sainte et immaculée du Christ, l’Église hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. En outre, en promettant faveur et appui aux sectes des hérétiques et à leurs ministres, on tolère et on favosire non seulement leurs personnes, mais encore leurs erreurs. C’est implicitement la désastreuse et à jamais déplorable hérésie que Saint Augustin mentionne en ces termes : « Elle affirme que tous les hérétiques sont dans la bonne voie et disent vrai. Absurdité si monstrueuse que je ne puis croire qu’une secte la professe réellement. » Notre étonnement n’a pas été moindre quand nous avons lu le 23° article de la Constitution qui maintient et permet la liberté de la presse, liberté qui menace la foi et les moeurs des plus grands périls et d’une ruine certaine. Si quelqu’un pouvait en douter, l’expérience des temps passés suffirait seule pour le lui apprendre. C’est un fait pleinement constaté : cette liberté de la presse a été l’instrument principal qui a, premièrement, dépravé les moeurs des peuples, puis corrompu et renversé leur foi, enfin soulevé les séditions, les troubles, les révoltes. Ces malheureux résultats seraient encore actuellement à craindre, vu la méchanceté si grande des hommes, si, ce qu’à Dieu ne plaise, on accordait à chacun la liberté d’imprimer tout ce qu’il lui plairait. »

De son côté Grégoire XVI écrit : « De cette source empoisonnée de l’indifférentisme, découle cette maxime fausse et absurde, ou plutôt ce délire : qu’on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie, cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l’Église et de l’État, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d’impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh ! « quelle mort plus funeste pour les âmes que la liberté de l’erreur ! » disait saint Augustin. En voyant liter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu’ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mai, c’est en vérité que nous disons qu’il est ouvert ce puits de l’abîme, d’où saint jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre.

De là, en effet, le peu de stabilité des esprits ; de là, la corruption toujours croissante des jeunes gens ; de là, dans le peuple, le mépris des droits sacrés, des choses et des lois les plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus funeste qui puisse ravager les Etats, car l’expérience nous l’atteste et l’antiquité la plus reculée nous l’apprend : pour amener la destruction des États les plus riches, les plus puissants, tes plus glorieux, les plus florissants, il n’a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations.

A cela se rattache la liberté de la presse, liberté la plus funeste, liberté exécrable, pour laquelle on n’aura jamais assez d’horreur et que certains hommes osent, avec tant de bruit et tant d’audace demander et étendre partout. Nous frémissons, Vénérables Frères, en considérant de quels monstres de doctrine, ou plutôt de quels prodiges d’erreurs, nous sommes accablés ; erreurs disséminées au loin et de tous côtés par une multitude immense de livres, de brochures et d’autres écrits, petits il est vrai en volume, mais énormes en perversité, d’où sort la malédiction qui couvre la face de la terre et fait couler nos larmes. Il est cependant, ô douleur ,des hommes emportés par un tel excès d’impudence, qu’ils ne craignent pas de soutenir opiniâtrement que le déluge d’erreurs, qui découlent de là, est assez abondamment compensé par la publication de quelques livres imprimés pour défendre, au milieu de cet amas d’iniquités, la vérité et la religion. Mais, c’est un crime assurément, et un crime réprouvé par toute espèce de droit, de commettre de dessein prémédité, un mal certain et très grand, dans l’espérance que, peut-être, il en résultera quelque bien ; et quel homme sensé osera jamais dire qu’il est permis de répandre des poisons, de les vendre publiquement, de les colporter, bien plus, de les prendre avec avidité, sous prétexte qu’il existe quelque remède qui a parfois arraché à la mort ceux qui s’en sont servis ? »

Les enseignements de Pie IX sont assez connus pour que nous n’y insistions pas. Qu’il nous suffise de rappeler les propositions condamnées par le Syllabus :

Prop. 77. – « A notre époque, il n’est plus utile que la religion catholique soit considérée comme runique religion de l’État, à l’exclusion de tous les autres cultes. » (Alloc. Nemo vestrum, du 26 juillet 1855.) ,

Prop. 78. – « Aussi c’est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s’y rendent, y jouissent de l’exercice public de leurs cultes particuliers. » (Alloc. Acerbissimum, du 27 septembre 1852.)

Prop. 79. – « Il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l’esprit et propagent la peste de l’Indifférentisme. » (Alloc. Nunquam fore, du 15 décembre 1856.)

Léon XIII n’est pas moins formel dans son enseignement : « La liberté, cet élément de perfection pour l’homme, doit s’appliquer à ce qui est vrai et à ce qui est bon. Or, l’essence du bien et de la vérité ne peut changer au gré de l’homme, mais elle demeure toujours la même, et non moins que la nature des choses elle est immuable. Si l’intelligence adhère à des opinions fausses si la volonté choisit le mal et s’y attache, ni l’une ni l’autre n’atteint sa perfection, toutes deux déchoient de leur dignité native et se corrompent. Il n’est donc pas permis de mettre au jour et d’exposer aux yeux des hommes ce qui est contraire à la vertu et à la vérité, et bien moins encore de placer cette licence sous la tutelle et la protection des lois. Il n’y a qu’une voie pour arriver au ciel, vers lequel nous tendons tous : c’est une bonne voie. L’Etat s’écarte donc des règles et des prescriptions de la nature, s’il favorise à ce point la licence des opinions et des actions coupables, que l’on puisse impunément détourner les esprits de la vérité et les âmes de la vertu. Quant à l’Eglise, que Dieu lui-même a établie, l’exclure de la vie publique, des lois, de l’éducation de la jeunesse, de la vérité domestique, c’est une grande et pernicieuse erreur.

Une société sans religion ne saurait être réglée ; et déjà, plus peut-être qu’il ne faudrait, l’on voit ce que vaut en soi et dans ses conséquences cette soi-dissant morale civile. »

Dans son Encyclique Libertas, Léon XIII condamne comme suit les mêmes libertés : « D’autres vont un peu moins loin, mais sans être plus conséquents avec eux-mêmes ; selon eux, les lois divines doivent régler la vie et la conduite des particuliers, mais non celle des Etats ; il est permis, dans les choses publiques, de s’écarter des ordres de Dieu et de légiférer sans en tenir aucun compte ; d’où naît cette conséquence pernicieuse de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Mais l’absurdité de ces opinions se comprend sans peine. II faut, la nature même le crie, il faut que la société donne aux citoyens les moyens et les facilités de passer leur vie selon l’honnêteté, c’est-à-dire selon les lois de Dieu, puisque Dieu est le principe de toute honnêteté et de toute justice ; il répugnerait donc absolument que l’Etat pût se désintéresser de ces mêmes lois ou même aller contre elles en quoi que ce soit.

De plus, ceux qui gouvernent les peuples doivent certainement à la chose publique de lui procurer, par la sagesse de leurs lois, non seulement les avantages et les biens du dehors, mais aussi et surtout les biens de l’âme. Or, pour accroître ces biens, on ne saurait rien imaginer de plus efficace que ces lois dont Dieu est l’auteur ; et c’est pour cela que ceux qui veulent, dans le gouvernement des Etats ne tenir aucun compte des lois divines, détournent vraiment la puissance politique de son institution et de l’ordre prescrit par la nature. Mais une remarque plus importante, et que nous avons nous-même rappelée plus d’une fois ailleurs, c’est que le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien que n’ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent pourtant, dans l’accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelquefois l’un et l’autre. Tous deux, en effet, exercent plus d’une fois leur autorité sur les mêmes objets, quoique à des points de vue différents. Le conflit, dans cette occurrence, serait absurde et répugnerait ouvertement à l’infinie sagesse des conseils divins il faut donc nécessairement qu’il y ait un moyen, un procédé, pour faire disparaître les causes de contestations et de luttes et établir l’accord dans la pratique. Et cet accord, ce n’est pas sans raison qu’on l’a comparé à l’union qui existe entre l’âme et le corps, et cela au plus grand avantage des deux conjoints, car la séparation est particulièrement funeste au corps, puisqu’elle le prive de la vie.

Mais pour mieux mettre en lumière ces vérités, il est bon que nous considérions séparément les diverses sortes de libertés que l’on donne comme des conquêtes de notre époque. Et d’abord, à propos des individus, examinons cette liberté si contraire à la vertu de religion, la liberté des cultes, comme on l’appelle, liberté qui repose sur ce principe qu’il est loisible à chacun de professer telle religion qui lui plait, ou même de n’en professer aucune. Mais, tout au contraire, c’est bien là, sans nul doute, parmi tous les devoirs de l’homme, le plus grand et le plus saint, celui qui ordonne à l’homme de rendre à Dieu un culte de piété et de religion. Et ce devoir n’est qu’une conséquence de ce fait, que nous sommes perpétuellement sous la dépendance de Dieu, gouvernés par la volonté et la Providence de Dieu, et que, sortis de Lui, nous devons retourner à Lui.

II faut ajouter qu’aucune vertu digne de ce nom ne peut exister sans la religion, car la vertu morale est celle dont les actes ont pour objet tout ce qui nous conduit à Dieu, considéré comme notre suprême et souverain bien ; et c’est pour cela que la religion, qui r accomplit les actes ayant. pour fin directe et immédiate l’honneur divin a (S. Th., 2′ 21°, qu. LXXXI, a. 6), est la reine à la fois et la règle de toutes les vertus. Et si l’on demande, parmi toutes ces religions opposées qui ont cours, laquelle il. faut suivre à l’exclusion des autres, la raison et la nature s’unissent pour nous répondre : celle que Dieu a prescrite et qu’il est aisé de distinguer, grâce à certains signes extérieurs par lesquels la divine Providence a voulu la rendre reconnaissable, car dans une chose de cette importance, l’erreur entrainerait des conséquences trop désastreuses. C’est pourquoi offrir à l’homme la liberté dont nous parlons, c’est lui donner le pouvoir de dénaturer impunément le plus saint des devoirs, de le déserter, abandonnant le bien immuable, pour se tourner vers le mal : ce qui, nous l’avons dit, n’est plus la liberté, mais une dépravation de la liberté, et une servitude de l’âme dans l’abjection du péché.

Envisagée au point de vue social, cette même liberté veut que l’État ne rende aucun culte à Dieu, ou n’autorise aucun culte social ; que nulle religion ne soit préférée à l’autre ; que toutes soient considérées comme ayant les mêmes droits, sans même avoir égard au peuple, lors même que ce peuple fait profession de catholicisme. Mais, pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que vraiment la communauté civile n’eût aucun devoir envers Dieu, ou, qu’en ayant, elle pût impunément s’en affranchir ; ce qui est également et manifestement faux. On ne saurait mettre en doute, en effet, que la réunion des hommes en société ne soit l’oeuvre de la volonté de Dieu, et cela, qu’on considère la société dans ses membres, dans sa forme qui est l’autorité, dans sa cause, ou dans le nombre et l’importance des avantages qu’elle procure à l’homme. C’est Dieu qui a fait l’homme pour la société et qui l’a uni à ses semblables, afin que les besoins de sa nature, auxquels ses efforts solitaires ‘ne pourraient donner satisfaction, puissent la trouver dans l’association. C’est pourquoi la société civile, en tant que société, doit nécessairement connaitre Dieu comme son principe et son auteur, et, par conséquent, rendre à sa puissance et à son autorité l’hommage de son culte. Non, de par la justice ; non, de par la raison, l’État ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l’athéisme, être animé à l’égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. »

Septième question – Dans ces conditions, que faites-vous du travail des élections ?

Réponse – Dans bien des cas, les élections servent au bien. Ainsi, pour donner à l’Église un Chef, on procède par voie d’élection. Dans une foule de circonstances on recourt au même procédé. Mais une difficulté s’offre ici. Elle résulte précisément du fait que les élections, qui doivent donner au pays, aux provinces, aux communes, des Législateurs et des Dirigeants, peuvent placer à leur tête des hommes iniques qui, par leur action deviendront des malfaiteurs publics et des corrupteurs des âmes. Nous avons établi assez clairement la nécessité de mettre à la tête et à la base de tout l’Ordre Social Dieu et Jésus-Christ. Or, la volonté d’un pays de se donner à Dieu, se manifeste par sa législation. Pour être conforme aux intentions divines, tout pays doit, par les élections, signifier sa volonté ferme de vivre pour le Christ et de Le servir.

Huitième question – Mais alors décidément, vous soumettez la politique à Dieu et à Jésus-Christ ?

Réponse – Nous l’avons démontré clairement : toute politique doit être soumise à Dieu et à Jésus-Christ, de qui elle dépend souverainement. Toute politique a le devoir de se placer au point de vue du but suprême de la vie et de tous les actes privés et publics : Dieu.

Neuvième question – Mais on vous accusera de faire de la politique du haut de la Chaire Chrétienne ?

Réponse – Les accusations portées contre la vérité et contre la mission que la vérité doit accomplir nous importent fort peu. Sans cloute, il faut certaines mesures de prudence ; mais il ne faut pas, comme nous l’avons déjà établi, que la prudence se transforme en approbation de l’erreur et en vraie trahison de la vérité. C’est précisément, parce qu’on a voulu ménager ceux qui refusent d’accepter la dépendance entière de la politique à l’égard de Dieu, que nous en sommes arrivés à la situation que nous déplorons aujourd’hui. Jamais on n’aurait dû s’abstenir de prêcher du haut des Chaires Chrétiennes et de dire partout que toute politique se doit d’abord à Dieu et à Jésus-Christ. Le silence des prédicateurs est toujours désiré par ceux qui y trouvent leur avantage. C’est le moyen d’inculquer aux dirigeants et même aux dirigés des principes qui égarent. Il est donc opportun que les propagandistes et les adhérents de la Ligue Apostolique se pénètrent de la nécessité de faire comprendre, au public, son erreurs en cette matière et la nécessité de faire pénétrer partout et en toute occasion les doctrines de vérité. Donc, au lieu de reculer, dans la crainte de froisser certaines convictions de commande, il faut trouver dans celles-ci un stimulant pour la lutte.

Treizième leçon – De l’organisation de la ligue apostolique

Première question – Existe-t-il un organisme dûment constitué, qui a, comme but, le retour à Dieu, de tout l’Ordre Social ?

Réponse – Effectivement. Le Souverain Pontife Benoît XV a béni, loin et hautement approuvé la Ligue Apostolique, pour le retour des Nations et des Peuples et de l’Ordre Social tout entier, à Dieu et à son Christ, par la Sainte Église. Le Pape lui-même a conféré à la Ligue le titre de « Ligue Apostolique » dont elle s’honore. Il est allé plus loin ; il a exprimé son désir que tous les catholiques dignes de ce nom adhérassent à la Ligue Apostolique.

Deuxième question – Quelles sont les conditions d’adhésion à la Ligue Apostolique ?

Réponse – Il y a deux conditions minima : la première, c’est l’adoption et la profession des vérités qui servent de base à l’oeuvre et qui doivent réformer l’état des esprits dans le monde. Ces vérités sont : que l’erreur et le mal, n’ont aucun droit, ni dans l’Ordre Social, ni dans l’Ordre individuel ; qu’à la Vérité et au Bien seuls, reviennent tous les droits ; que, par conséquent, il faut supprimer comme directives de la Constitution des Peuples et de la Législation, des droits, qui, en réalité ne sont pas et qui brillent à la tête des Nations comme étant les Droits de l’homme ; qu’il faut remplacer ceux-ci par les Droits de Dieu, de Jésus-Christ et de son Église ; que toute Société dépend de Dieu, d’une dépendance souveraine et absolue, et qu’elle doit lui être soumise.

La deuxième, c’est que les membres adhérents offrent, chaque jour, une partie de leurs prières et de leurs sacrifices en vue d’obtenir le Retour des Nations et de toute Société à Jésus-Christ ; ou récitent chaque jour un Pater, un Ave et un Gloria à cette intention.

Telles sont les conditions minima.

Troisième question – Y a-t-il d’autres conditions que celles-là ?

Réponse – Il y a des âmes qui sont sollicitées plus particulièrement par les attraits de la grâce et qui consacrent leur vie, d’une façon plus spéciale, au but de la Ligue Apostolique. Elles veulent vivre plus unies à la Très Sainte Trinité ; elles veulent, selon la parole de l’Apôtre saint Paul, « réaliser en elles ce qui manque à la Passion de Jésus-Christ ». Dans ce but, elles se groupent et vivent suivant des règlements particuliers. (Pour tous renseignements, s’adresser au Directeur de la Ligue Apostolique.)

Quatrième question – Le Souverain Pontife a-t-il accordé des faveurs spirituelles spéciales aux membres adhérents de la Ligue ?

Réponse – Le Pape a accordé de très nombreuses indulgences aux membres de la Ligue Apostolique. Ce sont les suivantes :

  1. Une indulgence de sept ans et de sept quarantaines chaque fois qu’ils font un acte prescrit par les Statuts, ou chaque fois qu’eux-mêmes, sous l’impulsion de la grâce, s’imposent une prière spéciale, ou un acte de mortification, ou un acte d’Apostolat pour obtenir le retour de la société à Jésus-Christ.

  2. Une indulgence plénière, aux conditions ordinaires : 1° le jour de leur inscription dans la Ligue ou l’un des huits jours suivants à leur choix ; 2° pareillement aux principales fêtes qui rappellent que Jésus-Christ est le Roi immortel des Peuples et des siècles : la Noël, l’Épiphanie, les Pâques, l’Ascension, la Pentecôte, la Fête-Dieu, la Fête du Sacré-cœur, la Fête de l’Immaculée-Conception et des Saints-Apôtres Pierre et Paul ; 3° pareillement un jour de chaque mois, à leur choix, que dans leur intention, ils consacreront tout entier et plus spécialement au bien de la Sainte Église, en appliquant à ce but toutes leurs prières et oeuvres.

  3. Pour les Prêtres, la faculté de donner la Bénédiction Apostolique deux fois par an, à l’occasion des réunions plus solennelles des membres de la Ligue.

Nous insistons spécialement sur la grande faveur de l’indulgence de sept ans et sept quarantaines que tout membre de la Ligue peut gagner « toties quoties ». Il est si aisé d’offrir à Dieu une peine, un travail, pour obtenir le retour de toutes les Nations à Dieu. Une élévation du coeur est si vite produite, à la même intention. Quelle somme d’indulgences n’acquièrent pas, en peu de temps, les amis des âmes du Purgatoire, qui prient aux intentions de la Ligue, et veulent faire bénéficier les âmes qu’ils chérissent, des indulgences que l’Église leur accorde.

Quatorzième leçon – Récapitulation – la fête du Christ-Roi

Première question – Voudriez-vous, pour plus de facilité, récapituler les principales vérités enseignées dans votre catéchisme ?

Réponse – Bien volontiers. Voici :

  1. Dieu est I’Etre Suprême, souverainement indépendant. Tout ce qui existe en dehors de Lui a été créé par Lui et dépend de Lui d’une dépendance souveraine et absolue. Seul, il a autorité et pouvoir complet sur toute chose. Non seulement tout dépend de Lui, mais tout doit retourner à Lui comme à sa fin dernière unique. En deux mots, toutes les Sociétés, les Nations et les États se doivent à Dieu comme à leur Créateur et à leur Fin Suprême.

  2. Jésus-Christ, l’Homme-Dieu ; a reçu de la part de Dieu dans son Humanité tout pouvoir au ciel et sur la terre. Il a autorité et puissance sur toute autorité. Il est revêtu d’un vrai pouvoir royal. L’Église et le Pape participent à ce pouvoir.

  3. II est évident que par ces théories toutes les constitutions des Peuples et leur Législation ont à leur base et à leur tête : Dieu, Jésus-Christ et la Mission de l’Église.

  4. Par la Déclaration des Droits de l’homme, on a supprimé des Constitutions, de la Législation : Dieu et tout ce qui est divin ; on l’a remplacé par l’homme déifié.

  5. La conséquence de cette substitution est l’abolition de tout Droit Divin et la profession des seuls droits humains. C’est le triomphe du laïcisme, de l’athéisme et de toutes les erreurs qui sont la résultante logique de la Déclaration des Droits de l’homme.

  6. Donc, en droit, l’homme est souverainement indépendant. IL doit jouir de toutes les libertés : Liberté de conscience, liberté d’enseignement, liberté de la presse, liberté d’association, liberté des cultes. Par une étrange contradiction il a le pouvoir de créer des lois et de les imposer par la force.

  7. Si nous ne voulons pas subir un jour les châtiments divins et passer par toutes les catastrophes, il faut nécessairement que nous en venions à abolir des Constitutions des Peuples, le Droit, dit moderne, et les grandes libertés que nous avons mentionnées. Dans ce but, il faut que nous fassions usage des libertés qui nous sont accordées, pour supprimer ces libertés mêmes dans le sens moderne du mot et pour accomplir tout le bien possible. II faut user de la liberté d’enseignement pour enseigner librement Jésus-Christ ; il faut se servir de la presse pour faire connaître la Vérité divine qui sauve ; il faut recourir à la liberté d’association pour se grouper dans le but de procurer le bien des âmes ; il faut professer ostensiblement le culte du vrai Dieu. II faut profiter de tous ces prétendus droits pour faire comprendre au public et aux âmes que seuls la vérité et le bien ont des droits ; que l’erreur et le malon’eu ont pas.

  8. C’est ainsi que tout rentrera dans l’ordre et la paix, parce que tout Sera soumis à Dieu et à son Christ par la Sainte Église. Les Nations seront unies par les liens de la justice et de la charité dans le Christ et sous la direction surnaturelle du Pape. Les peuples seront constitués en une vraie Ligue Apostolique des Nations ; le Monde sera sauvé.

Deuxième question -Quelles intentions ont guidé Pie XI dans l’institution de la Fête en l’honneur du Christ-Roi ?

Réponse – Le Souverain Pontife a voulu commémorer, en une fête spéciale en l’honneur de la Royauté de Jésus-Christ; le souvenir de tous les bienfaits apportés par l’Homme-Dieu au genre humain et spécialement du bienfait de l’Ordre Social, qui est la condition de la paix intérieure et extérieure des peuples.

Il suffit d’entendre la voix du Souverain Pontife exposant lui-même sa pensée. Tout commentaire ne pourrait que diminuer la force et la clarté de la parole pontificale. Voici les termes de Pie XI instituant la Fête que le Monde entier est invité à célébrer : « On ne saurait trop désirer que la société chrétienne bénéficie largement d’avantages si précieux et qu’elle les conserve à demeure ; il faut donc faire connaître le plus possible la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur. Or, aucun moyen ne semble mieux assurer ce résultat que l’institution d’une fête propre et spéciale en l’honneur du Christ-Roi. »

Car, pour pénétrer le peuple des vérités de la foi et l’élever ainsi aux joies de la vie intérieure, les solennités annuelles des fêtes liturgiques sont bien plus efficaces que tous les documents, même les plus graves, du magistère ecclésiastique. Ceux-ci n’atteignent, habituellement, que le petit nombre et les plus cultivés, celles-là touchent et instruisent l’universalité des fidèles ; les uns, si l’on peut dire, ne parlent qu’une fois ; les autres le font chaque année et à perpétuité ; et, si les derniers s’adressent surtout à l’intelligence, les premières étendent leur influence salutaire au coeur et à l’intelligence, donc à l’homme tout entier.

Composé d’un corps et d’une âme, l’homme a besoin des manifestations solennelles des jours de fête pour être saisi et impressionné ; la variété et la splendeur des cérémonies liturgiques l’imprègnent abondamment des enseignements divins ; il les transforme en sève et en sang, et les fait servir au progrès de sa vie spirituelle.

Du reste, l’histoire nous apprend que ces solennités liturgiques furent introduites, au cours des siècles, les unes après les autres, pour répondre à des nécessités ou des avantages spirituels du peuple chrétien que l’on constatait. II fallait, par exemple, raffermir les courages en face d’un commun péril, prémunir les esprits contre les piéges de l’hérésie, exciter et enflammer les cœurs à célébrer avec une piété plus ardente quelque mystère de notre foi ou quelque bienfait de la bonté divine.

C’est ainsi que, dès les premiers temps de l’ère chrétienne, alors qu’ils étaient en butte aux plus cruelles persécutions, les chrétiens inaugurèrent l’usage de commémorer les Martyrs par des rites sacrés afin, selon le témoignage de saint Augustin, que « les solennités des Martyrs » fussent « des exhortations au martyre ».

Les honneurs liturgiques qu’on décerna plus tard aux Confesseurs, .aux Vierges et aux. Veuves saints contribuèrent merveilleusement à stimuler chez les chrétiens le zèle pour la vertu, indispensable même en temps de paix.

Les fêtes instituées en l’honneur de la Bienheureuse Vierge eurent encore plus de fruit : non seulement le peuple chrétien entoura d’un culte plus assidu la Mère de Dieu, sa Protectrice la plus secourable, mais il conçut un amour plus filial pour la mère que le Rédempteur lui avait laissée par une sorte de testament.

Au nombre des bienfaits dont l’Église est redevable au culte public et légitime de la Mère de Dieu et des Saints du Ciel, le moindre n’est pas la victoire constante qu’elle a remportée en repoussant loin d’elle. la peste de l’hérésie et de l’erreur. Admirons, ici encore, les desseins de la Providence divine, qui, selon son habitude, tire le bien du mal. Elle a permis, de temps à autre, que la foi et la piété populaire fléchissent, que de fausses doctrines dressent des embûches de la vérité catholique ; mais toujours avec le dessein que, pour finir, la vérité resplendisse d’un nouvel éclat, que, tirés de leur torpeur, les fidèles s’efforcent d’atteindre à plus de perfection et de sainteté.

Les solennités récemment introduites dans le calendrier liturgique ont eu la même origine et ont porté les mêmes fruits. Telle la fête du Corpus Christi, établie quand se relâchèrent le respect et la dévotion envers la Très Saint Sacrement ; célébrée avec une pompe magnifique, se prolongeant pendant huit jours de prières -collectives, la nouvelle fête devait ramener les peuples à l’adoration publique du Seigneur. Telle encore la fête du Sacré Coeur de jésus, instituée à l’époque où, abattus et découragés par les tristes doctrines et le sombre rigorisme du jansénisme, les fidèles sentaient leurs coeurs complètement glacés et en bannissaient avec scrupule tout sentiment d’amour désintéressé de Dieu ou de confiance dans le Rédempteur.

C’est à Notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d’apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l’univers catholique le culte du Christ-Roi. La peste de notre époque, c’est le laïcisme, ainsi qu’on l’appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles.

Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n’est pas arrivé à sa maturité en un jour ; depuis longtemps, il couvait au sein des Etats. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations ; on refusa à l’Église le droit – conséquence du droit même du Christ – d’enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples, en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit ensuite à l’autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu’à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des États qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l’irréligion et l’oubli conscient et volontaire de Dieu.

Les fruits très amers qu’a portés, si souvent et d’une manière si persistante, cette apostasie des individus et des États désertant le Christ, Nous les avons déplorés dans l’encyclique Ubi arcano. Nous les déplorons de nouveau aujourd’hui. Fruits de cette apostasie, les germes de haine, semés de tous côtés ; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l’avènement d’une paix de réconciliation ; les ambitions effrénées, qui se couvrent bien souvent du masque de l’intérêt public et de l’amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences: les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré, sans autre visée et sans autre étalon que les avantages personnels et les profits privés. Fruits encore de cette apostasie, la paix domestique bouleversée par l’oubli des devoirs et l’insouciance de la conscience ; l’union et la stabilité des familles chancelantes ; toute la société, enfin, ébranlée et menacée de ruine.

La fête, désormais annuelle, du Christ-Roi Nous donne le plus vif espoir de hâter le retour si désirable de l’humanité à son très affectueux Sauveur. Ce serait assurément le devoir des catholiques de préparer et d’accélérer ce retour par une action diligente ; mais beaucoup d’entre eux, à ce qu’il semble, ne possèdent pas dans la société le rang où l’autorité qui siéraient aux apologistes de la vérité. Peut-être faut-il attribuer ce désavantage à l’indolence ou à la timidité des bons ; ils s’abstiennent de résister ou ne le font que mollement ; les adversaires de l’Église en retirent fatalement un surcroît de prétentions et d’audace. Mais du jour où l’ensemble des fidèles comprendront qu’il leur faut combattre, vaillamment et sans relâche, sous les étendards du Christ-Roi, le feu de l’apostolat enflammera les coeurs, tous travailleront à réconcilier avec leur Seigneur les âmes qui l’ignorent ou qui l’ont abandonné, tous s’efforceront de maintenir inviolés ses droits.

Mais il y a plus. Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l’honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu’à engendrée le laïcisme. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d’un lourd silence le nom très suave de notre Rédempteur ; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales.

En conséquence, en vertu de Notre autorité apostolique, Nous instituons la fête de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi. Nous ordonnons qu’elle soit célébrée dans le monde entier, chaque année, le dernier dimanche d’octobre, c’est-à-dire celui qui précède immédiatement la solennité de la Toussaint. Nous prescrivons également que chaque année, en ce même jour, on renouvelle la consécration du genre humain au Sacré Coeur de jésus, consécration dont Notre prédécesseur Pie X, de sainte mémoire, avait déjà ordonné 7e renouvellement annuel. Toutefois, pour cette année, Nous voulons que cette renovation soit faite le 31 de ce mois. En ce jour, Nous célébrerons la messe pontificale en l’honneur du Christ-Roi et nous ferons prononcer en Notre présence cette consécration. Nous ne croyons pas pouvoir mieux et plus heureusement terminer l’Année Sainte ni témoigner plus éloquemment au Christ, « Roi immortel des siècles », Notre reconnaissance – comme celle de tout l’univers catholique, dont Nous Nous faisons aussi l’interprète – pour les bienfaits accordés en cette période de grâce à Nous-même, à l’Église et à toute la catholicité.

Il est inutile, Vénérables Frères, de vous expliquer longuement les motifs, d’une fête distincte du Christ-Roi, alors que d’autres solennités font ressortir et glorifient, dans une certaine mesure, sa dignité royale. II suffit pourtant d’observer que, si toutes les fêtes de Notre-Seigneur ont le Christ, suivant l’expression consacrée par les théologiens, comme objet matériel, cependant leur objet formel n’est d’aucune façon la puissance et l’appellation loyales du Christ.

En fixant la fête un dimanche, Nous avons voulu que le clergé ne fût pas seul à rendre ses hommages au Divin Roi par la célébration du Saint Sacrifice et la psalmodie de l’Office, mais que le peuple, dégagé de ses occupations habituelles et animé d’une joie sainte, pût donner un témoignage éclatant de son obéissance au Christ comme à son Maître et à son Souverain. Enfin, plus que tout autre, le dernier dimanche d’octobre Nous a paru désigné. pour cette solennité : il clôt à peu près le cycle de l’année liturgique ; de la sorte, les mystères de la vie de Jésus-Christ commémorés au cours antérieur de l’année trouveront dans la solennité du Christ-Roi comme leur achèvement et leur couronnement, et, avant de célébrer la gloire de tous les Saints, la liturgie proclamera et exaltera la gloire de Celui qui triomphe en tous les Saints et tous les élus.

Il est de votre devoir, Vénérables Frères, comme de votre ressort, de faire précéder la fête annuelle par une série d’instructions données, en des jours déterminés, dans chaque paroisse. Le peuple sera instruit et exactement renseigné sur la nature, la signification et l’importance de cette fête ; les fidèles règleront dès lors et organiseront leur vie de manière à la rendre digne de sujets loyalement et amoureusement soumis à la souveraineté du Divin Rois »

Père A. Philippe CSSR