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  1. Nature de la liberté

a/ Notion vraie de la liberté

La liberté est «la faculté de choisir entre les moyens qui conduisent à un but déterminé ; en ce sens que celui qui a la faculté de choisir une chose entre plusieurs autres, celui-là est maître de ses actes » (Libertas Praestantissimum – SS Léon XIII – 28 juin 1888)

Cette faculté de choisir suppose nécessairement un jugement préalable, c’est-à-dire un acte de l’intelligence ou de la raison.

« Il est impossible à la volonté de se mouvoir, si la connaissance de l’esprit, comme un flambeau, ne l’éclaire d’abord (…) le choix est toujours précédé d’un jugement (…) »

C’est ainsi que les êtres doués de liberté sont les seuls êtres intelligents. Il s’ensuit que le choix des moyens doit toujours être réglé par la droite raison.

La liberté dont nous parlons ici est la liberté naturelle, source d’où découlent les autres véritables libertés.

Dieu, essentiellement et parfaitement libre, a créé à son image, les anges et les hommes. Seuls, dans la création, l’ange et l’homme ont reçu de l’Eternel cette grâce d’être, à son exemple, intelligents et libres.

La liberté est donc inhérente à la nature de l’homme. Elle est un don du créateur. Elle est "la volonté même en tant que, dans ses actes, elle a la faculté de choisir" (Libertas)

Les animaux sont mus par leur instinct. Aucun n’est doué d’intelligence. Les instincts merveilleux que nous admirons d’un grand nombre d’entre eux attestent seulement l’intelligence souveraine du créateur, qui les a si bien assortis aux besoins de l’homme, ou admirablement pourvus pour leur propre conservation.

b/ Dieu et la liberté de l’homme

L’homme, simple créature, dépend nécessairement de son créateur. Il dépend de Dieu de par sa nature même qui est créée.

Il ne peut pas cesser d’être dépendant pas plus qu’il ne peut cesser d’être créature.

L’homme ou l’ange rebelle a beau lui refuser le libre hommage de sa dépendance, celle-ci demeure toujours. Qu’il le veuille ou non, il porte en lui le souverain domaine de Dieu plus profondément que le sang de ses veines et la moelle de ses os.

S’il se révolte, il demeure le justiciable de Dieu et ne lui échappera pas.

Semblable à Dieu, parce qu’il est à son image et à sa ressemblance, c’est-à-dire doué d’intelligence et de liberté, sans parler ici des dons de la justice originelle, l’homme ne peut donc sans blasphémer, dire à Dieu

"Je suis ton égal parce que je suis libre comme toi. Tu n’as pas de maître, je n’en ai pas non plus. Tu fais toute chose selon ta propre sagesse et ta volonté; ainsi moi, je ne marcherai qu’à la lumière de ma raison et selon mon bon plaisir. Nul ne dirige tes conseils; je penserai librement, moi aussi, je serai libre penseur. En un mot, je croirai ce que je voudrai, je ferai ce qu’il me plaira. Je ne servirai pas."

L’homme ne peut ni le dire ni le penser sans blasphémer. C’est la parole de Satan. Dieu est le créateur et le souverain maître. L’homme est la créature et le sujet. Toutes les nations sont devant Dieu comme si elles n’étaient pas. L’homme n’a pas cessé d’être, en lui-même, poussière et cendre devant l’Eternel.

La révolution n’a rien changé à cet ordre naturel.

Fille de l’orgueil, elle a enflé l’homme, elle ne l’a point grandi. Elle n’a pas diminué Dieu.

Par son âme intelligente et libre, don du créateur, l’homme est semblable à Dieu, il est vrai; il n’est point son égal.

Il ne l’est sous aucun rapport.

Dieu est parfait, l’homme est imparfait et fragile.

La liberté de Dieu est parfaite comme son intelligence et ne peut faillir.

La liberté de l’homme est imparfaite comme sa raison.

Sujette à l’erreur, la raison entraîne la volonté dans ses défaillances.

Souvent, en effet, la raison propose à la volonté, non pas un bien réel, mais une apparence de bien, un mirage

"Pareillement, la volonté, par le seul fait, qu’elle dépende de la raison, dés qu’elle désire un objet qui s’écarte de la droite raison, tombe dans un vice radical qui n’est que la corruption et l’abus de la liberté" (Libertas)

IL importe donc de bien mettre en lumière cette double vérité

– l’homme est libre mais sa liberté est imparfaite. Elle est sujette à défaillir.

– Elle le constitue maître de ses actes, mais le maintient toujours dans le domaine de Dieu.

Saint Augustin résume bien cette doctrine

"Dieu a donné à l’homme la liberté en le menaçant de mort s’il péchait; lui donnant le libre arbitre, de manière toutefois à le garder sous son empire, à l’effrayer par sa menace"

c/ La liberté devant la loi

Dieu reste le maître.

C’est l’ordre naturel.

Les droits de Dieu sont nécessaires et imprescriptibles.

Usant de ses droits, Dieu donne à l’homme sa loi.

Sa loi est l’expression de sa volonté.

L’homme connait la volonté de Dieu par la loi de Dieu. Il est donc tenu de s’y soumettre : toute désobéissance à la loi divine est une violation de l’ordre naturel qui existe entre la créature et le créateur; c’est une véritable injustice.

La loi divine – et il faut en dire autant, proportion gardée, de toute loi humaine qui est juste –

– non seulement n’est pas contraire à la vraie liberté de l’homme

– mais lui vient puissamment en aide, puisqu’elle doit être réglée par la droite raison qui ordonne d’obéir à Dieu.

La loi divine est une admirable lumière qui éclaire l’homme sur ses devoirs, l’aide à les accomplir, et lui sert très efficacement à atteindre sa fin.

Elle l’empêche de s’égarer dans les ténèbres de l’erreur, de se perdre éternellement.

Elle le préserve de l’esclavage de ses passions et de la corruption du mal.

Ainsi, quand l’homme soumet sa liberté à la loi de Dieu, expression de la volonté divine

– d’une part, il rend à Dieu un hommage qui lui est dû en stricte justice,

– d’autre part, il suit la seule voie où il puisse faire son salut.

Il n’abdique pas sa dignité, il l’assure.

Il ne perd pas sa liberté, il la sauve.

Au lieu d’en abuser et de la profaner, il la consacre.

Le psaume 118 est d’ailleurs un magnifique commentaire de cette vérité.

C’est à la lumière de ces vrais principes que nous connaîtrons la valeur des libertés modernes.

Nous commençons par la liberté de conscience.

Auparavant, méditons ces paroles du Pape Léon XIII dans Libertas.

"Nous avons parlé ailleurs, et notamment dans l’encyclique "Immortale Dei" de ce que l’on nomme les libertés modernes; et distinguant en elles le bien de ce qui lui est contraire, Nous avons en même temps établi que tout ce que ces libertés contiennent de bon, tout cela est aussi ancien que la vérité :

"Tout cela, l’Eglise l’a toujours approuvé avec empressement et l’a admis dans la pratique. Ce qui s’y est ajouté de nouveau, apparaît, à qui cherche le vrai, comme un élément corrompu, produit par le trouble des temps et par l’amour désordonné du changement. Mais puisque beaucoup s’obstinent à voir dans ces libertés, même en ce qu’elles ont de vicieux, la plus belle gloire de notre époque et le fondement nécessaire des constitutions politiques, comme si, sans elles, on ne saurait imaginer de parfait gouvernement, il Nous a paru nécessaire pour l’intérêt public, en face duquel Nous Nous mettons, de traiter à part cette question."

 

  1. La liberté de conscience

a/ Qu’est ce que la liberté de conscience ?

Les ennemis de l’Eglise ont grandement abusé de ce terme. Beaucoup de catholiques l’emploient sans discernement et augmentent la confusion des idées.

C’est là cependant, pour les âmes, une question de vie ou de mort. Il n’est pas permis à un catholique de pactiser avec l’erreur. C’est une grave imprudence et une complaisance coupable, de laisser entendre aux ennemis de l’Eglise que nous sommes d’accord avec eux.

Le mot "liberté de conscience" s’entend et se lit partout. Nous avons dit que la liberté est la faculté de choisir entre les moyens qui conduisent à un but.

Rappelons que la conscience est l’intelligence même de l’homme en tant qu’il a connaissance de lui-même et se rend compte de ses actes et de leur moralité.

Le terme liberté de conscience a 2 sens

– l’un catholique,

– l’autre révolutionnaire.

  • Sens catholique

On peut entendre la liberté de conscience en ce sens que l’homme, dans sa conduite privée et publique, a le droit, comme le dit Léon XIII, dans « Libertas »

"de suivre, d’après la conscience de son devoir, la volonté de Dieu, et d’accomplir ses préceptes, sans que rien puisse l’en empêcher. Cette liberté, la vraie liberté, la liberté digne des enfants de Dieu, qui protège si glorieusement la dignité de la personne humaine, est au-dessus de toute violence et de toute oppression, et elle a toujours été l’objet des vœux de l’Eglise et de sa particulière affection. C’est cette liberté que les apôtres ont revendiqué avec tant de constance, que les apologistes ont défendu dans leurs écrits, qu’une foule innombrable de martyrs ont consacrée de leur sang. Et ils ont eu raison; car la grande et très juste puissance de Dieu sur les hommes, et d’autre part le grand et le suprême devoir des hommes envers Dieu trouvent l’un et l’autre dans cette liberté chrétienne un éclatant témoignage. Elle n’a rien de commun avec des dispositions factieuses et révoltées, et d’aucune façon, il ne faudrait se la figurer comme réfractaire à l’obéissance due à la puissance publique; car ordonner et exiger l’obéissance aux commandements n’est un droit de la puissance humaine qu’autant qu’elle n’est pas en désaccord avec la puissance divine et qu’elle se renferme dans les limites que Dieu lui a marquées."

On le voit, cette liberté de conscience est l’opposé de celle que prônent les libéraux.

Au lieu d’être une enflure de la raison humaine qui s’admire, s’adore elle-même et se révolte contre Dieu, la liberté de conscience, au sens catholique, est la liberté de soumettre sa conscience, c’est à dire sa raison et sa volonté, à la pensée et à la volonté de Dieu; c’est la liberté de servir Dieu, armée d’une sainte audace qui ne se laissera pas intimider ou détourner de son devoir par aucune puissance créée.

Elle est "au-dessus de toute violence et de toute oppression".

Elle tient en bride les passions.

Elle méprise les flatteries.

Elle brave le respect humain et ne rend jamais aux caprices de César, ni aux préjugés de la foule un hommage qui n’est dû qu’à Dieu seul.

Elle refuse d’édifier sur le sable mouvant des opinions humaines, et demeure fixée sur le roc inébranlable, immuable de l’éternelle vérité.

 

  • Au sens révolutionnaire et libéral

La liberté de conscience, c’est le prétendu droit de penser, de croire, ce que l’on veut même en religion et en morale; de répandre à son gré, ses opinions dans la foule, par la parole ou par la presse, ou par tout autre moyen.

Au nom de la liberté de conscience, l’homme est maître de choisir sa religion, ou de n’en avoir aucune.

S’il veut bien en choisir une, il en prend ce qui lui convient et laisse le reste.

Il prend par exemple dans la religion catholique les vérités que sa raison trouve acceptables, mais il rejette les autres, principalement les mystères.

L’homme a donc, de par la liberté de conscience, des droits naturels vis à vis de Dieu, ou mieux, contre Dieu.

Telle est la théorie du libéralisme. Il la formule parfois autrement, peu importe, c’est le sens le plus ordinaire du terme "liberté de conscience".

b/ Que penser de la liberté de conscience au sens libéral ?

La liberté de conscience est – une absurdité

– une impiété

– un délire

– une peste

  • une absurdité

Car cette doctrine repose tout entière sur une erreur capitale. Cette erreur, c’est l’indépendance de la raison même.

Dans son encyclique "Libertas" après avoir exposé la nature de la liberté humaine, Léon XIII continue en ces termes:

"Si on entend la liberté, légitime et honnête, telle que la raison nous décrit, nul n’oserait plus poursuivre l’Eglise de ce reproche qu’on lui jette avec une souveraine injustice, à savoir qu’elle est l’ennemi de la liberté des individus ou de la liberté des Etats. Mais, il en est un grand nombre qui, à l’exemple de Lucifer, de qui est ce mot criminel: "Je ne servirai pas", entendent par le nom liberté tout ce qui n’est qu’une pure et absurde licence. Tels sont ceux qui appartiennent à cette école si répandue et si puissante et qui, empruntant leur nom au mot de liberté, veulent être appelés libéraux ».

Et en effet, ce que sont les partisans

– du naturalisme

– et du rationalisme

en philosophie, les fauteurs du libéralisme le sont dans l’ordre moral et civil, puisqu’ils introduisent dans les mœurs et la pratique de la vie les principes posés par les partisans du naturalisme.

Or, le principe de tout rationalisme, c’est la domination souveraine de la raison humaine, qui refusant l’obéissance due à la raison divine et éternelle, et prétendant ne relever que d’elle-même, ne reconnaît qu’elle seule pour

– principe suprême, )

– source )

– et juge ) de la vérité.

Telle est la prétention des sectateurs du Libéralisme dont Nous avons parlé ; selon eux, il n’y a dans la pratique de la vie aucune puissance divine à laquelle on soit tenu d’obéir, mais chacun est à soi-même sa propre loi. De là, procède cette morale appelée « indépendante » et qui, « sous l’apparence de la liberté », détournant la volonté de l’observation des divins préceptes, conduit l’homme à une licence illimitée.

Sans doute, au sens physique, l’homme a le pouvoir de refuser à Dieu son hommage. Dieu, maître suprême, ne meut point la volonté humaine comme un artisan meut son outil.

Mais moralement, l’homme n’est pas libre de résister à Dieu, ni par conséquent, d’embrasser ou non le catholicisme.

Sa conscience est liée par la loi de Dieu; il est obligé d’obéir à ses ordres.

L’homme n’a pas, contre Dieu, de liberté morale parce qu’il n’est pas indépendant.

La liberté de conscience, qui repose sur cette erreur de l’indépendance humaine, comme sur sa base, est une absurdité.

  • La liberté de conscience est une impiété

Le libre penseur se pose devant Dieu en juge suprême de ce qu’il doit croire ou ne pas croire.

Il choisit dans la religion, ce qui lui plaît.

Par la même, il fait injure à Dieu et se montre impie, parce qu’il suppose, en rejetant certains dogmes

– ou que Dieu s’est trompé en les révélant

– ou qu’il nous a trompés

– ou que sa parole n’est pas digne d’être crue.

Il faut ici observer qu’on se rend également coupable en rejetant toutes les vérités révélées de Dieu ou bien en refusant seulement d’en croire une partie.

Dans les 2 cas, c’est une injure faite à Dieu.

Sa révélation, c’est sa parole.

Il parle pour être cru

pour l’être sur parole.

C’est son droit.

La pensée divine et la parole qui la traduit dominent de haut les opinions de la foule et les sottes prétentions de la libre pensée.

Dieu, quand il parle pour révéler une vérité, un mystère, fait acte d’autorité, aussi bien que quand il intime un ordre.

L’homme doit croire comme il doit obéir, et la foi même est un acte de soumission.

 

Toute défiance de l’orgueil humain vis à vis de la parole du souverain maître est – une insulte

– un crime de lèse majesté.

 

  • La liberté de conscience est un délire et une peste

Il suffit d’écouter Grégoire XVI dans "mirari vos".

Après avoir flétri énergiquement l’indifférentisme.

"Cette opinion funeste, répandue par la fourberie des méchants, qu’on peut, par une profession de foi quelconque, obtenir le salut de l’âme, pourvu qu’on ait des mœurs conformes à la justice et à la probité", le pape continue

"De cette source empoisonnée de l’indifférentisme, découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu’on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l’Église et de l’État, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d’impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh ! "quelle mort plus funeste pour les âmes, que la liberté de l’erreur ! " disait saint Augustin. En voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu’ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mal, c’est en vérité que Nous disons qu’il est ouvert ce " puits de l’abîme ", d’où saint Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre. De là, en effet, le peu de stabilité des esprits ; de là, la corruption toujours croissante des jeunes gens ; de là, dans le peuple, le mépris des droits sacrés, des choses et des lois les plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus funeste qui puisse ravager les États ; car l’expérience nous l’atteste et l’antiquité la plus reculée nous l’apprend : pour amener la destruction des États les plus riches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus florissants, il n’a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations."

Dans "quanta cura", Pie IX parle en ces termes de "la liberté de conscience".

"En conséquence de cette idée absolument fausse du gouvernement des sociétés, ils (les tenants du naturalisme) n’hésitent pas à favoriser cette opinion erronée, funeste, on ne peut plus fatale à l’Église catholique et au salut des âmes, et que Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, Grégoire XVI, appelait un délire savoir que : " La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme ; qu’il doit être proclamé et assuré dans tout Etat bien constitué ; et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu’elles soient, par la parole, par l’impression ou autrement, sans que l’autorité ecclésiastique ou civile puisse la limiter ". Or, en soutenant ces affirmations téméraires, ils ne pensent pas, ils ne considèrent pas qu’ils prêchent une liberté de perdition, et que " s’il est toujours permis aux opinions d’entrer en conflit, il ne manquera jamais d’hommes qui oseront résister à la vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine, vanité extrêmement nuisible que la foi et la sagesse chrétienne doivent soigneusement éviter, conformément à l’enseignement de Jésus-Christ lui-même "

Ce passage que je viens de citer renferme donc une condamnation solennelle, prononcée par Pie IX contre la liberté de conscience, celle des cultes et celle de la presse. C’est un coup décisif porté aux libertés modernes prônées comme des conquêtes de la révolution.

Pie IX, usant de la plénitude de son autorité ajoute en effet:

"Nous réprouvons, par Notre autorité apostolique, Nous proscrivons, Nous condamnons, Nous voulons et ordonnons que tous les enfants de l’Eglise catholique tiennent pour réprouvées, proscrites et condamnées, toutes et chacune des mauvaises opinions et doctrines signalées en détail dans les présentes lettres."

Quelles sont ces propositions (XV, XVI, XVII et XVIII) condamnées au Syllabus ?

XV – Il est libre à chaque homme d’embrasser et de professer la religion qu’il aura réputée vraie d’après la lumière de la raison.

XVI – Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir le salut éternel dans le culte de n’importe quelle religion.

XVII – Au moins doit-on bien espérer du salut éternel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Eglise du Christ.

XVIII – Le protestantisme n’est pas autre chose qu’une forme diverse de la même vraie religion catholique, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aussi bien que dans l’Eglise Catholique.

Dans l’encyclique "Libertas", Léon XIII fait tout au long le procès de la liberté de conscience.

Tout catholique doit donc condamner sans réserve, comme l’Eglise le condamne, la liberté de conscience au sens vulgaire, c’est-à-dire au sens révolutionnaire.

On dit couramment, dans le peuple, que chacun doit suivre ses idées, même en matière de religion; que toutes les religions sont bonnes.

Voilà des formules qui couvrent des erreurs très graves.

Non, l’homme n’a pas le droit de choisir entre la vérité et l’erreur, pas plus qu’entre le bien et le mal.

Il n’a pas davantage le droit de s’y montrer indifférent.

Nous sommes trop souvent témoins de complaisances qui sont de véritables lâchetés. L’ignorance ne les excuse pas toujours.

En 1899, à la chambre des députés, un orateur tenait le langage suivant (CF. Journal officiel)

"A nous catholiques et à nos frères les religieux, on fait des reproches immérités quand on nous présente comme les ennemis du droit le plus sacré de l’humanité, le droit à la liberté de conscience."

Pour être compris, à la chambre des députés, l’orateur ne pouvait parler que de la liberté de conscience au sens libéral. C’est bien celle-là que l’Eglise a condamnée, et tous les catholiques doivent la condamner avec elle, n’en déplaise à l’orateur.

La "semaine religieuse de Cambrai" avait répondu en ces termes

"L’humanité a le droit et le devoir de se soumettre à la loi de Dieu et d’accepter la vérité que Dieu daigne lui révéler. C’est là son droit et son devoir le plus sacré. Réclamer la liberté de conscience, en présence de l’autorité divine qui impose une croyance et une loi, c’est ce qu’ont fait Lucifer et ses anges; c’est ce que l’humanité n’a point plus qu’eux le droit de faire"

Donc, non, la liberté de conscience n’est pas un droit de l’humanité. Le droit sacré est d’abord le droit de Dieu; son droit d’être écouté, d’être cru sur parole, d’être obéi sans réplique.

Le droit sacré de l’humanité est celui qu’elle a reçu de Dieu et que Dieu même a sanctionné.

C’est le droit de connaître la vérité, de n’être pas trompé, égaré par les hérétiques et les faux-prophètes de la libre pensée. C’est le droit d’être mis à l’abri de l’empoisonnement moral qui est la suite naturelle des libertés modernes.

Répétons avec le pape

"Tout ce que ces libertés contiennent de bon, tout cela est aussi ancien que la vérité. Ce qui s’y est ajouté de nouveau apparaît à qui cherche le vrai comme un élément corrompu, produit par le trouble des temps et par l’amour désordonné du changement"

Comment résumer ce que nous venons de dire sur le sujet ?

Résumons sous forme de réponse à une objection courante.

Objection – L’homme a reçu de Dieu la liberté

– Donc il est libre – de penser à son gré

– de vouloir

– d’agir

1 – L’homme a reçu de Dieu la liberté physique.

Dieu ne violente pas sa volonté dans le choix qu’elle fait des moyens pour arriver au but.

2 – L’homme a reçu de Dieu la liberté morale de choisir entre plusieurs choses permises.

3 – L’homme n’a pas la liberté morale de désobéir à Dieu, à sa volonté, à sa loi naturelle ou révélée,

ni même de désobéir à une loi humaine quand elle est juste.

Le propre de la loi est en effet de lier sa volonté à celle de Dieu,

d’obliger la conscience de la créature raisonnable.

Dieu reste le maître. Il entend bien n’abdiquer jamais.

"Je ne donnerai pas ma gloire à un autre" (Isaïe, XLVII,8)

 

L’intérêt de l’homme, bien compris, à la lumière de l’éternité, lui enjoint aussi de se soumettre.

 

Abbé Xavier Beauvais,

conseiller doctrinal de Civitas