Lettre ouverte d’un commissaire de police

Mais que sont les commissaires de police devenus ?

La gestion des mouvements d’opposition au mariage homosexuel a fait voler en éclat le cadre habituel du maintien de l’ordre.

 Il fut un temps où l’on enseignait à l’école des commissaires de police le rôle particulier du commissaire lors des opérations de maintien de l’ordre. Nos professeurs insistaient sur la particularité de notre statut, autorité civile présente sur les lieux des manifestations à qui revenait à ce titre la décision d’employer la force ou les armes. Un maintien de l’ordre était réussi lorsque l’équilibre était trouvé entre la manifestation des opinions et le trouble à l’ordre public supportable. Et le commissaire tenait là une place éminente.

Mais aujourd’hui il y a substitution d’un maintien de l’ordre visant à l’équilibre par un maintien de l’ordre absolu et judiciaire avec contrôles d’identité massifs, interpellations, gardes à vue, poursuites…en employant des dispositions pénales quasi tombées en désuétude. Combien de manifestations étaient encore déclarées par les organisateurs hormis à Paris ? Combien de gardes à vue pour absence de déclaration de manifestation ou pour participation à un attroupement en dehors des violences urbaines ?

Il est évident alors que le commissaire de police dans une telle conception n’est plus une autorité civile veillant tout à la fois à préserver l’ordre public et les libertés individuelles. Il demeure dans cette nouvelle doctrine tout juste un commandant de la force publique chargé de mettre en œuvre une répression. Ce renversement ne peut s’expliquer que par l’existence de consignes ministérielles sauf à supposer que les commissaires de police, d’un même cœur et d’un même pas aient choisi de réprimer les opposants au mariage homosexuel en utilisant de surcroit les mêmes armes judiciaires.

Et c’est ainsi que le commissaire de police, autorité civile, a disparu. La répression idéologique de la manif pour tous est donc parvenue à accomplir ce que les préfets, les sous préfets, les commandants d’unités mobiles, les magistrats n’avaient pas obtenu : faire des commissaires de police de simples maillons d’une chaine hiérarchique dépourvus de leur pouvoir d’appréciation. Cela au mépris de notre histoire, du code pénal et sans doute aussi de la démocratie.

Et si l’anecdote est vraie, alors le baiser de la mort nous aura été donné par le préfet Carenco qui au sein même de l’école de commissaire de police à Saint Cyr au Mont d’Or se permit de menacer un prêtre, notre invité, tout cela pour délit d’opinion avec jugement d’expulsion immédiat.

Le symbole est fort et il exprime bien ce que nous sommes devenus : des pions !

La suite de l’histoire est écrite puisque l’on ne veut plus de commissaire de police, rien ne s’oppose à ce qu’il rejoigne le corps des officiers de police, avant que d’envisager de tout mélanger dans un brouet nouveau mêlant policier et gendarmes.

Nous pourrons alors demander au curé de Saint Cyr au Mont d’Or, une messe de requiem pour feu le commissaire de police. Messieurs Valls et Carenco pourront sonner le glas.

 Philippe Pommier

commissaire divisionnaire (en disponibilité pour convenances personnelles)

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