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Heureuse d’avoir l’opportunité, grâce à Civitas, de publier mes réflexions sur le pays réel développé par M. Alain Escada, je voudrais tout d’abord différencier deux aspects, le repeuplement des campagnes et le ré-enracinement dans les campagnes. Le premier consiste à faire revenir les personnes de la ville à la campagne après une activité professionnelle ou des études. C’est pour ainsi dire la première démarche. Le second aspect cependant vise à enraciner profondément ceux qui ont déjà fuit la ville, ceux qui ont l’intention de la quitter et surtout nos enfants.

Or pour ce faire nous ne sommes pas aidés. On les incite à faire des études universitaires, à quitter le foyer familial, on nous encourage à les envoyer à Paris car c’est là où on trouverait des établissements favorables à tel ou tel type d’études. Il faut un métier qui procure un certain confort financier ou un certain prestige. Soit, il faut de tout pour créer un monde. Un paysan autrichien, Sepp Holzer, connu sous le nom « Agrarrebell », « rebelle du monde agricole » déplore qu’à notre époque le plus faible des enfants hérite de la ferme car les soit disant intelligents quittent la ferme familiale pour un métier plus rémunérateur, plus valorisant aux yeux de beaucoup de personnes. Il ajoute que c’est un drame pour le monde rural car pour conduire une ferme (j’évite le terme « exploitation agricole ») on doit être fort et avoir une tête. Ne serait-ce pas plus juste que le plus fort s’occupe des plus faibles en famille ?

Et quel monde nous attendra demain ? M. Escada est mieux placé que moi pour vous en parler. Quelle vie voulons-nous pour nos enfants ? La vie empreinte de simplicité telle que l’on peut la connaître à la campagne nous appelle. Ne sera-t-elle pas plus enviable ? Ne nous apportera-t-elle pas les vraies joies ? Vivre du vrai fruit de son travail au quotidien, cela vaudra tout l’or du monde.

Il existe une vision de cette vie à la campagne dont nous parle M. San Giorgio, celle d’un semi-nomadisme qu’il est possible d’entretenir avec les moyens de communication actuels. Le père de famille travaille en ville ou depuis sa maison sur ordinateur tout en habitant à la campagne. Pour ce qui est du ré-enracinement tel que je le comprends, cette solution ne devrait être que transitoire. Je suis consciente que beaucoup de familles devront compter au départ sur un salaire sûr. Il y a pour beaucoup d’entre elles les frais de scolarité à payer. Je suis convaincue que nous pourrons trouver des solutions à ce niveau. Car il ne suffira pas de s’installer à la campagne pour permettre à nos enfants d’être à l’abri des horreurs de la ville, bruits, affiches etc. Pardonnez-moi cette franchise. Prendre racine c’est avoir les pieds sur la terre et la tête au ciel (dimension verticale) Avoir un pied dans l’un et un pied dans l’autre monde (dimension horizontale) va désorienter nos enfants. Car, qu’on le veuille ou non, ils sont très attirés par la vie moderne, pas forcément par la grande ville. Il y a les moyens de communications attirants, la technologie impressionnante, fascinant beaucoup les garçons, les endroits chics, la mode, les sorties, les déplacements nombreux pour aller à telle ou telle rencontre, toujours en déplacement. Je ne veux pas dire que ce soit souvent de mauvaises fréquentations mais on cherche à fuir, à se changer les idées comme on dit. Finalement on s’éloigne du Bon Dieu, nous et nos enfants tomberons dans le piège tendu par la vie moderne et par ceux qui nous gouvernent. Ce piège s’appelle la dépendance, le laisser aller, le consentement silencieux à leur idéologie la plus abominable qui soit. A la campagne il faut savoir y rester pour l’aimer, pour l’apprécier. Déjà, il y a de l’occupation et c’est tellement plus sain et bénéfique pour le corps et l’esprit : on vit au rythme de la nature, les animaux nous montrent comment vivre dans le temps présent. Il y a la beauté du paysage, le calme. Il faut faire aimer profondément la vie à la campagne à nos enfants. Il faut les prendre par la main, les éveiller aux merveilles se présentant à leurs yeux et les former au travail bien fait. Je pars du principe que nous devrons être un exemple vivant. On voudrait demander conseil au paysan d’autrefois et se réapproprier sa fierté. L’homme, fier de ses enfants qui grandissent sainement, fier de ses terres bien entretenues, de son grenier et de sa cave remplis après une saison de labeur, fiers de ses animaux vigoureux à la robe et au poil luisants. Le vrai paysan façonne le paysage, enrichit la terre au lieu de l’appauvrir, produit tout ce qu’il faut pour vivre. Il faudra lustrer cette image ternie par une fausse compréhension de ce métier. Ce paysan est humble cependant parce qu’il sait combien il dépend de son Créateur. Il prie pour protéger ses enfants et ses biens. Nous devrons nous fortifier par ce travail pour devenir des vrais résistants, pour résister ensemble à la société de consommation. Ainsi nous créerons un rempart spirituel et matériel contre toutes sortes d’ennemis.

Cette vie à la campagne et le travail de la terre décrite comporte des concessions. Mais je pense qu’il faudra apprendre à se contenter de moins, de peu (voire la conférence de M. Escada sur le Portugal et le gouvernement du président Salazar). En revanche, avec de la volonté, de bonnes idées, beaucoup d’idéalisme et surtout la grâce de Dieu nous pourrons rendre la campagne belle et la vie y sera moins dure. Trop d’agricultures sont seuls dans leurs champs, avec des immenses tracteurs, causant érosion et appauvrissement du sol. C’est inacceptable. Il existe des alternatives. Il ne faudra pas laisser les familles seules lorsqu’il y a beaucoup de travail durant la belle saison. Voici quelques réflexions glanées ici et là pour y parvenir :

Pour base, on prend une grande ferme d’une centaine d’hectares par exemple. Nous la divisons en de plus petites unités de fermes (les micro-fermes) entrant en interaction permanentes et regroupant sur le même territoire plusieurs métiers agricoles et non agricoles avec leurs familles. Cette idée fut évoquée par la ferme du Bec Hellouin en Normandie qui d’ailleurs invite à réfléchir à des projets. Mécaniser le moins possible cet ensemble de ferme sera un objectif. On y imagine des fermes de maraichage biologique diversifié, une ferme d’élevage, une ferme équestre, un paysan meunier/boulanger produisant les céréales, une ferme pédagogique, une ferme auberge, une ferme pratiquant l’agro-foresterie, une autre la pisciculture, l’apiculture etc. Ces fermes seront conduites selon les principes de l’agriculture biologique diversifiée paysanne. Pensons également au bois de chauffage, au bois d’œuvre. Il pourra y avoir des ateliers pour la fabrication des outils. Il faudra des artisans pour bâtir, rénover, embellir. Un point de vente pour commercialiser les produits pourraient y voir le jour. On y imagine un atelier de couture. Bien entendu, l’entre-aide et le troc seront omniprésents. Une école et une chapelle complèteront parfaitement cet ensemble. Pour y vivre joyeux, des fêtes seront régulièrement organisées où les saints seront mises à l’honneur. Les occasions ne manqueront pas.

Un rêve, non. Réinvestissons alors la campagne. Il faudrait se la réapproprier.

Permettez-moi une petite réflexion à la fin pour ouvrir une page du livre sur la vie de Saint Martin de Jean-Louis Picoche. De retour dans sa ville natale, Martin est attaqué par un groupe de païens, rué de coups et laissé seul sur place, étourdi. Il se dit : « Je pourrais rester, mais les évêques m’ont toujours dit que c’était un grave péché d’orgueil que de rechercher le martyr. » Est-ce que cette pensée des débuts de la chrétienté serait de toute actualité ? La campagne ne serait-elle pas notre refuge ?

Sonja Noviant, mère de famille installée en polyculture-élevage

 

 

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