Madame le maire,

Nous avons pris connaissance de votre réponse (*) relative à la photographie qui s’intitule « Piss Christ » et nous ne vous cachons pas que sa lecture a provoqué en nous une vive inquiétude.

Les nombreux chrétiens qui ont été scandalisés par ce cliché qui a été exposé dans votre ville ne vous demandent pas d’organiser des feux de joie mais de vous indigner devant ce qui blesse profondément un grand nombre de Français. Ils s’étonnent surtout que vous utilisiez les fonds publics pour financer une exposition si partisane. Il existe des lois dans notre pays. Ni l’art ni la ville d’Avignon ne peuvent s’en affranchir.

Il est également contradictoire de défendre d’un côté l’aspect provocateur d’une œuvre et de l’autre d’affirmer que son interprétation conforterait ceux qui se réclament du Christ. La vérité est que le crucifix a été placé dans un matériau dégradant. Observeriez-vous le même silence si les portraits de votre père ou de votre mère avaient été plongés dans de l’excrément ou de la bile pour être exposés dans les rues d’Avignon ?

Dans ce contexte, votre réponse laisse entrevoir l’aveu de faiblesse des autorités de notre pays face à la puissance de certains lobbys qui ont la capacité d’agir en toute impunité pour bafouer le respect dû à certaines catégories de la population. À la question de savoir si la liberté artistique doit avoir des limites, n’importe quel étudiant de terminale en philosophie vous répondrait avec bon sens, que certaines dérives, dans la mesure où elles s’en prennent gravement aux valeurs de notre société, ne peuvent être cautionnées. Contrairement à ce que vous avancez, c’est plutôt l’aveu d’incapacité à réagir devant des lobbys toujours plus puissants qui ont, dans l’histoire, conduit les politiques, depuis Ponce-Pilate jusqu’à Édouard Daladier, à un silence coupable pour se laver les mains et laisser libre court aux pires injustices.

C’est le lâche silence des autorités qui plonge peu à peu dans le bain du totalitarisme.

Le comité de direction de l’Institut Civitas

(*) Le communiqué (lamentable) de Mme le Maire d’AVIGNON: "C’est le pouvoir de l’art de susciter ainsi des débats"

A propos de la photo d’Andres Serrano présentée dans l’exposition de la Collection Lambert, « Je crois aux miracles », et devant l’émoi qu’elle suscite auprès de certains visiteurs, je tiens d’abord à préciser que la municipalité avignonnaise, comme l’ensemble des collectivités publiques, n’a pas vocation à s’immiscer dans les choix artistiques effectués par les responsables d’un lieu, qui n’est pas un musée municipal, et dont la collection appartient à un mécène privé, l’un des plus reconnus de France. Par ailleurs les expositions ainsi organisées, sont présentées au sein d’un lieu fermé qui ne peut être assimilé à un espace public.

Si je comprends l’émotion provoquée chez certains par la vision de cette photographie, laquelle témoigne bien du conflit qui peut parfois exister entre, les intérêts des artistes en matière de liberté d’expression et, la réaction que ce type d’œuvre peut susciter, j’attire l’ attention sur l’interprétation qui peut en être faite et la liberté de jugement de chacun. Là où certains voient un blasphème et une atteinte à la religion, d’autres voient au contraire une dénonciation de ce que la société contemporaine fait subir à celle-ci, c’est en l’occurrence la position de l’artiste.

C’est le pouvoir de l’art de susciter ainsi des débats contradictoires qui tendent un miroir à notre société. Il en va autrement de « l’art du pouvoir », autrement dit de « l’art officiel » dont on sait à quelles dérives il peut conduire, dès lors que le politique décide de ce qui doit être montré au public, de ce qui est bien et de ce qui est mal.. Ainsi la Collection Lambert assume ses choix artistiques, comme le font d’autres grandes structures culturelles en France ou à Avignon, sans que les élus ne puissent l’entraver. Il ne peut, dans un Etat libre, en être autrement.

Les brasiers des autodafés nous le rappellent à chaque détour d’une histoire contemporaine qui porte encore les stigmates de ses totalitarismes.

Marie-Josée Roig
Député-maire d’Avignon