dor.jpgNous recevons cette semaine le docteur Dor, responsable de l’association SOS Tout-Petits dont nous pensons le plus grand bien. Nous recommandons par ailleurs la visite régulière de ce site. Cet entretien porte essentiellement sur les activités du docteur Dor.

Nous le remercions d’avoir répondu à nos questions.

CIVITAS : Bonjour. Pourriez-vous prendre la peine de vous présenter pour celles et ceux ne vous connaissant pas encore ?

Je suis médecin retraité, ancien maître de conférences à l’université – praticien hospitalier – J’ai d’abord été pédiatre et, pendant 6 ans, responsable d’un service hospitalier à Abidjan (R.C.I.) Puis, rentré en France, je me suis consacré à la recherche en laboratoire (embryologie cardiaque) à la Pitié-Salpêtrière pendant près de 25 ans.

Je suis marié, père de 4 enfants.

J’ai fondé  avec quelques amis en octobre 1986 « SOS Tout-petits », association catholique, ouverte à toute bonne volonté, pour la défense des plus faibles. Nous pensons qu’il n’y a pas de liberté sans vérité, sans justice ni miséricorde.

CIVITAS : Après toutes ces années de combat militant, quels enseignements tirez-vous ? Malgré les efforts de tous ceux qui se battent contre la culture de mort, celle-ci se montre omniprésente dans notre société. Pouvons-nous alors parler d’échec au sujet de ce combat ?

Omniprésente mais suicidaire, négation de la vie, la culture de mort est un colosse aux pieds d’argile. Il n’y a pas en elle de vérité mais seulement ruine et désolation. Elle s’effondrera d’elle-même comme le mur de Berlin, tôt ou tard.

Le silence est à son égard la pire des choses. Se taire devant un crime c’est être complice de ce crime. Non seulement il y a mort mais aussi obscurcissement des consciences. Il y a un devoir de parler et de persévérer.

Nos activités n’ont pas été sans effet. Nous sommes rentrés plus de 100 fois dans les centres d’avortement. Nous nous sommes fait connaître même à l’étranger. S’il y a eu une loi Neiertz qui instituait, pour nous poursuivre alors que nous ne commettions aucune agression corporelle ni dommages matériels, un délit d’entrave à IVG, c’est que nous avons troublé, ainsi que la Trêve de Dieu, le monde politique.

Une clinique, 32 rue Ordener dans le XVIIIe, qui faisait un grand nombre d’avortements, a du fermer ses portes en 1998.

Nos manifestations ont été interdites 22 fois ; n’est-ce pas la preuve que nous dérangions ?

L’opposition gauchiste, parfois très forte comme à Grenoble, nous stimule.

Je ne parle ici que des résultats visibles.

CIVITAS : Pourriez-vous rappeler les principaux arguments pour la défense de la vie ? Que dire à une femme qui a subit un viol et qui ne désire pas garder l’enfant ?
En premier : la loi divine, le 5ème Commandement du Décalogue. Ensuite, la loi naturelle, celle de la raison droite et non celle de la raison seule qui fait de la liberté un absolu.

A propos du viol, question toujours posée, la réponse est que l’on ne peut pas commettre un crime pour en effacer un autre. Si la femme ne veut pas garder son enfant, elle peut le faire adopter.

CIVITAS : Pensez-vous réellement que les prières publiques présentent un intérêt ? Cela procure-t-il à la cause que vous défendez un réel avantage ? Au contraire, ne trouvez-vous pas que ce genre d’action peut gravement agacer les gens ? Notre Seigneur ne recommande-t-il pas pourtant de prier loin du monde ?

Le combat est eschatologique. Avant même que d’être philosophique, moral, culturel, social, politique, scientifique, économique – il est tout cela – mais il est d’abord spirituel, religieux. Comment dans ces conditions, s passer de la prière ? L’homme est fait pour l’éternité.

Pour ce qui est du caractère public de nos prières, la religion n’est pas seulement une affaire privée : c’est ce que voudrait le laïcisme. Notre Seigneur est mort sur une place publique, son enseignement était le plus souvent public. Ne pas prier en public c’est faire le jeu du laïcisme.

On nous a reproché  d’être la cause de blasphèmes, mais, rappelons-nous que le Christ sur La Croix était, lui aussi, cause de blasphèmes. L’important est de dire la vérité.

CIVITAS : Comment expliquez-vous qu’aux Etats-Unis d’Amérique des campagnes pro-vie ou pro-mort soient plus engagées, voire même beaucoup plus violentes, qu’en France ? D’une manière plus générale les Français dans une large mesure dorment, ne manifestent que très peu d’hostilité contre des lois iniques. Pourquoi ?

Je pense que, pour la plus grande part, le combat pro-vie américain est du à  la vigilance et à la fermeté de l’épiscopat qui n’hésite pas à s’engager, même physiquement. Je pense qu’il y a une communion véritable entre les fidèles et leurs pasteurs.

Pour ce qui est de la France, je pense que cette léthargie est due aux ravages du laïcisme qui a frappé à la fois les bergers et le troupeau.


CIVITAS : Pouvez-vous attendre quelque chose de la part des évêques français dans le combat que nous menons ? Contre la culture de mort ? Avez-vous par le passé sollicité leurs concours ? Si oui, quelles furent leurs réactions ?


Hélas ! A part quelques exceptions nous n’avons pas eu leur soutien. Aucune mention de notre existence, de nos activités dans les journaux catholiques (« Présent » et quelques autres exceptés) Lettres aux évêques restées sans réponse, incompréhension et parfois même hostilité.

L’un de ceux qui avait bien voulu me recevoir m’avait dit, catégoriquement : « Vous condamnez les femmes ». Je lui ai répondu que nous n’y avions même pas pensé. Mais je crois qu’il ne m’a pas cru.

Le plus grave c’est le silence des paroisses et peut-être le plus accusateur.

Mais il y aurait actuellement comme un frémissement : Monseigneur Barbarin s’est joint à une Marche pour la Vie organisée à Lyon en mai 2009 par le colonel Richard.

Et pourtant …  le Pape nous avait vivement encouragés à continuer notre « bonne bataille » à Castel Gandolfo en juillet 1998.


CIVITAS : Christine Boutin se prétend catholique. Les médias officiels et aux ordres la considèrent comme telle. Est-elle une alliée dans le combat pro-vie ? D’ailleurs, quelles personnalités politiques peuvent-elles être des alliés ?

Il y a certainement une grande bonne volonté chez Mme Boutin mais sa position est ambigüe car sa présence a pu cautionner une politique qu’elle désapprouve nécessairement.

CIVITAS : Quel sera votre mot de la fin ?

Le mot de la fin : je vous prends au mot : la rue. C’est là qu’est notre place.

Propos recueillis en février 2010 par Franck ABED pour l’INSTITUT CIVITAS