Dossier réalisé à destination du site internet Civitas en juin 2003.

 

Le 28 janvier 1986, Mgr Marcel Lefebvre, dans une conférence spirituelle donnée au séminaire d’Ecône, a déclaré que la réunion d’Assise était diabolique, que le pape pour faire cela a été inspiré par le diable et la franc-maçonnerie. Or cette réunion est bien le fruit de la liberté religieuse du Concile Vatican II. Donc si l’effet est diabolique, la cause doit l’être aussi. Il convient donc de voir en quoi la déclaration Dignitatis humanae du 7 décembre 1965 pèche, pour cela il s’agit d’abord de montrer la logique du texte conciliaire, puis de la passer au « scanner » de la doctrine catholique.

Le texte commence par montrer que la liberté, et en premier lieu la liberté religieuse, a son fondement dans la dignité humaine : « le concile du Vatican déclare que le droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la parole de Dieu, et la raison elle-même » 1. Cette dignité humaine est finalement « la possibilité d’agir en vertu de ses propres options et en toute libre responsabilité » 2, et en premier lieu en « ce qui concerne le libre exercice de la religion dans la société » 3.

Puis tout s’enchaîne de façon logique, d’abord la liberté religieuse doit être un droit civil : « le droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil » 4. Pourquoi ? Parce que « chacun a le devoir, et par conséquent le droit, de chercher la vérité en matière religieuse » 5. Donc d’après le concile pas de recherche de la vérité possible sans la liberté religieuse. Pour cette quête de la vérité l’homme doit agir selon sa conscience, ce n’est qu’ainsi qu’il arrivera à la foi. Notons au passage que le texte gomme toute différence entre erreur et vérité, chacun devant exposer « aux autres la vérité qu’il a trouvée ou pense avoir trouvée » 6.

Enfin comme la vérité religieuse et le culte sont des choses qui « transcendent l’ordre terrestre et temporel des choses » 7, « le pouvoir civil, dont la fin propre est de pourvoir au bien commun temporel, doit donc, certes, reconnaître et favoriser la vie religieuse des citoyens, mais il faut dire qu’il dépasse ses limites s’il s’arroge le droit de diriger ou d’empêcher les actes religieux » 8. D’où la conséquence logique : « le bien commun de la société – ensemble des conditions de la vie sociale permettant à l’homme de parvenir plus pleinement et le plus aisément à sa propre perfection – consistant au premier chef dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine, le soin de veiller au droit à la liberté religieuse incombe tout aux citoyens qu’aux groupes sociaux, aux pouvoirs civils, à l’Eglise et aux autres communautés religieuses, de la manière propre à chacun, en fonction de ses devoirs envers le bien commun » 9, donc : « c’est pour tout pouvoir civil un devoir essentiel que de protéger et promouvoir les droits inviolables de l’homme. Le pouvoir civil doit donc, par de justes lois et autres moyens appropriés, assumer efficacement la protection de la liberté religieuse de tous les citoyens… » 10.

Pour le concile la dignité humaine réside, nous l’avons vu, dans la liberté et principalement dans la liberté religieuse (cf. 1, 2 et 3). C’est la base, le principe du texte, qui régit tout. C’est ici tout le nœud du problème, c’est ici que tout se joue. Pourquoi ? Parce que selon St Thomas d’Aquin ce qui fonde la dignité de l’homme c’est la raison, l’intelligence. Ce qui distingue l’homme de l’animal c’est la raison. Ce n’est pas pour rien que l’on définit l’homme comme un animal raisonnable. Et la liberté ? La liberté, comme l’a dit le pape Léon XIII est UNE dignité de l’homme et non pas LA dignité de l’homme, parce qu’elle suit la raison. Ce qui fait qu’un homme est homme c’est la raison, puis vient la liberté. Celle-ci, qui est la faculté de se mouvoir dans le bien, est un acte de la volonté qui suit l’intelligence qui présente l’objet à la volonté. Le texte conciliaire inverse cet ordre naturel, il place la volonté (ici la liberté) avant l’intelligence. La conséquence en est que la liberté devient un absolu, qui régit tout, qui entraîne « tyranniquement » la raison dans l’idéalisme. C’est tout simplement une révolution (et donc satanique) puisqu’on établit un ordre contre nature, en inversant l’ordre des choses. L’homme par cette inversion cesse de vouloir le bien objectif, qui lui est présenté par la raison, il veut quelque chose qu’il s’est forgé « librement » sans correspondance avec la réalité. Si la vérité nous rend libre, selon le mot de Notre Seigneur Jésus-Christ, la liberté ne nous rend pas forcément vrai !

Inversion tragique qui étouffe l’intelligence et handicape le travail de la grâce, puisque celle-ci présuppose la nature… si elle existe encore… A travers ces quelques réflexions on voit aussi que par ce trucage, la foi est vite réduite à quelque chose de subjectif : « à chacun sa vérité » devient « à chacun sa foi ». Cela est le fruit de la conscience, considérée comme un absolu (où est la conscience erronée ?) par Dignitatis Humanae (cf.6).

Si la liberté (qui est devenue la faculté de vouloir son bien subjectif, que l’on s’est forgé) est le principe absolu, il est logique que la loi n’aura plus le même sens, le même but. En effet, la loi qui est une aide, un auxiliaire pour aider la faiblesse de la volonté humaine a atteindre le bien réel, deviendra la protectrice d’une liberté déchue, pour empêcher tout retour à l’ordre naturel. La loi dans une telle conception n’a plus de fondement naturel ou divin puisque la liberté ne suit plus la raison. Son seul « fondement » sera la liberté… d’où une loi, un droit soumis au subjectivisme, au changement. Les seules choses garanties seront les droits de l’homme, la liberté religieuse. La vérité n’a plus de droit, elle a été substituée par la liberté ! La distinction entre erreur et vérité ? Pure fiction subjective, car pour les uns la vérité sera ceci, pour les autres cela … au gré de la liberté ! (cf. 4, 5 et 6).

En conséquences ultimes, le bien commun sera la sauvegarde des droits de la liberté religieuse, et l’Etat le gardien fidèle et intransigeant de cette liberté religieuse (cf. 9). On est loin de ce bien commun, qui selon les écrits de St Thomas d’Aquin, est l’agencement rationnel des fins de l’agir particulier, afin que soit réalisé avec le plus d’intégrité possible le bien de la raison, objectif ultime de la vie. Le texte opère une séparation entre l’Eglise et l’Etat (cf. 8), pour unir ce dernier avec la liberté religieuse (cf. 10). Si le bien commun est la liberté religieuse alors est fini le temps des concordats qui accorde des droits à la vérité, est fini également le temps des Etats confessionnels qui reconnaissent et adhèrent à la vérité. En effet tout cela va contre la liberté religieuse. L’Etat sera le protecteur de celle-ci et fera la guerre aux ennemis de la liberté, …. il n’y a vraiment pas grand chose pour aboutir à une super-puissance qui fait la police en chassant les opposants au « monde libre », pour défendre la liberté universelle, animée par une nouvelle église.

Voilà une petite esquisse d’un grand problème. Le travail aurait pu s’arrêter uniquement à montrer la fausseté du point de départ : celui-ci étant faux, tout ce qui en découle l’est aussi. Le pape Paul VI, le cardinal Koenig (pour ne citer qu’eux) ont beau citer des textes tronqués des papes, de la Tradition, le camouflage ne prend pas et les conséquences diaboliques ont toujours le même principe également diabolique.

L’article s’est volontairement attardé uniquement sur une partie de Dignitatis humanae et sur une description rapide (et donc incomplète) de certaines conséquences du texte conciliaire. Le souci principal a été de mettre en évidence la logique du concile : principe erroné, faux = conséquences néfastes, conséquences qui se déroulent encore sous nos yeux.

Sources :

  • Conférence spirituel à Ecône de Mgr Lefebvre du 28.01.86

  • Actes du concile Vatican II (Edition du Centurion)

  • Commentaires des Actes du concile par le cardinal Koenig. (Edition du Centurion).

  • Ils l’ont découronné de Mgr Lefebvre

  • Libertas Praestantissimum, Encyclique de Léon XIII

  • Humanisme politique de St Thomas d’Aquin – Individu et Etat Louis Lachance (O.P)

  • St Thomas d’Aquin : Ia IIal q 3, 4, 17, 47, 90-92

  • St Thomas d’Aquin : De reg. Princ.

  • St Thomas d’Aquin : I Pol.

  • St Thomas d’Aquin : I Eth.

Abbé Dirk Dibourg

1

Dignitatis Humanae n°2

2

Dignitatis Humanae n°1

3

Dignitatis Humanae n°1

4

Dignitatis Humanae n°2

5

Dignitatis Humanae n°3

6

Dignitatis Humanae n°3

7

Dignitatis Humanae n°3

8

Dignitatis Humanae n°3

9

Dignitatis Humanae n°6

10

Dignitatis Humanae n°6