Article tiré du numéro 6 de la revue Civitas (septembre 2002) : La famille.

Sommaire

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Les associations familiales françaises inscrivent leur action selon deux courants de pensée qui ont vu le jour à la fin du XIXème siècle, selon qu’elles concentrent leurs efforts sur l’aspect moral ou législatif de leur combat ; d’où un nécessaire retour en arrière pour comprendre la problématique actuelle d’une éventuelle action au sein de ces associations.

Retour en arrière

Après les attaques contre la famille, issues de la Révolution Française et des idées de Rousseau sur l’état de nature, la famille était peu à peu devenue une idée du passé, bafouée, ridiculisée par les auteurs dramatiques.

Le premier sursaut va intervenir en 1857 avec un cri d’alarme lancé par les démographes inquiets du retard pris par la natalité française par rapport aux autres pays européens. Cette inquiétude incita un certain nombre de responsables à engager des démarches vers les institutions politiques pour obtenir des dispositions matérielles en faveur du développement des familles nombreuses, c’est la tendance « nataliste » du mouvement familial.

Au même moment, de 1857 à 1885 un groupe de légitimistes conduit par Le Play élaborerait les premiers éléments d’une politique familiale fondée sur le père de famille, chef naturel, intermédiaire entre l’Etat et l’individu. Ce souci de remettre la famille sur ses bases naturelles donna naissance à la seconde tendance du mouvement familial, celle des « familiaux ».

Il arrivera aux natalistes et aux familiaux de travailler ensemble car un programme complet de restauration familiale commandait en même temps une action législative et une action morale.

L’Alliance Nationale

En 1908 était fondée une « Alliance Nationale » pour le relèvement de la population française par l’égalité des familles devant l’impôt. Sous l’impulsion de son promoteur, Bertillon, l’alliance obtint en 1909 la reconnaissance du principe de dégrèvement de la contribution mobilière en fonction du nombre d’enfants et la loi de finances de 1911 améliora la situation des familles nombreuses en matière de succession. La patente fut elle aussi réformée en faveur des familles.

En moins de 5 ans, en réalisant une large partie de son programme l’Alliance Nationale avait fait beaucoup pour la famille, même si Bertillon n’avait pas perçu le fait que la dénatalité française tenait pour une large part au fait que la famille avait été déstructurée par les dispositions libérales issue de la Révolution française.

Le retour aux valeurs familiales

Au moment où, en raison de la dépopulation, l’opinion publique commençait à prendre conscience des services rendus à la nation par les familles, Paul Bourget apporta sa contribution à cette œuvre de reconstruction morale en réintroduisant dans les lettres l’institution familiale.

Il fut suivi par H. Bordeaux qui campa avec un rare bonheur l’image de la femme forte de l’Evangile : fidélité, dévouement, courage, oubli de soi, elle est tout cela à la fois. En rendant la famille sympathique aux célibataires, aux couples égoïstes, il redonna le goût de la vie, l’amour des enfants.

Il sera complété par Hervé Bazin qui narrera les dangers qui menacent les familles paysannes (déracinement) et ouvrières (le taudis).

Les premières associations catholiques

A la fin du XIXème siècle, une fraction de l’Episcopat et un certain nombre de catholiques accompagnèrent l’effort des romanciers en faveur de la famille, mais paradoxalement moins au nom de la morale qu’en raison du risque de dépopulation dont ils mesurent la gravité et les funestes conséquences, ce furent les premières associations familiales catholiques locales, mais leur essor resta lent et limité le plus souvent au département, jusqu’à l’arrivée en scène du capitaine Maire.

La ligue Populaire des pères et mères de Familles Nombreuses

Cette association fondée en 1908 par le capitaine Maire va marquer le mouvement familial. Clamant son slogan : « Les familles nombreuses, créancières de la nation », il ne faisait pas mystère que sa persévérance à être père de famille nombreuse et à se mettre au service des pères de famille lui était dictée par sa foi chrétienne.

Sous sa conduite le développement de la ligue sera impressionnant : de 64 groupements en décembre 1909 elle en compte 1100 en 1914 et 1500 en 1919 représentant 600 000 familles et des manifestations grandioses furent organisées à Paris.

Ces manifestations imposèrent dans l’opinion publique le fait « famille nombreuse » et montrèrent la détermination des intéressés à obtenir justice, mais elles demandaient à être complétées par des cercles d’études où seraient définis les intérêts vitaux des familles et un mode d’action à long terme. Malheureusement en raison d’une centralisation excessive, le mouvement ne put assurer la formation d’élites sociales capables de susciter et de rendre vivantes les sections locales.

Cependant l’action du capitaine Maire fut le choc psychologique qui permit l’essor du mouvement familial.

Les Associations Catholiques de Chefs de Famille

Ce mouvement de défense des familles catholiques fondé par le Chanoine Tournier s’étendit très rapidement : 50 associations en 1908, 400 en 1910.

Son action, après la loi de séparation, était centrée sur le contrôle de l’école publique : démarches auprès des instituteurs pour faire disparaître à l’amiable les manuels condamnés par les Evêques, campagnes de presse et d’opinion, voir de procès intentés contre l’autorité académique auprès du Conseil d’état.

La pression de ces associations fut si tenace que le 1er juillet 1913 le ministre de l’instruction publique Barthou publia une circulaire qui précisait : « Dans chaque département, une liste de livres reconnus propres à être mis en usage dans les écoles primaires sera dressée avec le concours des instituteurs et l’appui du recteur, et portée à la connaissance des parents d’élèves qui auront l’autorisation de demander une éventuelle modification. »

L’action conjuguée de toutes ces associations amorce en 1913/14 une reconnaissance officielle de la place de la famille nombreuse dans la société, tournant décisif qui se prolongera après la première guerre avec en 1920, au congrès de Lille, la déclaration des droits de la famille par le général de Castelnau.

En 1940, après 150 ans d’individualisme, la publication du code de la famille, reconnaît enfin celle-ci comme entité naturelle et juridique.

La representation institutionnelle des familles aujourd’hui

Elle est fondée sur l’ordonnance du 3 mars 1945 qui crée les UDAF (Unions Départementales des Associations Familiales) et l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales).

La loi énumère les quatre missions des Unions :

  • donner des avis aux pouvoirs publics sur des questions d’ordre familial, proposer des mesures conformes aux intérêts matériels et moraux des familles

  • représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l’ensemble des familles, désigner, proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l’état, le département, la commune

  • gérer tout service d’intérêt familial dont les pouvoirs publics estimeront devoir leur confier la charge

  • exercer devant toute juridiction, sans avoir à justifier d’un agrément ou d’une autorisation préalable de l’autorité publique, l’action civile relative aux faits de nature à nuire aux intérêts matériels et moraux des familles

Par ailleurs, à la base du mouvement familial se trouvent 6 000 associations regroupant librement près de 700 000 familles.

Une UDAF est gérée par un conseil d’administration de 36 personnes élues pour moitié par les associations familiales du département et pour l’autre moitié désignées par les mouvements agréés par l’UDAF dans le département.

L’action d’une UDAF se manifeste dans les domaines suivants :

  • la vie des familles : leurs droits, leurs problèmes, depuis la préparation du foyer jusqu’à la vieillesse

  • la protection des familles : sécurité sociale, prestations familiales, consommation, drogue

  • l’éducation des familles : problèmes scolaires, loisirs, etc.

  • l’équipement des familles : du logement jusqu’au problème de communication, création de services multiples

Ainsi l’UDAF de X…, est représentée dans 45 organismes officiels par plus de 600 militants familiaux. Ces organismes vont de la Caisse d’Allocations Familiale, de la commission départementale d’attribution de la médaille de la famille française, au logement, à la sécurité routière, aux centres communaux d’action sociale, etc.

Les UDAF peuvent avoir en propre des commissions de réflexion sur le secteur social (hôpitaux), l’éducation/formation, la vie des jeunes familles, l’habitat/le cadre de vie, l’éthique (clonage, arrêt Perruche), etc.

Le résultat du travail de ces commissions est à la base des prises de positions publiques de l’UDAF.

Les UDAF proposent aussi aux militants familiaux des journées de formation sur des thèmes très variés que nous pouvons suggérer; en général les frais sont pris en charge ou alors la participation est minime.

Agir au sein d’une représentation familiale

On ne peut rester inactif dans un domaine aussi important et immédiat, aussi faut il se mobiliser en fonction de nos moyens.

Outre des actions personnelles doublées du témoignage donné par votre famille, il est indéniable que l’engagement dans un mouvement familial s’impose.

Et ce d’autant plus que l’institution familiale est le seul endroit où est reconnu le vote familial : cela signifie que les voix sont proportionnelles au nombre d’enfants à charge avec majoration pour les familles de plus de trois enfants. Ainsi nos familles nombreuses pèsent-elles très lourd lors des votes.

L’adhésion à une association locale peut comporter plusieurs niveaux de participation :

  • adhésion simple : action limitée à l’apport des voix proportionné au nombre d’enfants

  • adhésion et implication dans l’association : conseil d’administration, activités à caractère familial, participation à des groupes de réflexion (lecture, télévision, etc.)

  • adhésion et implication dans le cadre de l’UDAF : les représentations institutionnelles sont très nombreuses et peuvent correspondre à nos compétences, nos centres d’intérêts

Ces représentations dans notre commune ou notre quartier, permettent de participer à la vie sociale avec un statut reconnu institutionnellement et de peser un poids non négligeable.

Pour les plus déterminé(e)s d’entre nous, ces organismes sociaux ayant eux-mêmes des représentations, rien n’interdit de se porter candidat et de franchir un nouvel échelon de représentation.

Certes, nous n’allons pas inverser le courant du jour au lendemain, mais il est indéniable qu’entrer dans une représentation familiale et y faire entendre nos idées aura plus de poids que l’action de pères ou mères de famille conduite isolément.

Ainsi jusqu’à ce jour, les demandes de représentation des « pacsés » ont toujours été refusées, bien que l’UNAF se refuse à privilégier un modèle de famille, combien de temps encore cette situation durera-t-elle si nous ne nous battons pas au sein des représentations officielles pour empêcher de telles dérives. Il en est de notre responsabilité !

Quelle association choisir ?

Chaque association, quelle que soit son appartenance, est, en général, le reflet de son président et de son conseil d’administration, mais avant tout, il est nécessaire de se renseigner sur les activités et les actions réalisées localement.

Les places sont à prendre, le bénévolat est rare, et surtout, un certain ronronnement centré sur l’aspect matériel (services aux « familles ») s’est installé. A nous d’insuffler une nouvelle vigueur avec des « idées vieilles comme le monde ». La nature a horreur du vide, les places que nous n’occupons pas seront prises par d’autres. Rien n’interdit d’avoir une action dans son milieu par le biais de l’association locale, mais c’est la représentation institutionnelle, c’est l’UDAF, qu’il faut briguer.

Les principales organisations sont :

  • La Fédération des Familles de France (FFF), environ 200 000 familles, laïque, très axée sur les services : bourses aux vêtements, mamies-services, etc. 9 pôles principaux d’action : vie familiale/éducation, consommation, politique familiale, formation des militants, emploi/solidarité, enseignement, habitat/cadre de vie, communication. Elle fait preuve d’un professionnalisme certain. Globalement elle relève plutôt de la tendance « nataliste ».

  • Association pour la Recherche et l’information Démographique, principale association représentant la tendance nataliste hors UNAF, présidée par Gérard-François Dumont et qui a compté parmi ses membres Pierre Chaunu, Alfred Sauvy, Jean Legrand. Son action se matérialise par la publication d’ouvrages centrés sur la démographie.

  • Les Familles Rurales, laïques, spécifiques au milieu rural, traversées actuellement par un courant « écologique », réformiste et révolutionnaire.

  • Les Associations Familiales Catholiques (AFC), 40 000 familles réparties dans 380 AFC, dans la mouvance de l’Eglise conciliaire, très actives sur les « chantiers éducation », elles s’inscrivent dans la lignée des « familiaux ». En raison de nos divergences en matière de foi et de liturgie, il est peu probable d’arriver pour nous à exercer des responsabilités importantes dans la hiérarchie de ce mouvement.

  • Il existe de nombreuses autres associations à vocation très ciblée, comme les veuves, les adoptants, les handicapés…

  • Enfin, bienvenue au Mouvement Catholique des Familles, dans la mouvance de la Fraternité St Pie X, qui est né il y a à peine un an et à qui nous souhaitons un bel essor (correspondance à adresser à : M – C – F Clos du pavillon 71570 Chaintré).

La famille est un élément fondamental de la société et nos adversaires l’ont bien compris qui ont multiplié les lois et les manœuvres pour la vider de sa substance. Mais là encore, comme on l’a vu ailleurs, les progrès de la subversion depuis cinquante ans ont été permis avant tout par la démobilisation des élites laïques et religieuses. Or nous devrions pouvoir réagir efficacement tant les problèmes de la famille « collent » à l’ordre naturel des choses et peuvent être perçus dans leur vraie dimension si on prend la peine de rappeler à nos interlocuteurs quelques vérités essentielles de la loi naturelle.

Comme l’ont montré ces quelques lignes, le combat doit être mené sur deux fronts : celui des « familiaux » et celui des « natalistes ». Certes, c’est au quotidien, sur des questions très concrètes et immédiates, que nous devons nous battre, mais il ne peut y avoir de solution durable et fiable sans le vote de lois protégeant les familles et réprimant tout ce qui peut leur porter atteinte.

Et cette affaire est, in fine, une question politique car elle ne sera réglée que lorsque la société sera conforme à l’ordre naturel et chrétien 1.

Président d’association familiale depuis 1978

Administrateur UDAF pendant 10 ans

Administrateur CAF depuis 1984

Christian Brunet

1

Cf. Jean Ousset dans Permanences n°53 de 1968 : « A vous croire, la défense, la revitalisation des familles dispenserait de s’attacher désormais à la défense, à la revitalisation des corps intermédiaires, le fait pour les familles d’être les cellules de base de la société exigeant qu’on s’attache d’abord à refaire des familles saines pour que la société le devienne à son tour. Prétention aussi vaine que celle qui proposerait de faire des enfants sans embrasser sa femme. Car il reste et il restera toujours à prouver qu’on peut, efficacement, défendre, revitaliser les familles dans leur ensemble quand rien dans l’ordre institutionnel, rien dans les corps intermédiaires et les services de l’Etat, n’est ordonné ou conçu pour le permettre sinon le favoriser; dans un pays où, comme le notait Joseph Vassal « les quatre cinquième des enfants reçoivent une éducation sans Dieu, où les neuf dixièmes de la presse sont mauvais, où la famille est dissociée par la loi du divorce, où l’immoralité règne en maîtresse dans les usines et les ateliers, et se propage partout par cette apothéose de la chair qu’est le cinéma ».