Article tiré de la revue Lectures Françaises n° 534 (Octobre 2001).

Article tiré de la revue Lectures Françaises n° 534 (Octobre 2001).

 

Les assassinats aveugles commis à New-York et Washington méritent une condamnation sans appel. Si cet auteur s’est uni aux prières du peuple américain pour le salut de l’âme des défunts, il ne saurait pourtant s’associer à la « vengeance » que ses dirigeants préparent. Ici comme ailleurs, l’émotion manipulée par les media sert souvent à masquer des objectifs politiques profonds et inavouables. A qui profite le crime ?

Les assassinats perpétrés aux Etats-Unis ne bénéficieront ni au peuple afghan, ni aux régimes islamiques en place, ni aux musulmans du monde entier. L’embarras des capitales arabes et musulmanes n’est comparable qu’au soulagement éprouvé par Israël alors que s’achève la tumultueuse conférence de Durban. Les incursions dans les territoires se multiplient pendant que le monde observe Washington.

Mais ces réflexions superficielles ne sauraient faire oublier des « bénéfices collatéraux » essentiels : la mise au pas du peuple américain et des États rebelles au Nouvel ordre mondial, les rogue states.

La convergence entre l’Est et l’Ouest amorcée par la pérestroïka a supprimé le principal obstacle à l’avènement du Nouvel ordre mondial, d’ailleurs proclamé peu de temps après par le président Bush I. D’autres obstacles demeurent néanmoins : la haine entre Juifs et Arabes ; le bloc islamique en général ; le Tiers-Monde et l’Inde en particulier ; la Chine néo-communiste et surtout la mentalité américaine, éprise de liberté et d’indépendance. Comment faire admettre au peuple de l’unique superpuissance la nécessité de se soumettre aux diktats de l’ONU ? La crainte du terrorisme international permet d’imposer des mesures de police inimaginables aux Etats-Unis : création d’une police fédérale, utilisation de l’armée à des fins de police, création de carte d’identité (avec marquage génétique à terme) etc. La vieille recette fasciste fonctionne toujours : donnez-nous votre liberté, votre âme ; nous garantissons votre sécurité, votre immortalité. Vu de ce côté-ci de l’Atlantique, il peut s’agir d’avancées révolutionnaires minimes : ne sommes-nous pas habitués depuis longtemps au plan Vigie-pirate et aux cartes d’identité ? Pourtant, pour la droite américaine, ce sont là des transgressions constitutionnelles graves qui affecteraient les libertés individuelles. Si les verrous constitutionnels sautent, si les libertés héritées des siècles précédent sont formellement limitées, plus rien ne s’opposera au totalitarisme du Nouvel ordre mondial. Une transgression psychique s’établit : la psychologie américaine, fondée sur un sentiment de sécurité et de puissance, s’étant lézardée, il est maintenant possible de lui imposer le joug des vaincus. C’est le psychisme collectif de tout un peuple que l’on manipule pour l’amener à se soumettre à la volonté des maîtres du monde.

La lutte contre les états voyous, rebelles au Nouvel ordre mondial, et naturellement l’un des thèmes de réflexion des cercles mondialiste 1. A-t-on assez réfléchi à ses conséquences : opérations de police internationale sous l’égide du l’OTAN avec le soutien de la Russie et de la Chine ; coopération accrue des services de renseignement ; surveillance étroite de toutes les opérations financières ; renforcement des cours internationales ; démilitarisation de la société mondiale sous le contrôle de l’OTAN et de l’ONU ; imposition de la « culture de paix », destinée à nous transformer en esclaves apathiques et heureux, satisfaits de leur sort et des jeux télévisuels quotidiens.

Ici encore, la dimension psychologique est considérable. Les États-Unis, principal bras armé du mondialisme, s’attirent la sympathie du monde entier tandis que les opposants au Nouvel ordre mondial se trouvent de facto rangés dans la catégorie des terroristes rétrogrades, des fanatiques musulmans et des assassins aveugles. Dans cette lutte du Bien contre le Mal, tous les dissidents du Nouvel ordre mondial sont, psychologiquement, mis hors-la-loi. Les valeurs mondialistes s’imposent comme le Bien.

Les bénéfices politiques que les mondialistes retirent des attentats du 11 septembre sont donc considérables. Est-ce pour cela qu’une heure après que les deux tours du World Trade Center furent touchées, deux autres avions ont pu dévier de leur plan de vol pour menacer Washington sans être abattus ? Que la défense antiaérienne du Pentagone n’a pas été utilisée ? Que les avertissements des services secrets français ont été négligés ? Que les terroriste n’ont pas utilisé d’armes bactériologiques, simples de fabrication et qui auraient fait des millions de morts ? Ben Laden est une création de la CIA ; « L’homme le plus redouté des Etats-Unis, longtemps entraîné par la CIA… » titrait récemment Le Monde. Le corps de l’article est plus mystérieux encore :

« Oussama Ben Laden garde le contact avec le prince Turki, patron des services saoudiens. II le conservera envers et contre tout, même après 1996, lorsque le Soudan, soumis à des sanctions de l’ONU, le prie de quitter le pays. Même après 1998, lorsque, devenu l’ennemi public numéro un des États-Unis, sa tête est mise à prix et ses bases bombardées. Sa famille le renie, du moins officiellement. Quant à la CIA, mystère. Les experts sur ce point divergent. 2 »

Certains 3, fort bien informés, ont soutenu que le FBI avait connaissance des préparatifs du précédent attentat contre le World Trade Center et que le commando avait même été infiltré par l’un des ses agents. Les media affirment que les États-Unis ne pouvaient imaginer une attaque sur leur sol et qu’ainsi s’expliquent les incroyables carences des services secrets américains. Bien au contraire, plusieurs articles parus dans Foreign Affairs, la revue du CFR, évoquent la possibilité de l’hyper-terrorisme avec comme cible des villes américaines. Un article paru en 1998 cite même dans son premier paragraphe les écrits de Tom Clancy, consacrés… à la destruction du Capitole par un avion !

S’il est trop tôt pour répondre aux questions précédentes, il n’est pas trop tard pour les poser. Nous observerons prochainement la redoutable exploitation politique que les mondialistes sauront faire de ces attentats.

Nous pouvons néanmoins tirer dès maintenant quelques leçons de cette affaire : la pérestroïka a radicalement modifié la donne politique tant à l’échelon national qu’à l’échelon international. En particulier l’usage de la violence physique est en passe d’être prohibé pour être remplacé par une coercition désincarnée, abstraite. Finance, media, idéologie, éducation et culture sont parmi les principaux vecteurs de cette nouvelle forme de totalitarisme, insidieux mais d’autant plus efficace. Pour rester en prise avec notre société, nos efforts devront nécessairement se focaliser sur ces domaines et nous ne saurons éviter un réexamen complet de notre stratégie.

PS : Cet article était rédigé quand la presse anglaise a fait état d’un protocole militaire antérieur aux attentats passé entre les États-Unis et d’autres pays et ayant pour objectif la chute du régime des talibans.

Pascal Bernardin

1

Foreign Affairs, January/February 2000, p. 45 (article de Condoleezza Rice) et May/June 2001, p. 62. Foreign-Affairs est la revue du CFR.

2

Le Monde, 15 septembre 2001, p. 4.

3

The New American, 3 mars 1997.